Assiste-t-on à une résurgence du country au Québec ? Si l’on observe de plus près le bassin grandissant d’artistes provenant de toutes les régions de la province, la diversité des styles qui y sont joués et le nombre grandissant de festivals, de labels et d’émissions de radio qui prennent le taureau par les cornes, c’est l’évidence.

Nous avons demandé à Nadia Houle, PDG de Culture Country, Karo Laurendeau, chanteuse country et animatrice de l’émission Destination New Country et à Melissa Maya Falkenberg, journaliste et chroniqueuse, de nous aider à sélectionner cinq nouveaux artistes, qui mériteraient d’être davantage connus du grand public et qu’il faudra surveiller au cours des douze prochains mois.

Brittany Kennell

La Montréalaise de 32 ans est revenue au bercail après un exil de dix ans aux États-Unis. Une décennie à étudier au prestigieux Berklee School of Music de Boston et à poursuivre son rêve dans la capitale du country, Nashville. Elle a joué au Blue Bird Café, The Basement, les passages obligés et formateurs des apprentis.

Participante à The Voice, elle a été sélectionnée par la star Blake Shelton, mari de Gwen Stefani, le temps de chanter trois interprétations. Grosse visibilité.

« Je voulais surtout apprendre, j’étais encore serveuse dans un restaurant et je n’étais pas prête à embrasser une carrière à ce moment. On a été confiné pour les besoins de la production dans un hôtel pendant six semaines, c’était particulier. »

« Je suis plus nerveuse à chanter l’hymne national aux matchs des Canadiens en ce moment que d’avoir interprété trois chansons pour des millions de téléspectateurs aux États-Unis. Tout le monde connaît les paroles !». C’est que, voyez-vous, le cousin de son arrière-grand-père était Calixa-Lavallée, compositeur dudit hymne !

La musique de Brittany Kennell, c’est beaucoup de fraîcheur et de limpidité. Des ballades simples, au tourment léger, une intensité vibrante dans la voix, elle apporte au son country une consistance plus charnelle, comme des étreintes brûlantes et brèves, habitées par Casey Musgrave, Sheryl Crow, Bonnie Raitt… « Je veux trouver ma voix entre le country moderne et traditionnel sans émuler personne », admet-elle.

Voulant relancer sa carrière au Québec, elle fait la rencontre de Joëlle Proulx de l’Agence Ranch, qui est devenue sa gérante. Tous les observateurs s’accordent pour le dire : Brittany Kennell est aux portes de la célébrité. Mais depuis quelques mois, elle enfile les vidéoclips, fait son jogging dans le Vieux-Port et peaufine sa stratégie de mise en marché avec Proulx : Artifice et Warner sont les nouveaux partenaires du tandem. Elle est déjà programmée aux Festival de St-Tite et Lasso.

« J’ai une vie plus équilibrée à Montréal ».

Phil G. Smith

L’élégance d’un lancer de lasso impeccable. Il pourrait bien devenir un des phénomènes de la décennie fraîchement entamée. Philippe Gaudreault, 30 ans, s’est trouvé un alias parfait, Phil G. Smith. Plus country que ça…

Originaire de l’Outaouais, fonder un groupe punk après avoir vu Blink 182 au Rockfest de Montebello, ce n’était pas dans ses chakras. Il n’y a jamais mis les pieds « Je préfère le Festival des montgolfières de Gatineau, c’est là que j’ai eu la piqûre du country, entre autres du groupe d’André Varin, Chakidor ».

« Chanter du country en français c’est un rêve pour moi. Quand j’ai vu qu’on pouvait écrire de grandes chansons comme le font Les Cowboys fringants, Kaïn ou Vincent Vallières, j’ai plongé. Et j’ai eu l’influence des Tim McGraw ou Zac Brown Band que j’allais voir au BluesFest d’Ottawa. Je découvre l’amalgame entre les deux univers ».

Brillant, posé en entrevue, déjà deux EP en poche, fondateur des Disques Far-West, membre du duo Wild West, propagateur de country-rock, entrepreneur assumé, Phil G. Smith, qui tient ses racines musicales en Outaouais, possède une sorte de bonheur permanent de la trouvaille.

Son country à teneur rock l’a mené à faire récemment des premières parties du groupe Kaïn. Il sera de la première édition de Lasso, le gros festival country qui verra le jour à Montréal.

Après avoir fait ses débuts sur disque en 2019 et récolté quatre nominations au Gala Country, Phil G. Smith fera tourner bien des têtes au cours de la prochaine année. Il a toutes les cartes dans son jeu.

Véranda

Le duo bluegrass francophone composé de la comédienne Catherine Audrey Lachapelle (son personnage dans District 31 est décédé) et du virtuose des cordes Léandre Joly-Pelletier poursuit son chemin sans se soucier des modes et autres dictats que leur inflige le marché de la musique.

« On est vraiment passionné de ce qu’est la vieille musique country, le bluegrass et le folk », dit Catherine. Le couple, qui s’est rencontré lors des soirées bluegrass au Barfly, à Montréal, a un désir bien noble: « On veut l’adapter avec notre culture et nos mots ».

Le bluegrass, c’est un peu la joie dans la tristesse et la mort dans la vie. « Surtout avec les murders ballads », explique la guitariste aux harmonies vocales claires et transperçantes. Woodland Waltz, EP paru en 2019 et Yodel Bleu, EP francophone sorti l’an passé sont de fabuleux travaux d’orfèvrerie. « À la base, on a toujours voulu se coller au genre américain, explique Léandre, on voulait garder un côté traditionnel. »

Personne ne peut leur coller l’étiquette de revivaliste sur le dos. Il y a un espace pour les instrumentistes, mais le texte et les histoires sont aussi importants. « En duo, on va prendre un moment pour écrire, un autre pour pratiquer des passages bien spécifiques, des fois on va seulement jouer des chansons qu’on aime juste pour le plaisir, il y a toujours de la musique qui tourne entre nous », dit Léandre.

« On termine l’écriture d’un album complet et l’on espère pouvoir le lancer au début 2022, confie Catherine. Quelques singles risquent de couler cet automne, mais on a toujours pas de label ».

Véranda est un véritable coup de cœur. Leurs clips vidéos sont exquis, leur adhésion totale au genre est transmissible. Voilà une ramification country qu’on voit moins souvent chez nous. La chance que nous avons…

Tomy Paré

« Métissé pas de cartes avec du sang autochtone dans la famille ». C’est ainsi que Tomy Paré, 44 ans, se présente. Nouveau venu dans l’univers de la musique country avec son excellent EP, À perpétuité, l’auteur-compositeur-interprète originaire de Neufchâtel, en banlieue de Québec, est arrivé à Montréal à l’âge de 28 ans et a pris du galon en tant que musicien de bar.

Ses habiletés pour la composition et l’écriture, il les a affinées en participant au concours Ma première place des arts en 2008 ou en ayant Luc de Larochelière comme professeur à l’École Nationale de la chanson de Granby en 2005.

« J’ai une facilité avec la composition, j’écris toutes mes musiques, à part la chanson de Luc (qui lui a offert Mes ambitions). Or, j’aime aussi avoir des textes d’auteurs ». Après deux EP en périphérie du country, Paré a mis ses œufs dans le même panier et fait venir pour À Perpétuité des musiciens réputés comme Jean-Guy Grenier, un pro de la pedal steel. Un parti pris qui commence à payer.

« Patrick Norman m’aide avec ma guitare, il me donne des trucs. J’ai été à son émission Pour l’amour du country en 2018 et depuis un an, je pratique beaucoup mon picking au pouce, je veux m’améliorer. On m’a étiqueté country d’abord à cause de ma voix. Je chante beaucoup de chansons d’amour, mais c’est aussi captivant de raconter des histoires, comme sur Tomahawk ».

Pour l’instant, Tomy Paré n’a pas de groupe. « J’engage des pigistes et j’ai une nouvelle équipe, on verra comment les choses vont se dérouler au cours de l’année. Je compose pour le prochain disque qui sortira en 2022. Une chanson à la fois ».

Ghys Mongeon

Sans rien demander à personne, Ghyslain Mongeon s’est retrouvé figure emblématique du country dans l’Outaouais. Émergent à 36 ans ? Il se retrouve dans une situation légèrement absurde et pourtant le prolifique auteur de chansons au registre country à la fois simple, mais très maîtrisé est un électron libre. Il sort rarement de son patelin même s’il a joué cinq années consécutives au Festival Western de St-Tite.

Porteur de l’expérience intime, douloureuse, il vous émeut avec trois fois rien. Son plus récent disque, Chasser l’ennui, en témoigne.

« Une dernière fois, est une chanson au sujet d’un différend avec ma sœur qui est décédée sans qu’on se soit réconcilié. Chaque chanson est liée à un fait vécu. Sur Pu Capable, facile de trouver l’inspiration: j’étais pris dans le trafic et les paroles sont sorties toutes seules ! Je mettais mon téléphone sur ‘’main libre’’ et je disais tout ce qui me passait par la tête ».

Mongeon est un roc. Tous les samedis, ses soirées virtuelles ‘’Ca va bien aller’’ sont présentées sur Facebook en direct de son salon depuis le mois de mars 2020. Increvable, il lui arrive de jouer au-delà de quatre heures. « Ce n’est pas du travail, c’est que du plaisir. On veut aller chercher le monde. Je viens comme en transe sur une scène. (rires) ».

« Je suis Québécois pure laine. Quand je chante c’est avec mon accent, je ne force rien. Je chante comme je parle ! Mon style est country, mais traditionnel aussi. J’ai trouvé mon filon et je ne dérogerai pas. Ça ne me tente pas d’avoir un son plus new country ».