Tradition oblige, on vous présente cinq artistes rap québécois.e.s de la relève qui ont le potentiel de se révéler à un plus grand public dans les prochains mois.

Guessmi

Guessmi,

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« Si ça devient du travail, j’suis pas down », lance Guessmi au bout du fil. À elle seule, cette phrase en dit long sur le cheminement artistique de la rappeuse originaire de Laval, l’un des terreaux les plus fertiles de la scène hip-hop québécoise depuis quelques années.

Car rien, effectivement, ne semble relever de l’effort pour Guessmi. Fin 2019, la rappeuse québéco-tunisienne suit un ami dans un studio et se permet, au passage, d’entrer « dans le booth » – la cabine d’enregistrement – pour « niaiser ». Elle prend goût à l’exercice. « Avant ça, j’avais freestyle dans des chillings. J’avais déjà aussi écrit des textes, mais je les avais jamais lus à haute voix », précise celle qui s’est d’abord fait connaître sur Instagram, en publiant des extraits d’une trentaine de secondes de ses premières sessions en studio.

Peu après, un certain Lebza Khey, joueur incontournable de la scène rap de Laval et fondateur du label indépendant Seiha Studios, entend parler de la jeune Guessmi et de son talent. Il lui écrit sur Instagram.  « Quand j’ai rencontré Lebza et tout son entourage (Cupidon et Boutot notamment), j’ai senti qu’on avait tous une passion commune, un but commun. On pouvait tous aller quelque part ensemble. Je pense pas qu’on peut aller quelque part tout seul », dit-elle, se présentant ainsi en opposition à l’un des plus tenaces mythes du rap américain, celui du self-made man/woman. « Le plus important [pour réussir], c’est de foncer… et d’être bien entourée. »

Parue en mars 2022, la première chanson de Guessmi, Rafales, montre bien l’éventail de ses influences, qui passe de légendes du rap français (Booba, La Fouine) à des figures de proue du rap américain des années 2000 et 2010 (50 Cent, Lil Wayne, Nicki Minaj). Sur son tout premier minialbum, 45 degrés (une collaboration avec son inséparable Lebza Khey), la rappeuse de 23 ans dévoile une tout autre facette de sa palette musicale, posant son flow harmonieux sur des rythmiques dancehall et afrotrap aux mélodies sombres. « Ma seule technique au studio, c’est de ne pas me casser la tête. Je veux jamais forcer mon état d’esprit. I just go with the flow. »

Pour 2023, la rappeuse proposera, sur ses réseaux sociaux, des extraits de sessions enregistrées en studio. « Chaque session correspondra à une chanson. Et ce sera aux gens de décider si on publie la chanson ou pas », explique-t-elle. « Mais ils auront même pas le choix ! C’est sûr qu’ils vont aimer. »

Sloan Lucas

Sloan Lucas, My Bad

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Sloan Lucas est arrivée au rap sur le tard, vers la fin de sa vingtaine. « Le rap est arrivé à un moment où j’avais besoin de plus d’ancrages », explique l’Estrienne d’origine, qui habite Montréal depuis plus d’une décennie.

Ses ancrages, la rappeuse les trouvait auparavant dans les cercles de militantisme d’extrême gauche et dans la création théâtrale. Évoluant entre le Québec et la France, l’artiste a multiplié pendant une décennie les projets d’arts vivants collectifs, essentiellement engagés. Mais à un moment donné, cette création en groupe est devenue un peu lourde à porter. « Ça peut être épuisant, les modes collectifs. C’est stimulant, mais c’est dur de coordonner les horaires, les pratiques, les convictions politiques. J’ai eu besoin d’être plus solitaire dans ma démarche. »

Pour donner une nouvelle impulsion à sa démarche artistique, Sloan Lucas s’est mis à écrire des textes, quelque part en 2018. Grandement inspirée par la vague de renouveau rap de l’Hexagone du tournant des années 2010, entre autres incarnée par l’arrivée des collectifs L’entourage et La 75e Session, la rappeuse a profité de la pandémie pour parfaire son flow et sa prose. Parus en 2020 et 2021, ses deux premiers minialbums (Oh shit Ok et Oh shit sorry) dévoilent avec brio le potentiel de la rappeuse au débit souple et aux textes mordants. « Je suis peut-être moins sur le front des luttes qu’avant, mais j’ai encore un fond de rage en moi. »

Même si son rap adopte parfois les standards trap au goût du jour, Sloan Lucas garde une mentalité champ gauche, restant somme toute à l’écart de la scène rap locale. « C’est moins une volonté d’être underground qu’un refus d’être mainstream ou célèbre à tout prix […] Mais si je peux gagner de la visibilité [tout en respectant mes limites et mes priorités], je vais le faire. »

Pour 2023, Sloan Lucas désire ouvrir ses horizons aux autres – un processus en partie entamé aux côtés des producteurs montréalais Ramzi Blue (alias Bill Noir) et Nicky Savage, qui ont participé à la composition de Oh shit sorry. « Je veux m’enligner vers plus de collaborations, plus de featurings. J’ai terminé ma phase d’isolement dont j’avais besoin pour me ressourcer. Au début, je me disais que j’étais capable de tout faire, mais maintenant, je prends mieux la mesure de ce que je peux faire seule. »

Izuku

Izuku, Domino

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À seulement 22 ans, Izuku affiche une belle confiance. « Y’a pas de limites à ce que je peux créer », proclame le rappeur montréalais. « J’écoute de tout. Ce qui m’intéresse, c’est sortir de ma zone de confort. »

C’est d’abord l’amour des mots qui a marqué l’enfance et l’adolescence d’Izuku. Sur les bancs d’une école française réputée de Montréal, l’artiste aux origines martiniquaise et malienne a d’abord été intéressé par la littérature avant d’en arriver à la musique. Après avoir finement décortiqué les mots de ses artistes préférés, il s’est mis à rapper, en 2018, avec un de ses amis. « On a fait un premier son ensemble. Je l’ai fait écouter aux personnes de mon entourage. La réception était bonne, mais après, j’arrivais pas à aller au studio. C’est resté comme ça pendant quatre mois ! Je voulais pas être comme tout le monde […] Je devais prendre un pas de recul. »

Ses deux premiers projets, Hagra vol.1 et Izuku 2.0, témoignent de ce pas de recul. Izuku y dévoile son talent brut, sa manière organique et très fluide de mélanger chant et rap. Sans délaisser complètement les lieux communs du rap, le gagnant de l’édition 2020 de la compétition rap Rentre dans le live n’a pas peur d’exhiber son côté plus vulnérable dans ses textes. « La musique me définit. Je ne suis pas quelqu’un qui s’ouvre vraiment aux gens dans la vie de tous les jours. Je raconte pas ma vie aux gens, je déteste ça. Mais à travers la musique, les gens peuvent me découvrir sous un nouvel angle. »

Sur Pour elle, son plus récent microalbum paru en novembre dernier, Izuku réfléchit à l’amour et aux relations interpersonnelles avec clairvoyance. L’exercice lui a permis d’en comprendre davantage sur la nature humaine et, plus précisément, sur les manières parfois trompeuses qu’on a de se dévoiler aux autres. « Que ce soit sur le plan amoureux, amical ou familial, j’ai compris qu’on aimait les gens parce qu’on avait une vision particulière d’eux. On [se fait une idée d’une personne] en fonction de ce qu’on aime chez elle… mais c’est pas nécessairement comme ça que cette personne-là est [au fond d’elle-même]. »

En 2023, le rappeur poursuivra son exploration poétique et musicale avec une série de singles qui culminera avec la sortie d’un quatrième projet, prévu d’ici l’été.

Chung

Chung, Cave Music

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Avec son flow intraitable et ses rimes percutantes, Chung attire l’attention. « Je suis ma propre saveur. Je ramène la substance, l’essence », lance la rappeuse originaire de Lasalle.

Appuyé par certains de nos plus talentueux beatmakers locaux (Cotola, Mike Shabb, Nicholas Craven), qui lui concoctent de puissants beats à base d’échantillonnage très brut, souvent sans aucune rythmique ajoutée (dans la tradition du drumless hip-hop), Chung évoque ses ambitions de rappeuse et sa singularité artistique dans ses textes. « C’est la mort du Bimbo Rap quand Chung débarque », lance-t-elle, condamnant une forme de rap plus superficielle, qui se base sur l’apparence de la rappeuse plutôt que sur ce qu’elle a à dire. « Je veux représenter les reines noires ordinaires (regular black queens) avec amour et agressivité. Je ramène le militantisme et le message à toute cette merde. »

Sans faire dans un rap engagé à proprement dire, Chung incarne son authenticité avec fougue sur ses deux premiers projets, Chung Shui et See You, When I C U, respectivement parus en 2021 et 2022. Ces deux parutions représentent l’aboutissement de plus d’une décennie d’explorations, durant laquelle la rappeuse est restée plutôt discrète. Inspiré du personnage de Chun-Li de la série de jeux vidéo Street Fighter, son nom d’artiste évoque son attitude de fonceuse et son parcours de combattante. « Au début, le rap était une sorte de passe-temps – je faisais du freestyle avec la famille et les amis. J’ai tout de suite adoré jouer avec les mots. Mon frère aîné m’a appris à rapper quand j’étais jeune, et j’ai fait mon propre chemin par la suite. Maintenant, me voici. »

Ses premières vidéos publiées sur Instagram en 2019 lui ont valu un compliment du rappeur new-yorkais Havoc, moitié du duo iconique Mobb Deep. Par la suite, des artistes emblématiques de la récente explosion du rap de la côte Est américaine (comme Conway The Machine et Roc Marciano) sont entrés en contact avec elle après avoir découvert sa musique. Disons qu’on a déjà vu pire comme lancement de carrière…

2023 marquera la sortie de trois nouveaux projets pour Chung. « La musique sera plus entraînante. Et le rap sera encore meilleur », dit-elle, sans donner davantage de détails. « Mais je crois que l’art ne devrait pas être expliqué. Vous en saurez plus [sur mon nouveau matériel] lorsqu’il sortira. »

Joseph Sarenhes

Joseph Sarenhes, Stand Up

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Joseph Sarenhes a développé son identité musicale très jeune. Son père, un Guinéen, et sa mère, une Huronne-Wendat, lui ont inculqué « une base rythmique très solide ». Abreuvé aux pow-wow et aux musiques ouest-africaines, l’artiste originaire de la réserve de Wendake, à Québec, est né « avec un djembé entre les mains ».

Il a ensuite suivi les traces de son père (un danseur de profession), en suivant un programme axé sur la danse classique et contemporaine à l’école secondaire, en plus de se joindre à des troupes de danse hip-hop. Mais à un moment donné, la danse ne suffisait plus : « Sans vouloir dénigrer la discipline [de la danse], ce n’était plus assez pour moi. J’avais besoin [de m’exprimer davantage], de sortir plus de choses. Y’avait beaucoup de frustration à l’intérieur de moi […] en ce qui concerne les peuples autochtones et afrodescendants [en ce qui concerne] l’histoire de ceux-ci au Québec et en Amérique en entier… Ça a été naturel pour moi de changer de discipline. »

C’est donc avec une mission en tête, celle de représenter ses identités plurielles et de dénoncer les injustices autour de lui, que Sarenhes aborde sa musique – un rap aux influences R&B, tapissé d’éléments musicaux issus des cultures dans lesquelles il a grandi. Après des débuts timides à la fin de l’adolescence, marqués par des enregistrements maison (et très confidentiels) sur le logiciel Garage Band, le rappeur, chanteur, producteur et multi-instrumentiste s’est révélé avec The Burden, une chanson parue à l’hiver 2021 sur les plateformes.

Quelques mois plus tard à peine, il dévoilait son premier minialbum Pride & Chains, réalisé dans le cadre du projet Échelon (une initiative cofondée par le rappeur Webster afin de développer les carrières d’artistes issu.e.s des communautés racisées et autochtones de Québec). C’est là-dessus qu’on retrouvait l’hymne Stand Up, dans lequel Sarenhes aborde avec lucidité la situation socioéconomique des Autochtones en Amérique du Nord. « J’ai eu beaucoup de feedback [par rapport à cette chanson] et beaucoup d’offres de spectacles […] Je considère pas encore que je suis sur la mappe [du rap], mais c’est cette chanson-là qui m’a fait connaître à gauche, à droite. »

Sollicité pour composer des musiques de films et de pièces de théâtre, au Québec comme aux États-Unis, l’artiste de 24 ans n’a pas eu beaucoup de temps à mettre sur sa propre carrière de rappeur l’année dernière, ne partageant uniquement que deux singles (Staring at Me et Bruises). « Mais en 2023, j’arrive en force. J’arrive avec plus de certitude dans mon art », dit le rappeur, grand admirateur de Tory Lanez et de J Cole. « J’ai déjà une dizaine de spectacles de bookés à Québec et Montréal pour l’été [prochain]. Je me considère chanceux […] J’ai pas encore eu de hits, donc avoir l’opportunité de vivre de mon art déjà, c’est magique pour moi. »



Fin 2022, la reine du R&B canadien Jully Black a lancé Three Rocks and a Slingshot, son premier album en 13 ans, l’artiste dance pop Shawn Desman a lancé « Maniac », son premier simple solo depuis presque une décennie, et le chanteur R&B Glenn Lewis a prévu la parution de plusieurs simples en 2023 avant le lancement d’un album d’ici la fin de l’année.

Au fil du temps qui s’est écoulé depuis la sortie de leurs premiers albums – This Is Me de Black en 2005, l’album éponyme de Desman et World Outside My Window de Lewis en 2002 – ces étoiles montantes sont devenues des artistes chevronnés qui ont amplement mérité tout le respect, l’estime et l’influence qu’ils ont acquise.

L’été dernier, Drake a reconnu leurs contributions et les a invités tous les trois à participer à la première édition de son spectacle « All Canadian North Stars » dans le cadre du OVO Fest visant à célébrer et remercier les artistes hip-hop et R&B qui « ont ouvert la voie pour nous tous », comme l’écrivait la superstar internationale sur son compte Instagram.

C’était réconfortant de voir ces légendes canadiennes recevoir des fleurs de la part d’un des artistes les plus populaires du monde à l’heure actuelle. Mais pendant que Drake, The Weeknd, Alessia Cara, Jessie Reyez et d’autres envahissaient les palmarès au cours des 10 dernières années, Black, Lewis et Desman étaient occupés par d’autres projets créatifs et parfois simplement par les responsabilités qui viennent avec l’âge.

Jully Black, Half Empty, Video

Cliquez sur l’image pour jouer la vidéo « Half Empty » de Jully Black

« Je n’ai pas arrêté de sortir de la musique à cause de ça », lance Black d’entrée de jeu. « Oui, ma mère était malade et je prenais soin d’elle, mais c’est pas pour ça que j’ai rien sorti. Il faut vivre pour avoir des histoires à raconter et pour moi, ça passe par le chemin le plus facile. »

« J’ai une amie qui est retournée à l’école pour obtenir une maîtrise et changer de carrière, pourtant personne ne lui dit “Pourquoi tu décides de faire autre chose?” », poursuit-elle. « Il semble que les gens ordinaires qui ne sont pas dans l’industrie de la musique ont le droit de changer de direction ou de carrière, personne ne leur dit qu’ils ont pris une pause ou qu’ils font un retour. »

« On est des anomalies, des mutants, qui ont un talent que l’industrie s’attend à ce qu’ils exploitent comme des machines. Si j’ai pas envie de chanter jusqu’à la fin de mes jours, ça ne regarde que moi. »

Bien entendu, Jully Black n’a pas arrêté de chanter ; elle n’a simplement pas sorti de musique, mais elle a continué à donner des spectacles. Elle a également joué dans une grande production théâtrale, Caroline, or Change ; elle anime fréquemment des événements et des remises de prix ; et dirige un programme motivationnel de mieux-être baptisé 100 Strong and Sexy, qui connaît un grand succès, ainsi que des cours The Power of Step.

Pour la création d’un album dans sa quarantaine, elle a choisi des sujets et des façons de les aborder qui reflètent la femme forte et résolue que nous avons connu ces dernières années, et ça s’entend sur des textes remplis de conviction comme sur « Half Empty », de résilience comme sur « No Relation » et remplis de courage comme sur « Mi No Fraid ». Même le titre de l’album – « Three Rocks and a Slingshot » – fait référence à un combat épique, celui de David et Goliath.

« On se sent beaucoup plus en confiance pour parler de différents sujets sans honte ou sans gêne, surtout dans mon cas vu que je suis dans cette industrie depuis l’âge de 14 ans », dit-elle. « Je parlais de sujets assez matures quand je ne l’étais pas moi-même. Maintenant, quand je chante à propos d’une peine d’amour, de sexualité ou quoi que ce soit d’autre, je peux en parler avec l’attitude d’une femme adulte qui est capable de gérer. »

Glenn Lewis a lancé son dernier projet solo en 2013, mais en 2017 il a collaboré avec DJ Jazzy Jeff sur son projet annuel baptisé PLAYlist et il a chanté sur l’album Chasing Goosebumps créé en une semaine en compagnie d’une trentaine de collaborateurs. Début 2022, son ami de longue date et responsable A&R pour Universal Music Canada lui a offert un contrat. Il lancera plusieurs simples qui prépareront le terrain pour la sortie d’un album à l’automne 2023.

“Cette fois-ci, je choisis mes sujets avec très grand soin”—Shawn Desman

Lewis avoue qu’il n’a jamais arrêté d’écrire des chansons ni même de les enregistrer, mais il ne les publie pas. « Parfois, les choses prennent un élan quand je me concentre vraiment sur un projet, comme en ce moment », dit-il. « Mais généralement, au cours des dernières années, je me suis concentré sur ma vie familiale. »

« Mon seul véritable exutoire musical serait s’il y a d’autres artistes que j’admire ou dont j’aime l’écriture ou les chansons, je me tiendrais à jour en les chantant ou juste en essayant de suivre l’évolution de la façon dont les créateurs conceptualisent et communiquent par la chanson en ce moment. J’essaie de demeurer à jour là-dessus. »

Pour son nouveau projet, Kardinal – qui a récemment accepté un rôle de A&R mondial chez Def Jam – a adopté le rôle de consultant pour Lewis. Lewis, qui est à la fin de sa quarantaine, affirme que son regard sur de nombreux sujets habituels a gagné en maturité.

« J’ai encore envie de parler de choses auxquelles on pense, mais qui ne sont pas toujours abordées dans nos conversations – qu’il s’agisse de choses qui se passent dans le monde comment on se sent par rapport à ça ou, évidemment, de situations romantiques », dit Lewis.

« Je ne vais peut-être pas dire tout ça sans une chanson, mais mes expériences m’ont fait réaliser que quand il est question d’amour, ça tourne beaucoup autour de ma façon d’aimer et de m’aimer moi-même – le genre de choses qui comptent pour toi et que tu commences à mieux comprendre, la nature donnant-donnant des relations et l’équilibre délicat de cette dynamique-là. »

Shawn Desman – qui a signé un nouveau contrat d’édition avec CSS Rights Management et un nouveau contrat d’enregistrement avec Wax Records – admet qu’après avoir fermé la porte derrière lui en quittant une maison de disques, « je détestais l’industrie de la musique, en toute honnêteté ». De toute façon, ma femme est tombée gravement malade et j’ai dû m’éloigner de tout ça pour être un père et un mari dévoué. Néanmoins, il dirigeait encore le concours annuel de danse Move qui en est à sa 15e édition, mais il n’a pas lancé de musique depuis son album Alive paru en 2013.

« Juste avant la pandémie, mon meilleur ami [le chanteur et auteur-compositeur professionnel basé à Nashville] Tebey m’a passé un coup de fil et m’a dit “Hé! j’ai cette idée de projet pour toi et moi” et on a appelé ça RadioClub. On va écrire et produire la musique, mais on ne va pas nécessairement les chanter, on va avoir des “features” et on va sortir ça », confie Desman.

Shawn Desman, Maniac, Video

Cliquez sur l’image pour jouer la vidéo « Maniac » de Shawn Desman

« Et maintenant, avec le recul, je comprends exactement ce que Tebey a fait. Il essayait de me redonner la piqûre de la musique parce qu’il avait compris qu’il y avait un immense vide en dedans de moi. JE n’étais pas heureux. Il me manquait quelque chose. La première chose qu’on a faite c’est un remix house/dance du hit “Never Gonna Give You Up” de Rick Astley de manière indépendante. Pour l’instant, on est assis sur 25 millions d’écoutes. »

Desman avoue que la tactique a fonctionné et a ravivé la flamme de son amour de la musique. Tout ça combiné au fait que Drake lui a dit, lors du spectacle North Stars, qu’il fallait qu’il recommence à faire de la musique, a confirmé son retour. Il passe maintenant presque toutes ses journées en studio et compte quelques nouvelles chansons en cours de production dont notamment une qui s’intitule « 1985 » et qu’il qualifie de « nostalgique dans le bon sens du mot ». Il a beaucoup travaillé avec le propriétaire de Wax, Jamie Appleby, l’artiste Alyssa Reid et l’auteur-compositeur et producteur Ryan Stewart.

« Maintenant, je choisis mes sujets avec beaucoup de soin parce que je veux qu’ils soient le reflet d’où je suis dans ma vie et que ça soit naturel », explique Desman. « J’ai pas envie d’essayer d’être cool juste pour être cool. Je ne suis pas ce jeune dans le début de la vingtaine qui passe son temps dans les clubs avec ses amis. Ma vie ne ressemble pas du tout à ça. J’ai une vie d’adulte et trois enfants à la maison. »

« Chaque fois que j’arrive dans une séance d’écriture, je dis à mes collaborateurs que je ne parlerai pas de X, Y et Z, mais qu’en même temps, la raison pour laquelle les gens aiment encore la musique de Shawn Desman, c’est à cause de ce qu’elle leur fait ressentir. Ils se sentent bien. Heureux. Positifs. J’essaie de naviguer dans ces eaux-là, mais avec des sujets qui me ressemblent en 2022, 2023. »

« Je veux que ça me ressemble et que ça ressemble à mon auditoire qui n’est plus composé de jeunes de 15 ans. Ce qui est drôle, c’est que mon garçon vient juste de commencer le secondaire et je lui ai demandé si ses amis avaient entendu ma nouvelle chanson et ce qu’ils en pensaient. Il m’a dit “papa, ils adorent ta nouvelle chanson!”  C’est super cool que mes enfants soient enfin à l’âge où ils peuvent voir et réaliser que leur père était – et est peut-être encore – un “big deal”! »



L’amour de Sacha pour la musique country et la vie en campagne coule de source après avoir grandi dans une bourgade où il n’y a qu’un feu de circulation.  

« Ç’a tendance à laisser des traces », dit-elle à propos de son enfance à Warkworth, en Ontario, un village pittoresque dans les collines verdoyantes de la région du Northumberland, à 90 minutes à l’est de Toronto. 

Reklaws, Sacha, What the Truck

Cliquez sur l’image pour faire jouer la vidéo « What the Truck » par The Reklaws / Sacha

Nous avons discuté avec l’étoile montante du country canadien, lors d’un entretien sur Zoom un lundi après-midi. Elle est encore portée par l’adrénaline d’un spectacle vitrine donné la veille au El Mocambo, à Toronto, où le groupe de ses parents, The Arguments, a déjà joué. Sur le mur, près d’elle, se trouve le disque d’or du simple « What the Truck » soulignant plus d’un million d’écoutes du succès qu’elle a coécrit avec The Reklaws (nous y reviendrons). Des albums de certaines de ses influences – Van Lear Rose de Loretta Lynn et Bella Donna de Stevie Nicks – figurent sur un autre mur.  

Outre ces artistes légendaires, Patsy Cline a été une des premières influences de Sacha. « Ma mère écoutait ses albums sans arrêt », explique-t-elle. « Sa voix est la première à m’avoir marquée… son âme et comment tu te sens quand tu l’entends dans les haut-parleurs. » 

Comme les parents de Sacha étaient musiciens, il va sans dire qu’elle a pu toucher à tous les instruments imaginables dans son enfance. Il y avait constamment des musiciens qui passaient par chez elle pour répéter et des prestations impromptues autour du feu de camp étaient monnaie courante. Tout ça a fini par constituer sa formation musicale informelle. 

« On avait un vieux piano droit auquel il manquait des touches », se souvient Sacha. « Ç’a été mon premier instrument. J’ai appris toute seule et lisant les notes et en chantant des chansons. » 

Plus tard, les chansons, les histoires et surtout le parcours professionnel de Taylor Swift ont inspiré la musicienne. Si Swift a pu réussir à Nashville en approchant des prospects potentiels jusqu’à ce qu’elle en trouve un qui l’écoute, peut-être pourrait-elle adopter la même approche.  

« J’ai lu les journaux intimes que Taylor a partagés et j’ai appris comment, au début de sa carrière, elle est allée à Nashville et s’est démenée, en frappant à toutes les portes sur Music Row », raconte Sacha. « Je me suis dit que je ferais pareil! » 

Pendant sa première visite à Music City, elle a visité plusieurs des endroits qu’avait visités Swift il y a fort longtemps. « J’ai donné ma carte et mon démo à tout le monde : aux maisons de disques, aux maisons de relations publiques et aux associations d’auteurs-compositeurs », dit-elle. « Peu de portes se sont ouvertes après cette première tentative, mais j’ai commencé à coécrire. » 

« J’ai poursuivi mon rêve sans relâche » 

Chaque fois que Sacha y retournait, une nouvelle porte s’ouvrait. Elle a organisé des vitrines pour les auteurs-compositeurs et joué dans plein de salles de la ville comme le Opry Mills, Hotel Indigo et le Bluebird Cafe. Tout ce travail et cette persévérance ont fini par porter leurs fruits.  

Puis, en 2021, Sacha s’est jointe aux Reklaws pour leur « hit » devenu viral sur TikTok, « What the Truck ». La chanson a récolté plus de 450 000 écoutes en à peine une semaine, devenant ainsi la chanson country canadienne qui a atteint un million de diffusions en continu au pays le plus rapidement à ce jour. 

« C’était hilarant! » se souvient Sacha à propos de cet heureux hasard. « J’étais chez moi et je surfais sur TikTok quand j’ai vu que les Reklaws avaient publié un extrait de “What the Truck”. D’autres utilisateurs y sont allés de leur propre duo et j’étais moi-même en train d’écrire quelque chose qui me semblait cadrer avec la chanson. J’ai failli ne pas le faire, mais je me suis lancée. J’ai posé mon appareil pour aller faire la vaisselle et avant que j’aie le temps de crier “lapin!”, j’avais reçu un message privé de Jenna [Walker des Reklaws] qui m’invitait à participer à la chanson. » 

En 2022, Sacha a gardé la cadence. Elle a lancé un EP de quatre chansons (We Did) dans la foulée de The Best Thing (2020) où l’on sent bien son évolution et sa maturité en tant que chanteuse et auteure-compositrice country-pop. Parmi les autres faits marquants de 2022, citons sa rencontre avec Carrie Underwood dans les coulisses des CMT Music Awards, son premier CCMA Award et le concours Top of the Country de SiriusXM, sans parler de la tournée avec Maddie and Tae dans le cadre du CMT Next Women of Country Tour. Mais de toutes ses expériences, la plus excitante a sans aucun doute été la fois où elle se trouvait à Times Square, le regard tourné vers les gratte-ciel et voir la première diffusion de son clip pour la chanson « Pretty Please ». 

« Je me souviens être allée à New York le soir du Nouvel An 2012 », se souvient Sacha. « J’étais sans emploi et je me demandais comment j’allais faire pour me rendre de A à Z. C’est à ce moment-là que j’ai vraiment pris une guitare et commencé à écrire sérieusement parce que c’était le chemin pour aller au bout de mes rêves. Ces premières chansons écrites dans ma chambre sont devenues mon premier EP. » 

Ce EP, intitulé Stix N Stones, lui a gagné une base de fans partout à travers le monde grâce à la chanson-titre, un hymne anti-harcèlement qui est devenu un succès viral. 

« J’ai poursuivi mon rêve sans relâche », ajoute Sacha. « Tout part de ce Nouvel An, il y a 10 ans, quand j’ai regardé toutes ces lumières et que je me suis dit “qu’est-ce que je peux bien faire pour me retrouver sur un de ces panneaux un jour?” Eh! bien, j’y suis arrivée en mai 2022 et ça prouve qu’il ne faut jamais abandonner. » 

À l’automne 2022, Sacha a réalisé un autre rêve en faisant équipe avec Jade Eagleson – la gagnante du CCMA 2022 de l’album canadien le plus vendu – sur « Call It Country », une chanson écrite par Allison Veltz, Seth Mosley et Brooke Eden.  

Pour l’instant, Sacha partage son temps entre l’Ontario et Nashville. Forte de ces deux EP, il va sans dire qu’il y a encore plein de choses à venir. Elle écrit sans arrêt et est prête à nous présenter plein de nouvelles chansons et de « collaborations amusantes » en 2023.   

« Je travaille sur un bouquet de chansons qui reflètent bien mon histoire et toutes les facettes de ce dont je suis capable en tant qu’artiste », conclut-elle.