Fuso, Guillaume de son prénom, Français d’origine installé au Québec depuis l’âge de neuf ans, lançait en 2016 un premier album anglophone. Un premier extrait radio bilingue s’en suit, Rain Is Falling, puis pas grand-chose. Jusqu’au jour où il soumet une version française de la ballade romantique Love aux radios québécoises. Un texte remanié, où il passe allègrement de l’anglais au français, au gré de sa mélodie ensoleillée qui rendrait n’importe quel fan de Jason Mraz ou Jack Johnson bien heureux.
« Il faut dire que la version initiale de Love était déjà bilingue, explique Fuso. Ce que j’avais fait naturellement. Quand on a voulu la modifier pour la radio, j’ai seulement eu à réécrire quelques passages. J’avoue que ce fut un processus plus compliqué que je ne l’aurais cru. Je voulais garder la même sonorité que la version de base, mais surtout le même message. On a essayé plusieurs textes avant de trouver le bon. Ce fut un défi très agréable à réaliser. »
Depuis, Love (version française) lui a permis de connaitre son premier top 10 radio, les 4 principaux réseaux radiophoniques québécois jouant quasi à satiété la chanson. Autodidacte, l’auteur-compositeur et membre SOCAN ne cache pas sa surprise face au succès de la pièce, surtout que sa vie radiophonique a commencé en étant le Coup de cœur du groupe iHeartRadio : « J’ai été tellement heureux, mais surtout surpris par le succès de ma composition « coup de cœur »! Déjà que l’accueil de mon premier single Rain Is Falling dans les radios avait dépassé de loin toutes mes attentes. Là, je suis comblé ! »
Le jeune auteur-compositeur devrait passer l’automne sur la route et aussi en studio, comme les derniers spectacles lui ont permis de “casser” quelques nouvelles chansons : « J’ai eu beaucoup de plaisir à faire la première partie d’artistes que j’admire tels que Jérôme Couture. Je le vois comme un mentor musical, mais aussi un homme avec la main sur le cœur. J’ai eu énormément de plaisir à partager la scène avec lui. J’aurai la chance de remonter sur scène et assurer la première partie de son spectacle en octobre prochain à Granby et espère renouveler l’expérience encore plusieurs fois ! », conclut le sympathique troubadour.
Photo par Béatrice Flynn
Le dérapage contrôlé d’Émile Bilodeau
Article par Élise Jetté | jeudi 24 aot 2017
Certains diront qu’il faut être patient, attendre le bon moment et demeurer en retrait en attendant sa vague. Si tel est le cas, la vague d’Émile Bilodeau en est une soudaine et précoce. À peine âgé de 21 ans, l’auteur-compositeur-interprète vit encore chez ses parents en banlieue de Montréal, n’a pas de permis de conduire, mais il n’a qu’un seul rythme lorsqu’il chante : la vitesse grand V.
Photo: Léolo
« Quand j’écris, je me dis « si ça rime, ça doit marcher ». J’ai toujours été séduit par la musicalité des mots. C’est seulement après que je vérifie si le sens est bon. J’aime que la forme prenne le dessus sur le propos. Après, quand on s’attarde à mes textes, on voit le travail de piétage. Ça a l’air de ne pas être contrôlé, c’est un paquet de mots qui se suivent et qui sont faciles à mémoriser, mais je repasse toujours sur mes textes après un jet d’écriture automatique. »
Autodidacte, Émile a fait le saut dans le grand monde de la musique lors de sa participation à la finale des Francouvertes en 2015. Son coffre à outils artistique peut sembler vide si on s’attarde au fait qu’il n’a aucune étude en musique derrière la cravate, mais il assure que Dare To Care, sa maison de disques, lui a trouvé « tous les amis dont il avait besoin », dit-il en riant. C’est notamment Philippe B qui a réalisé son premier album et il aspire à travailler à nouveau avec ce dernier pour son prochain disque.
Ni totalement dans la marge, ni complètement plongé dans le grand bassin de la musique commerciale, il se dit fier de pouvoir s’assoir entre deux chaises. Celui qui a réussi à placer certains titres sur les ondes des grandes radios se targue également de pouvoir faire entendre des pièces moins collées au moule sur les ondes des radios indépendantes. « C’est une chance de toucher à tous les publics, clame-t-il. Depuis que je suis petit, je veux gagner ma vie avec la musique. J’ai commencé mes études en multisport… Loin de moi l’idée de généraliser en disant que les sportifs écoutent juste CKOI, mais je suis toujours flatté quand mes amis du cégep me disent qu’ils m’ont entendu à la radio. »
« Ma carrière musicale est partie en flèche. C’est tout cru, mais j’ai des bonnes mâchoires ! »
Il n’en demeure pas moins qu’il puise une grande fierté dans le fait de proposer une voie alternative avec un style moins accessible. Il affectionne particulièrement le mariage du rock et du jazz de la pièce America, qui joue plutôt sur les ondes universitaires. « J’aime que les gens qui m’ont connu avec CKOI me découvrent en show et se disent « ok, c’est pas Marc Dupré. On change de moule d’une chanson à l’autre ». Au Québec, il y a trois personnes qui décident ce que toute la province écoute. J’espère pouvoir amener de nouvelles personnes à faire leurs propres recherches pour découvrir des choses qu’on ne leur donne pas toutes cuites. »
Le premier album du jeune artiste, Rites de passages, sorti à l’automne 2016, permet de constater qu’il est loin d’être un homme de peu de mots. C’est d’ailleurs son franc-parler, sa fougue et son propos politique qui marquent lorsqu’on s’attarde à ses pièces tantôt amusantes, tantôt revendicatrices. Déjà comparé aux grands porteurs d’idéaux tel Dédé Fortin, il ne s’oppose pas lorsqu’on lui fait porter les chapeaux de la préservation de la langue ou de la défense des intérêts de sa génération. « Je pense que ça peut faire du bien aux gens de voir un jeune qui a la langue française à cœur. Je me fais un devoir de dire que le français, c’est important et il faut en parler aux gens de mon âge et aux plus jeunes. Il ne faut pas diaboliser la musique francophone en faisant juste écouter du Céline Dion aux jeunes en leur disant que, la musique d’ici, c’est seulement ça. S’ils aiment le métal, il faut leur montrer que ça existe, du métal francophone québécois. »
Si le deuxième album n’est pas dans les cartes pour l’instant, la créativité du prolifique musicien n’est jamais en veilleuse. « Je suis vraiment fier de faire un show totalement composé de chansons originales. J’ai écrit des nouvelles chansons dès que mon album a été fini donc mon spectacle, ce n’est que moi », évoque-t-il en précisant qu’il convoite l’idée d’écrire une chanson à quatre mains, prochainement. « J’essaie aussi de sortir de ma zone de confort. J’ai une chanson et demie au piano, à date. C’est original parce que je sais pas vraiment jouer », ajoute-t-il en riant.
La tournée, la route et les spectacles, c’est l’école de musique qu’Émile a choisie. « Si je mets mon capo à la mauvaise place ou que je commence un demi-ton en dessous de ce qui est supposé, mes musiciens s’ajustent et ils me traitent de con. Ce sont eux qui me permettent d’être bon. » Il se considère heureux et choyé de pouvoir « apprendre sur le tas devant 5000 personnes au lieu de 5 » et il persiste et signe : son originalité provient de son inexpérience et de sa manière de ne pas voir la musique pour ce qu’elle a de didactique. « Ma carrière musicale est partie en flèche. C’est tout cru, mais j’ai des bonnes mâchoires ! »
Julie Daraîche : Cinquante Ans D’amour et de Country
Article par Philippe Renaud | mercredi 16 aot 2017
Celle que l’on désigne comme la Reine du country québécois célèbre ses cinquante ans de carrière cet été avec la sortie d’un cinquantième album, collection de nouveaux enregistrements, en duo avec les amis musiciens, réalisée par son non moins célèbre frère cadet, Paul. « Tout le monde me dit que je ne fais pas mon âge, commente Julie Daraîche. Mais moi, je le dis mon âge, pis je suis contente de le dire. Dans mes spectacles, je demande au monde : voulez-vous savoir mon âge ? Pis quand je leur dis que j’ai 79 ans, tout le monde dit : Wow ! »
À 79 ans, Julie Daraîche se produit encore régulièrement ; elle sera évidemment de la 50e édition du Festival western de St-Tite, « dans la grosse salle, on devait faire un seul concert le soir, ils viennent de m’annoncer une supplémentaire dans l’après-midi. J’ai fait souvent St-Tite, mais pas autant que Paul, lui y sera pour une cinquantième année de suite, c’est incroyable ! Au tout début, je me rappelle, il travaillait dans des petits clubs. Tout revolait, tout se cassait là-dedans, c’était des vrais honky tonks ! »
Il y a quelques jours, tenez, Julie Daraîche participait au concert d’adieu de Marie King qui elle, à presque 85 ans, a bel et bien décidé d’accrocher son chapeau de cow-girl. « Y’avait du monde là !, s’emballe Julie Daraîche. Je l’ai trouvée tellement belle ! Elle a chanté plusieurs chansons toute seule. Quand j’étais enfant, je me faisais acheter des disques de Marie King, elle a toujours été une grande influence pour moi, et c’était la première femme d’ici à faire carrière dans le country. Elle était tellement contente de me voir. Je lui ai dit : Je suis toujours ici, j’étais là pour ton 50e anniversaire de carrière, je suis encore ici pour ton dernier spectacle, je suis fière d’être là pour toi. »
« On en vendait des disques en fous, mais on savait pas que des disques d’or à 50 000 copies, ça rapportait de l’argent. On ne voyait jamais passer de chèques dans ce temps-là ; pas grave, aujourd’hui, on se reprend ! »
Julie Daraîche, 1966, au bar Roché Percé, à Montréal. Là où tout a commencé. (Source : Dani Daraîche)
Ça doit être ça, le secret de la musique country : ça garde jeune. La Reine ricane. Ça garde actif, aussi : 50 ans d’amour, le cinquantième album de la Dame, faut le faire. « C’est ça, un par année ! Ah, j’imagine que certaines années on en sortait plus qu’un, comme quand on faisait du K-Tel et qu’on n’était jamais payés ! Marie King aussi en a fait. On en vendait des disques en fous, mais on savait pas que des disques d’or à 50 000 copies, ça rapportait de l’argent. On ne voyait jamais passer de chèques dans ce temps-là ; pas grave, aujourd’hui, on se reprend ! »
Et on donne la chance aux jeunes de prendre leur place. Loin de courtiser les artistes de la pop et de la variété pour son nouvel album, Julie Daraîche a convié sa gang, les artistes country, à collaborer. La famille d’abord, ça va de soi, Paul en duo et à la réalisation, sa fille Dani, sa nièce Katia. Puis Rhéal Leblanc, la star de Bouctouche, Louis Bérubé, un autre Acadien, Patricia Caron, aussi animatrice de l’émission Chanson Via Country, la relève, incarnée par Nicolas Dufresne, un Gaspésien comme elle…
« On était en train de faire l’album, et me semblait qu’il manquait une chanson… Ça m’est venu : une chanson sur mon village, la place où je suis née, en Gaspésie. » Le village de St-François-de-Pabos, aujourd’hui fusionné à Chandler, avec vue sur la Baie-des-Chaleurs. Julie y possède toujours une maison « parce que j’ai besoin d’y aller souvent, pour me ressourcer ». La chanson, elle, s’appelle Saint-François,où je suis née, « une belle petite chanson », dit celle qui admet avoir peu composé dans sa carrière « parce qu’on avait un compositeur formidable dans la famille, mon frère Paul ».
Pabos — Montréal
Gaspésie, terre promise du country québécois ! « Parce qu’on n’avait juste ça, explique Julie Daraîche. Quand on était jeunes, on avait des radios à batteries ; ces fichues radios, ça pognait pas grand-chose, et en plus si la température était mauvaise… Mais on attrapait un poste de Nashville ! On était charmés. Merle Haggard, Johnny Cash, Buck Owens, Hank Williams. Les mélodies, les chansons, c’était beau. » À la même époque, le country québécois était déjà bien en selle grâce au Soldat Lebrun, Paul Brunelle, Marcel Martel « qu’on adorait. On allait le voir quand il venait en Gaspésie, une fois par année. On ramassait nos sous toute l’année, ça coûtait 50 cennes entrer. »
Paul, Julie et ses enfants ont quitté la Gaspésie au milieu des années 60 pour trouver du travail à Montréal. « Quand j’ai commencé ma carrière, j’étais serveuse au bar Le Rocher Percé », rue Rachel, devenu ensuite le bar Au Pied du quai quand Julie, son frère et son conjoint Bernard Duguay ont repris le commerce, aujourd’hui les Verres Stérilisés. « Les frères Duguay, ils travaillaient comme portiers. Les propriétaires, Monsieur Desfossés et Monsieur St-Onge, venaient de Carleton-sur-Mer, ils aimaient ça, le country. C’est pour la fête d’un des propriétaires que j’ai chanté pour la première fois. Les Gaspésiens s’étaient réunis dans le bar, on avait fêté jusqu’à 5h du matin. »
Sa première chanson? Mister John B de Sylvie Vartan (la Sloop John B des Beach Boys). « Et Si le chapeau te fait, de Daniel Guérard. Les frères Duguay venaient m’accompagner, guitare et violon. C’est resté de même jusqu’à ce qu’un jour le patron me dit : Écoute Julie, moi, j’aimerais mieux te voir sur le stage que derrière le bar, ça va attirer plus de monde. Comment ça, je ne suis pas une chanteuse, moi ? En plus, j’étais une bonne barmaid. Mais il m’a répondu : Oui, mais t’as vu comment le monde t’aime ? Alors on a formé notre trio », Julie et les Frères Duguay.
C’est avec les Frères Duguay – dont Bernard, son amoureux pendant sept ans, décédé au printemps dernier – que Julie a enregistré son premier « long-jeu et obtenu son premier disque d’or, précise-t-elle. J’ai fait carrière avec eux de 1967 à 1977, c’était de bons chanteurs. »
Une battante
La vie d’artiste country au Québec dans les années 70 n’était pas de tout repos, et encore moins pour une femme, assure Julie Daraîche. « Surtout moi, j’avais des enfants. J’ai fait ma carrière tout en élevant mes enfants. Quand le succès est arrivé, j’ai dû jouer partout en province. Je m’installais un moment dans une ville pour donner des concerts dans la région, puis ensuite dans une autre, mais j’avais toujours mon logement à Rosemont. Quand l’école finissait le vendredi après-midi, je partais avec les enfants donner mes concerts, jusqu’au dimanche soir. Ils dormaient dans l’auto en revenant à Montréal, puis le lundi matin, je les envoyais à l’école. »
« C’était dur dans ces années-là, surtout avec toute la dope qui circulait. J’avais de la misère avec ça, je voyais des gens qui en prenaient et je ne voulais pas de cette vie-là pour eux » qui ont suivi dans les pas de leur mère, dans la musique country, sa fille chanteuse, son fils qui l’a accompagné à la batterie pendant quinze ans. « Je leur ai expliqué que c’est pas comme ça que ça marche, que moi, j’avais beau vivre là-dedans, je n’en ai jamais pris, jamais touché à ça. »
De ces cinquante ans de chansons, Julie Daraîche n’en garde cependant que les beaux souvenirs. « Mon plus beau ? Paul et moi au premier gala de l’ADISQ, recevant le premier trophée pour l’album country, ça, c’est un beau souvenir. Aussi, d’avoir chanté dans la première grande salle de spectacles chez nous, en Gaspésie. C’était mon école, quand j’étais petite. » Et les tournées aux États-Unis durant les années 70 ? « Avec Marcel Martel et sa femme, et nos danseurs country, les Frères Grenier. On allait jusqu’au Connecticut. Au Massachusetts, le country ça pognait, c’était pas croyable. Quand on chantait Un Verre sur la table, tout le monde connaissait les paroles… »
À l’aube d’entamer sa propre tournée d’adieux en 2018, la Reine du country se dit aujourd’hui sereine et heureuse. « Très ! J’ai eu des maris qui sont décédés, aujourd’hui, j’ai un ami qui reste avec moi, un ange. J’ai mes enfants, j’ai même des arrière-petits-enfants, on se voit souvent. Je chante, je voyage, je fais la belle vie. Je suis une femme comblée. »