À priori, rien ne destinait Rafael Perez à devenir gérant d’artiste, propriétaire de label et encore moins éditeur. Ce natif de Québec est un peu venu à l’édition par hasard, fruit de rencontres déterminantes qui l’ont mené là où il est aujourd’hui, c’est-à-dire à la tête de Coyote Records, un des labels les plus intéressants au Québec grâce à un flair judicieux et à un catalogue diversifié.
Vous voulez des noms? Karim Ouellet pour commencer, celui par qui tout s’est mis en place, puis Klô Pelgag, Alfa Rococo, Antoine Corriveau, Claude Bégin, Julie Blanche, Félix Dyotte, Millimetrik, Ludo Pin, Peter Henry Phillips, Webster, Francis Faubert et plusieurs autres ont trouvé une niche à leur image chez Coyote Records, autrefois baptisé Abuzive Muzik.
Fort de plusieurs récompenses éloquentes, Coyote Records compte désormais parmi les acteurs les plus influents de la scène culturelle québécoise. « J’ai travaillé principalement dans le hip-hop jusqu’en 2010, au moment où j’ai signé Karim Ouellet et renommé ma boîte Coyote Records, qui était le nom de mon chien », précise Rafael Perez qui a d’abord commencé comme gérant du duo hip-hop Sagacité en 2006 avant de créer l’entité Abuzive Muzik et de devenir la référence hip-hop dans la Vieille Capitale où ce polyvalent touche-à-tout est encore basé aujourd’hui.
« Karim Ouellet correspond au début de Coyote Records tel qu’on la connait aujourd’hui, c’est-à-dire une maison de disque plus généraliste, ouverte à différents styles musicaux bien que le hip-hop y ait toujours sa place. On fait de tout: un peu d’électronique, du reggae, du rock, de la pop, du folk », détaille Rafael Perez. «On s’est monté une écurie qui est assez diversifiée; on édite ainsi toutes sortes d’œuvres dans toutes sortes de réseaux aujourd’hui. On défend des styles qui sont plus populaires sur des réseaux commerciaux, mais on est aussi très présent dans les milieux alternatifs ».
Total néophyte à ses débuts, celui qui se dirigeait d’abord vers la restauration est aujourd’hui devenu un joueur clé de l’industrie du disque, un homme respecté par ses pairs et passionné par son métier, un métier qu’il a appris sur le tas, animé par une détermination sans borne et une passion indéfectible pour la musique en tous genres.
« Au départ, je n’avais aucune idée de ce qu’était l’édition musicale. De fil en aiguille, j’ai commencé à m’y intéresser, de même qu’à la gérance et à la production de spectacles. J’ai suivi des formations à l’ADISQ, je me suis acheté plusieurs livres sur le sujet et c’est tranquillement devenu une passion. C’est à partir de là que je suis entré dans le fabuleux monde de la musique, de la production et de l’édition au Québec. Mais franchement, au début, j’arpentais un territoire complètement inconnu; je n’avais aucune idée de ce qu’était la SOCAN, SODRAC, SOPROQ, Musication, SODEC, Fonds RadioStar… Il y en avait tellement que ça en devenait étourdissant! ».
Humble, Rafael Perez admet qu’il a encore beaucoup à apprendre, mais sa perspicacité lui a jusqu’à présent permis de manœuvrer avec tact et stratégie à une époque où les changements sont rapides et où les acquis d’hier ne cadrent plus nécessairement avec ceux d’aujourd’hui.
« C’est certain qu’il va y avoir une période de chamboulements, mais avec le temps, avec une législation adéquate, on devrait revoir de beaux jours en musique. »
« La principale activité au sein de Coyote Records, c’est l’édition. Vendre des disques c’est de plus en plus compliqué et ça ne va certainement pas s’améliorer avec le temps. Nous, ce n’est pas notre force. Par contre, niveau édition, on se débrouille plutôt bien. Donc on est un éditeur avec une valeur ajoutée et non l’inverse comme c’est le cas dans d’autres maisons de disques ».
Réaliste et pragmatique, le patron de Coyote Records a une vision éclairée sur le métier et les défis qui l’attendent tout en demeurant bien conscient que la tâche ne sera pas toujours facile.
«Il y a beaucoup de défis auxquels l’industrie va devoir faire face. Les médias traditionnels, qui sont une source de revenus importante pour les créateurs et les éditeurs, sont en pleine mutation. Comme pour le disque, que les gens ont de plus en plus délaissé pour se tourner vers l’achat numérique et maintenant glisser vers le streaming, je pense que les auditeurs vont abandonner la radio classique pour peu à peu se tourner vers les radios internet ou satellites. Je crois que toute cette transition-là ne sera pas sans répercussions sur les revenus des créateurs. C’est la même histoire pour la télé.
« Donc la façon de rémunérer les gens change progressivement même si elle n’est pas toujours aussi équitable qu’elle devrait l’être. C’est certain qu’il va y avoir une période de chamboulements, mais avec le temps, avec une législation adéquate, on devrait revoir de beaux jours en musique. À moyen terme ça risque d’être difficile pour les créateurs et éditeurs, mais à long terme je suis confiant. »