Pour une huitième année, on vous présente une sélection d’artistes rap québécois de la relève qui ont le potentiel de se révéler à un plus grand public dans les prochains mois.


Trapmat Savior

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Trapmat Savior

se souvient encore du sentiment de liberté qu’il a ressenti au fond de lui lorsqu’il a commencé à se promener à Montréal, après avoir passé toute sa vie en Haïti. « Mes parents m’ont ship ici pour que j’étudie. Of course, quand je suis arrivé, j’ai tout fait SAUF aller à l’école. J’ai découvert ici une espèce de liberté, une forme de liberté que je n’avais jamais encore connue dans ma vie. Je me sentais intrigué par tout ce que je voyais. »

Le rappeur de 23 ans, qui s’exprime principalement en anglais en raison de son cursus scolaire dans une école anglophone de Port-au-Prince, a vécu une enfance sinueuse. « Je n’étais pas pauvre, j’avais tout ce dont j’avais besoin, j’étais aimé [par ma famille]… Mais les trucs avec lesquels je devais dealer au quotidien n’étaient pas ‘’normaux’’. Je me souviens qu’à partir du tremblement de terre [en 2010], on a commencé à vivre sous tension, dans un constant danger. Port-au-Prince est un endroit extraordinaire, mais complètement fou. »

C’est dans cet environnement qu’il découvrira le rap – forme d’expression qui, plus tard, deviendra sa planche de salut. Ses frères et sœurs l’initient à Lil Wayne, Gucci Mane et autres rappeurs clés de la scène du sud des États-Unis. Puis, Trapmat s’immerge dans la scène Soundcloud rap de la deuxième moitié des années 2010, en s’intéressant en particulier à la musique de Playboi Carti.

Mais en Haïti, le futur rappeur se sent trop intimidé pour exhiber sa passion, qu’il garde enfouie en lui jusqu’à son arrivée au pays, en 2018. Ici, il ne perd pas de temps à s’immiscer dans la scène hip-hop montréalaise et croise le chemin d’un certain Mike Shabb, qui deviendra une grande source d’inspiration pour lui.

Son plus récent projet musical, 1st Coming paru en décembre dernier, a été produit par le grand Nicholas Craven, passé maître dans l’art de l’échantillonnage brut. En mélangeant son flow relâché et dégourdi aux productions minimalistes empreintes de soul de Craven, Trapmat pose les bases de son ‘’mumble bap’’, contraction des sous-genres mumble rap et boom bap.

Plusieurs autres projets verront le jour en 2025. Et Trapmat compte bien continuer de défricher la scène new-yorkaise, comme il le fait depuis déjà quelque temps.

 

Sensei H

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Sensei H a un souvenir très clair de son premier contact avec le rap. C’est dans sa maison familiale au cœur de Villeneuve-d’Ascq, tout près de Lille en France, que l’artiste d’origine franco-algérienne alors âgée de 12 ans découvre, un peu par hasard, le genre musical qui allait changer et définir sa vie. « J’ai branché mon lecteur MP3 dans l’ordinateur de ma sœur aînée – c’était SON ordinateur, je n’avais pas le droit d’y toucher normalement – et j’ai téléversé toute la musique qu’elle avait sur mon lecteur. C’est là que j’ai découvert l’album Trait pour trait de Sniper (groupe français influent des années 2000). J’me suis assise par terre pour l’écouter… et ça a été la révélation. »

La chanson Eldorado, qui raconte les déboires de deux frères maghrébins désirant atteindre l’Europe par bateau de manière clandestine, frappe particulièrement l’imaginaire de la future rappeuse : ce genre d’histoires que le groupe raconte, elles font écho à ce que beaucoup de personnes de son entourage ont vécu. « Ce sont des histoires que personne ne me racontait. Ce qu’ils rappaient est devenu une source d’information capitale pour moi. Ça parlait de mon identité. »

L’artiste se met à écrire du rap, dans son coin, mais c’est quand elle traverse de ce côté-ci de l’Atlantique, d’abord pour étudier l’architecture navale à l’Institut maritime du Québec à Rimouski, qu’elle se met plus sérieusement à rapper. Deux ans plus tard, elle débarque à Québec, sa ville d’adoption encore à ce jour, avec le couteau entre les dents et propose un premier album, Le but du jeu, en 2020. Son rap engagé ne met pas de temps à rayonner sur la fertile scène rap de la vieille capitale.

À l’automne dernier, Sensei H ouvrait ses horizons à des ramifications plus pop et house sur son troisième album La mort du troisième couplet, créé de pair avec sa productrice et alliée de longue date Vérone.

Forte d’une deuxième place à la plus récente édition des Francouvertes, l’artiste de 27 ans compte proposer différentes collaborations tout au long de 2025, en plus de proposer des spectacles de lancement à Montréal (21 mars) et Québec (22 mars).

Kaya Hoax

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Quand elle était toute jeune,  Kaya Hoax croyait que Barbie Girl d’Aqua était la meilleure chanson au monde. « J’avais reçu la cassette. Ça m’avait… secouée ! », se souvient l’artiste montréalaise. Quelques années plus tard, en plein cœur de son adolescence, sa découverte du rap lui fait à peu près le même effet que le mégasuccès planétaire du groupe danois. « J’ai découvert Kendrick Lamar, Mac Miller, Lil Wayne… Ça a explosé ma tête une deuxième fois. »

C’est au carrefour de ces percutants coups de cœur que la rappeuse et chanteuse de 28 ans évolue maintenant comme artiste, quelque part entre hip-hop et pop très vitaminée – le  tout mené par une direction musicale maximaliste à l’esprit punk, fruit de sa relation artistique avec d’ingénieux producteurs comme INFOPOLICE (duo formé de Steven Blais et Robin Turcotte) et Funkywhat (l’un de nos beatmakers à surveiller de la cuvée 2023).

À ces influences s’ajoute son amour pour d’autres artistes qui ont l’habitude de transgresser les barrières musicales, comme M.I.A., Santigold et Charli XCX. « Ce sont des artistes que j’ai découvertes quand je suis revenue à Montréal, vers l’âge de 17 ans », précise celle qui a passé son adolescence dans le petit village de Pointe-Fortune, près de la frontière ontarienne. « L’accès à la culture là-bas était minime. J’écoutais la radio et ce que mes amis écoutaient… Je n’étais pas en contact avec une tonne de styles. »

« À Montréal, j’ai commencé à avoir plein d’idées », poursuit-elle. « J’ai toujours su que j’allais faire de la musique, mais j’savais pas par où commencer. Et là, j’ai commencé à rencontrer des musiciens, à m’immerger dans la scène. Je me suis acheté un Roland MC-505 (instrument tout-en-un comprenant notamment un contrôleur MIDI, un séquenceur et une boite à rythmes) et j’ai commencé à faire des beats. »

Son premier minialbum Baby Gear, paru en mai dernier, est un ramassis de textes écrits dans les dernières années. « C’est comme la phase préado de ma carrière, avec des paroles qui reflètent beaucoup mon arrogance adolescence, avec une certaine immaturité. »

Son deuxième projet musical, entre autres créé aux côtés de Christian Sean (un autre de nos beatmakers à surveiller, cuvée 2025 cette fois), incarnera une évolution autant sur le plan humain que musical. « La préado est devenue plus mature. On est rendus complètement ailleurs, mais on garde ça disjoncté. Ce ne sera pas un album de ballades ! »

Mosez Jones

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Cliquez sur l’image pour démarrer la vidéo de la chanson One Page Letter de Mosez Jones (avec Ntwali & Spaceman Dela) sur YouTube

Mosez Jones n’a pas un parcours typique. Après avoir été injustement expulsé de son école, le rappeur originaire de l’Île-Perrot a vécu une expérience peu commune. « Ma mère a poursuivi le conseil scolaire en justice et, durant cette période, je faisais l’école à la maison. Ma mère a toujours eu du caractère », dit-il, le sourire dans la voix.

À la maison, la musique règne : du Whitney Houston, du Earth, Wind and Fire, mais aussi du hard rock comme AC/DC et Led Zeppelin. Ses grands-parents, de qui il est très proche, lui font aussi découvrir le jazz et la musique classique. Et c’est durant l’une de ses journées à la maison, alors que la télévision est ouverte, qu’il découvre la musique qui allait changer sa vie. Eminem est alors en vedette sur les ondes de MTV avec son clip The Real Slim Shady.

Déjà auteur de quelques poèmes, le jeune Mosez Jones se met instantanément au rap. « J’essayais de chanter mes poèmes et j’aimais ça… Mais quand j’ai entendu du rap, je me suis dit : ‘’OK, je peux mettre mes poèmes sur une musique !’’ Ça a déclenché quelque chose chez moi. » Encore enfant, l’artiste échantillonne des fins de chanson classiques du hip-hop (comme celles du chef-d’œuvre Illmatic de Nas) afin d’avoir suffisamment de temps pour y rapper ses textes.

C’est plus tard, à l’adolescence, alors qu’il étudie à l’école secondaire St. Thomas dans la municipalité de Pointe-Claire, que tout ça devient plus sérieux. Avec une bande d’amis, il commence à faire de la musique. « Ça m’a poussé à montrer mes habiletés. Finalement, je suis le seul de toute cette gang qui a continué de faire de la musique… Après ça, au cégep, je suis allé planter des arbres dans l’Ouest canadien afin de ramasser assez d’argent pour m’acheter de l’équipement. »

C’est en 2018 que Mosez Jones dévoile ses premières chansons sur Soundcloud. Depuis, le rappeur de 25 ans a grandement évolué : son hip-hop teinté de jazz, de soul et de pop brille de mille feux sur son premier minialbum Safe in Solitude, paru l’an dernier.

2025 marquera la sortie d’un autre projet musical et le début d’un défrichage du marché américain, qui s’amorce avec des spectacles à New York au mois de mars.

Halo

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Quand la pandémie a éclaté, en 2020, Halo

n’a pas perdu de temps : il a commandé deux énormes enceintes acoustiques et s’est mis à composer de la musique de manière obsessive, à raison de 15 heures par jour pendant deux ans et demi. « Je suis un gars très intense avec mes passions », résume celui qui, à l’adolescence, avait développé sa passion du sport avec la même force.

Née dans l’ouest de Montréal, Halo a grandi dans un environnement musical très inspirant, notamment grâce à son père, Pierre Lachance, copropriétaire de l’étiquette Les disques de la cordonnerie (qui représente Luc De Larochellière, Gilles Valiquette et bien d’autres). Mélomane, son père lui a transmis, entre autres, son amour du jazz et de la soul, qui font maintenant partie de son ADN de créateur.

C’est d’ailleurs cette inclination naturelle pour les genres musicaux issus de la culture noire américaine qui a permis au jeune Halo de s’intéresser au hip-hop à l’adolescence. « Mon premier iPod, je l’avais rempli de la musique que mon frère écoutait : du Kanye West, du Jay-Z, du Kid Cudi… Il y avait beaucoup de samples dans les chansons de ces artistes-là qui résonnaient en moi. Mais c’était amené d’une autre manière, plus actuelle. »

Dès l’adolescence, Halo s’initie au logiciel de production musicale FL Studio avec des amis. Puis, peu après avoir déménagé en appartement au cœur du centre-ville de la métropole, le jeune adulte développe son expertise aux Planet Studios, en travaillant aux côtés du réalisateur et compositeur Jay Lefebvre (Roch Voisine, Ginette Reno, Simple Plan). Sa rencontre avec les gars du collectif PLAYDAYS (notamment Malko, l’une de nos révélations rap queb 2024, et Willy Wonder, l’un de nos beatmakers à surveiller en 2025) lui permettra ensuite de signer un contrat avec Cult Nation, l’étiquette derrière la carrière phénoménale de Charlotte Cardin.

Le hip-hop mélodique aux teintes jazz, pop, soul et électro de Halo se définit sur son premier minialbum Bad Jazz, en 2023, ainsi que sur plusieurs simples parus l’année dernière. « La liberté et l’exploration sont très importantes pour moi. Je ne peux pas faire la même chose tout le temps. Mais ce n’est pas juste une force : j’ai tellement sorti de sortes de musiques différentes que je peux être difficile à suivre », admet-il.

Un « gros EP » paraîtra en 2025. D’ici là, le rappeur de 24 ans ira faire un tour en France, à partir du mois de mars, pour collaborer avec différents artistes.