Contrairement à la majorité des musiciens durant la pandémie, Shoshona Kish et Amanda Rheaume ne cherchaient pas comment utiliser la surabondance de temps qu’elles avaient.

Outre leurs prolifiques carrières d’auteures-compositrices-interprètes, Kish – qui est Anichinabée et membre du duo primé aux JUNOs Digging Roots – et Rheaume – qui est Métis et primée aux Canadian Folk Music Awards – mènent une vie d’activiste très remplie dans leurs communautés Autochtones.

C’est en 2003, sur la scène du Festival de musique folk d’Ottawa, qu’elles se sont rencontrées pour la première fois et en 2017, elles ont fondé l’International Indigenous Music Summit qui en est aujourd’hui à sa quatrième édition. C’est en travaillant côte à côte pour le Sommet que l’idée leur est venue de lancer leur propre maison de disques. Elles ont vite réalisé que leur partenariat est plus grand que la somme de leurs deux parties. Comme le dit Rheaume, « c’est une véritable sororité, une famille. Notre lien et notre chimie sont incroyablement solides. »

Lancer le bal : Aysanabee
Le premier artiste mis sous contrat par Ishk0de Records est l’auteur-compositeur-interprète torontois d’origine oji-crie Aysanabee. Le polyinstrumentiste crée une musique qui défie les genres – exactement ce que le label recherche – et sa première parution sur Ishkode prendra la forme d’un album qui sera lancé en 2022. « Je trouve ça vraiment emballant », affirme Kish, « car ce sont des voix qu’on n’a jamais entendues jusqu’à maintenant. Je suis convaincue qu’on va entendre plein de nouvelles sonorités et de nouvelles idées que nous ne connaissons pas encore. »

Le résultat : Ishkode Records (prononcer ish-KOH-dé) est devenu la première maison de disques distribuée par un « major » (Universal Canada) à être fondé et dirigé par des femmes Autochtones. Lors d’une conférence téléphonique à trois, Kish explique qu’« en examinant l’écologie de la musique Autochtone ici et à l’étranger, nous avons pris conscience de certaines des grandes lacunes » qui existaient et qu’il fallait combler.

La création de cette maison de disques – dont le nom vient d’une prophétie Anichinabée – n’a pas été motivée par une quelconque frustration par rapport à l’industrie de la musique ni par une volonté plus personnelle de s’affirmer. « C’est surtout une question d’inspiration », explique Kish. Il y a tellement de talents extraordinaires, des voix et des êtres humains incroyables avec qui on a envie de collaborer et qu’on a envie de faire connaître au monde entier. »

Tout comme leur propre musique est complètement distincte de celle de l’autre, la musique que lancera Ishkode promet d’être imprévisible. « Les peuples Autochtones et leurs nations sont d’une diversité inouïe », explique à son tour Rheaume. « C’est loin d’être du pareil au même. » La maison de disque, poursuit-elle, « se concentrera sur l’authenticité et la vérité. Il y a tellement d’artistes qui définissent courageusement leur propre espace au lieu d’essayer de cadrer dans un espace qui existe déjà. »

L’objectif premier du label n’est pas de créer une définition globale de la musique Autochtone, mais d’offrir un espace consacré à la souveraineté narrative. « La souveraineté narrative est une question d’autodétermination », explique Kish. « La façon dont nous racontons nos propres histoires – c’est une chose essentielle pour laquelle les Autochtones se battent. C’est un droit inhérent. »

Bien que la COVID-19 ait pu agir comme le catalyseur pour qu’elles s’embarquent dans ce nouveau périple, « ça serait arrivé de toute manière », dit Kish. « Compte tenu de tout ce qui s’est passé dans le monde, il nous a semblé que s’engager dans ce travail vraiment significatif et concret était très important pour nous à ce moment-là. » La première parution du label a été le simple « The Healer » lancé le 5 août 2021. Shoshona Kish affirme que « de nouvelles parutions et mises sous contrat seront annoncées dans les semaines et les mois à venir ».