Né à Saskatoon et établi à Vancouver, l’auteur-compositeur-interprète hip-hop et activiste Dakota Bear prêche par l’exemple. Land Back Records, la maison de disques qu’il a fondée en 2022 avec sa partenaire de vie et d’affaires, Casey Desjarlais, offre un éventail d’opportunités aux musiciens autochtones de tous les niveaux d’expérience, de l’enregistrement de leurs premières chansons au lancement de leurs premiers projets en passant par leur participation à leurs premiers festivals. La maison de disques est en quelque sorte une extension de Decolonial Clothing, une autre entreprise détenue et exploitée par Bear et Desjarlais qui se décrivent comme des « guerriers entrepreneurs ».

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Ce concept, explique Bear, existait bien avant que le couple décide de se lancer en affaires. « Les autochtones ont toujours été des entrepreneurs », affirme-t-il. « Les gens avaient des liens solides et des réseaux et des routes commerciales interconnectés qui s’étendaient sur toute l’île de la Tortue », dit-il avant d’ajouter que ce terme reflète la façon dont les peuples indigènes faisaient des affaires bien avant le colonialisme et le vol de leurs terres.
Land Back, le nom de leur maison de disques, est le terme utilisé par les communautés autochtones et leurs alliés pour désigner le droit de réclamer et de reprendre le contrôle des terres ancestrales. Ces mots, qui ne sont pas qu’un slogan, ont été choisis avec soi par Bear et Desjarlais. Le couple souhaite prendre en main la réclamation des terres en utilisant les profits de leur entreprise pour acheter des terres qu’ils ont l’intention d’utiliser à des fins indigènes.
« C’est un très vieux rêve et j’espère arriver à le réaliser au cours des cinq prochaines années », confie l’homme. « Acheter des terres pour y construire des pavillons de ressourcement, créer des communautés et nous reconnecter avec nos cérémonies, tout ça dans un espace sécuritaire où on a le droit d’exister, d’apprendre et de grandir sans avoir l’impression qu’on peut nous confisquer tout ça à n’importe quel moment. » Bien que ces guerriers entrepreneurs travaillent dur pour atteindre leurs objectifs, ils croient aussi que tout ce qui arrive dépend de la volonté du Créateur.
Bear et Desjarlais ont utilisé une partie des profits de leur boutique Decolonial Clothing en ligne pour financer leur maison de disques et ouvrir un magasin physique à Vancouver où ils agissent comme mentors pour leurs employés autochtones. « Je veux continuer à redonner et à soutenir les autres pour qu’ils réalisent leurs rêves en les encourageant à suivre leurs passions », dit-il. Plus de 100 jeunes autochtones ont bénéficié du mentorat de Bear dans le domaine des affaires et il espère que plusieurs d’entre eux seront à leur tour des mentors pour d’autres. Bref, il participe à ce qu’il espère être « un effet positif et durable pour les prochaines générations ».

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Ado, Bear n’a pas eu la chance d’avoir un mentor et c’est pour cette raison qu’il souhaite offrir de telles opportunités aux jeunes autochtones qui veulent jouer de la musique, mais n’ont pas d’expérience. Grâce à Land Back Records, il agit comme mentor auprès de jeunes qui souhaitent créer des « beats », enregistrer et lancer des chansons en leur apprenant également les connaissances dont ils ont besoin en matière de distribution et en leur offrant des opportunités de mettre leur talent en valeur sur scène. Bear rappelle également aux jeunes autochtones en milieu urbain que la notion de « Land Back » a une signification plus profonde que la simple revendication des terres ancestrales; c’est tout aussi important d’y retourner et de s’y reconnecter.
« Bon nombre d’entre nous se sentent très déconnectés de notre territoire parce qu’on vit en ville », explique-t-il. « Notre manière de voir le territoire, comment on le traite, sa réciprocité, ça c’est des gestes qu’on peut poser au quotidien. Je pense que c’est essentiel parce que la santé du territoire est directement liée à la santé de ses habitants. Il faut qu’on fasse attention à cette relation. »
Bien qu’il soit occupé à élever ses enfants avec Casey Desjarlais en plus de gérer deux entreprises et de lancer des événements communautaires, il trouve toujours le temps de nourrir sa relation avec la musique et il est convaincu que la créativité est une force puissante qui rapproche les gens.
« Il faut prendre le temps », affirme-t-il. « Ça fait partie de qui on est en tant qu’êtres humains, c’est ce qui nous connecte les uns aux autres. » Et ce ne sont pas que des mots pour lui : il les incarne au quotidien. C’est par l’entremise de Land Back Records qu’il a lancé le Turtle Island Festival, un événement gratuit qui met de l’avant la musique autochtone. Le concert présenté à Sunset Beach en 2024 mettait en vedette plus de 20 artistes et a attiré un auditoire de plus de 7000 personnes. Toujours en 2024, Bear et Desjarlais ont également lancé Land Back Nights, une série de concerts présentés au Fortune Sound Club à Vancouver.
Bien qu’il aime donner des prestations lors de ces événements, il se concentre avant tout sur son rôle d’intermédiaire et de soutien. « On s’oublie en tant que peuple, on oublie de suivre nos passions, notre créativité et tout ce qui nous connecte avec la meilleure version de nous-mêmes », dit-il. « C’est ça qui apporte de la joie dans nos vies et quand notre tasse est pleine, on peut aider les autres à y arriver aussi. Tu ne peux pas partager une tasse qui est vide. »
La vision de Bear va au-delà des peuples autochtones d’aujourd’hui. « Il faut qu’on continue à créer », poursuit l’artiste. « Il faut continuer à faire des choses qui nous rendent heureux. Je pense continuellement à la façon dont je fais mes choix, les choses que j’accomplis, les décisions que je prends et qui doivent respecter les sept générations qui m’ont précédé et les sept générations qui me suivront. »
Quelques autres organisations musicales autochtones
Ishkode Records
Une maison de disques dirigée par des femmes autochtones qui a été fondée en 2021. Les autrices-compositrices-interprètes ShoShona Kish (Ojibwé, Anichinabé) de Digging Roots et Amanda Rheaume (Nation métisse de l’Ontario) ont fondé l’International Indigenous Music Summit, et dirigent Ishkode dont le distributeur est Universal Music Canada. Leur label représente Amanda Rheaume, Aysanabee, Digging Roots, Morgan Toney, Sebastian Gaskin et Logan Staats.
Red Music Rising
Red Music Rising est une maison de disques qui offre également une gamme complète de services de gérance d’artistes. Lancée en 2020 en partenariat avec Aboriginal Peoples Television Network (APTN). Elle est détenue et dirigée par des autochtones et vise à développer des carrières durables pour les artistes et les professionnels autochtones de l’industrie. Le label représente notamment Reuben and the Bullhorn Singers, Electric Religious, Wolf Saga, Nimkish et LOR.
Hitmakerz
Fondé en 2016 comme maison de disques de promotion de tournée d’artistes pop inuits, Hitmakerz propose également des ateliers dans les régions arctiques reculées. L’entreprise est devenue une agence-conseil aux multiples facettes qui soutient les artistes autochtones, canadiens et internationaux grâce à un large éventail de services. Elle a pour mission de permettre aux artistes de préserver leurs cultures, de partager leurs histoires et de bâtir des carrières durables. L’entreprise représente entre autres Looee, Qattuu et Chris Birkett.
Musique Nomade
Fondée en 2016 à Montréal, Musique Nomade, est une organisation à but non lucratif qui œuvre pour le développement et la reconnaissance des musiciens autochtones. Les employés de la maison de disques se déplacent parfois très loin pour aller à la rencontre des artistes autochtones et leur offrir des services d’enregistrement et de distribution numérique gratuits. Musique Nomade produit également des spectacles, à commencer par son important concert estival annuel, NIKAMOTAN MTL. Parmi les dizaines d’artistes qui ont travaillé avec elle au fil des ans, citons Anachnid, Laura Niquay, Leela Gilday, Q-052, Kanen et Digging Roots.