C’est à l’âge de quatre ans que Matt Maw, le dirigeant et principal agent d’artistes de la nouvelle maison de disque et de gestion d’artistes autochtone Red Music Rising, a découvert ses origines des Premières Nations. Mais ce n’est que bien plus tard dans sa vie qu’il décidera d’en apprendre un peu plus sur ce que ça signifie.

Aujourd’hui âgé de 32 ans, Maw est né et a grandi à Kitchener-Waterloo, en Ontario, et la famille de sa mère est issue des Chippewa de la Première Nation de la rivière Thames. « Nous n’avions aucune connexion inhérente avec notre patrimoine culturel avant de renouer avec la famille de ma mère », explique Maw qui est enfant unique et dont le père est blanc. « On était tous les deux très excités par cette idée. »

« Pendant longtemps, je me disais que ce n’était pas important, car je n’avais pas commencé à examiner le processus de ma propre histoire culturelle pour ensuite me réapproprier cette histoire culturelle et mon “autochtonité” », explique-t-il.

Entre temps, toutefois, Maw s’était plongé tête première dans une autre passion qui allait influencer sa vie personnelle et professionnelle : la musique. Il a appris le piano très jeune et a chanté dans une chorale jusqu’au secondaire. Il s’est ensuite installé à Toronto pour étudier l’interprétation musicale et le théâtre à la Randolph Academy for the Performing Arts (aujourd’hui le Randolph College). Il a rapidement réalisé que l’interprétation n’était pas pour lui, mais cela n’a en rien diminué sa passion pour la musique.

Maw est rentré à Waterloo où il était gérant d’une boutique Sunrise Records située dans un centre commercial et il était également tourneur pour certains groupes qui donnaient des spectacles dans sa ville en plus d’être DJ, à l’occasion. Un jour, un diplômé du Harris Institute lui a parlé de cette école dédiée à l’industrie et à la technologie de la musique. Quelque mois plus tard, il était de retour à Toronto pour étudier à Harris. « Ç’a été l’année la plus rapide de ma vie », dit-il. « J’ai énormément appris. »

« Mon objectif premier avec Red Music Rising est d’aider les artistes autochtones et les peuples autochtones »

De la mi-2012 au début de 2013, il a complété deux stages en simultané, dont un pour la maison de disques Arts & Crafts. « C’était vraiment spécial de pouvoir voir dans les coulisses de cette maison de disques », confie-t-il. Il a également travaillé brièvement pour Vapor Music Group (aujourd’hui Vapor RMG), une entreprise qui était à la fois un studio, et une entreprise de licences musicales et de création de « jingles ».

Le premier emploi rémunéré de Maw est arrivé en 2014 par l’entremise de Collective Concerts qui a été un « baptême par le feu du monde des spectacles et de la gestion de plusieurs salles de spectacles (The Horseshoe Tavern, Lee’s Palace, Danforth Music Hall) et de leur programmation », puisqu’il était à la fois gestionnaire du marketing et des réseaux sociaux et gestionnaire de la production. « Je travaillais depuis les coulisses du Horseshoe et je voyais passer tous mes groupes préférés qui effectuaient leur balance de son à environ sept pieds de mon bureau, c’était un vrai rêve », affirme-t-il.

Quinze mois plus tard, Maw a accepté le poste de gestionnaire d’une nouvelle maison de disques, Home Music Co., qui était un partenariat entre Nettwerk et Khaled Verjee et Andrew Kennedy de Marked Music afin d’acquérir et rebâtir l’image de marque de Bumstead Records. Maw a mis sous contrat BANNERS et DYLYN durant les deux années qu’il a passées avec le label, un emploi qu’il qualifie de « cours accéléré de la perspective d’une maison de disques canadienne. »

C’est à cette époque, comme le dit Maw, que « les choses ont commencé à bouger dans la scène musicale autochtone. J’étais un autochtone qui a l’air blanc et qui travaille dans l’industrie de la musique au moment où A Tribe Called Red faisait des vagues et attirait beaucoup d’attention de cette industrie de la musique et soulevant certaines problématiques et en ayant un impact social et musical. »

APTN lui a offert une bourse complète pour suivre le programme artiste entrepreneur d’une durée de huit semaines présenté par l’Incubateur musical canadien de Coalition Music. « Ma vie culturelle, personnelle et professionnelle était très compartimentée jusque là », explique Maw. Durant cette formation, il a fait la connaissance du vétéran autochtone de l’industrie de la musique, Alan Greyeyes, qui l’a présenté à Jarret Martineau, le confondateur de la maison de disques autochtone Revolutions Per Minute (RPM) Records, qui lui a offert, à l’automne 2017, un contrat de huit mois en tant que gestionnaire du label.

« C’est ça que je voulais faire », dit Maw. « Je devais utiliser tout ce que j’avais appris dans l’industrie à prédominance blanche, la réputation que je m’étais bâtie ainsi que mon réseau pour les mettre au profit des artistes autochtones, mais aussi de l’industrie autochtone au sein de l’industrie de la musique. »

Quand son contrat avec RPM a pris fin en mai 2018, il a accepté un poste de gestionnaire d’artistes pour Six Shooter Records dont l’écurie compte des artistes comme Tanya Tagaq, Riit et, à l’époque, The Jerry Cans. Il a quitté cet emploi en mai 2020 et en juin on lui offrait un « emploi de rêve » en tant que dirigeant de Red Music Rising, un partenariat entre Coalition Music et le réseau Aboriginal People’s Television Network par l’entremise de sa société portefeuille Dadan Sivunivut.

« Je décris Red Music Rising comme une entreprise musicale holistique », explique Maw. « Nous sommes des agents d’artistes, mais aussi une maison de disques en bonne et due forme. » Il existe d’autres maisons de disques autochtones au Canada, notamment Sweetgrass, Hitmakerz, Aakuluk, Moon, Musique Nomade et RPM, mais souhaite mettre en pratique ce qu’il a appris chez Arts & Crafts.

« Le sens de la communauté que ces gens ont réussi à créer est tellement central à leur croissance en tant que marque et comment leurs artistes sont mis en marché », dit-il. « Je crois que c’est d’une importance vitale et c’est ce que je m’efforce de faire pour Red Music Rising. »

Le premier artiste qu’il a mis sous contrat est le producteur, interprète et éducateur culturel Boogey The Beat dont les productions EDM modernes incorporent des chants de pow-wow, mais « d’une façon dingue qui en fait de la musique de mégafestival ». Du côté du label, RMR a lancé, fin octobre, un simple de Drives The Common Man intitulé « Night Vision » et le 6 novembre dernier iskwē et Tom Wilson (mettant en vedette Chuck Copenace) ont lancé leur simple « Blue Moon Drive ».

Jusqu’à maintenant, il découvre ses artistes par l’entremise de ses relations existantes. « En fin de compte, c’est une question de communauté, de bouche à oreille, et de réseautage », explique Maw. « J’entends parler de gens d’un bout à l’autre du pays qui créent des musiques très variées et qui cherchent à travailler ensemble ou à collaborer d’une manière ou d’une autre avec des artistes avec qui je travaille déjà. »

Mais comment sa maman se sent-elle à propos de ce désir d’explorer ses racines autochtones afin de les intégrer à sa carrière ?

« Elle me répète constamment à quel point elle est fière de moi parce que je me réapproprie mon identité et ma culture », affirme Maw. « Elle est fière aussi que mon objectif premier avec Red Music Rising soit celui de ma vie professionnelle : aider les artistes autochtones en particulier et les peuples autochtones en général. »