Kitsch et rigueur musicale s’entremêlent sur Exordium to Extasy, le deuxième long-jeu de la formation montréalaise Barry Paquin Roberge. Un album qui surgit en même temps que le printemps pour rompre avec la morosité ambiante, les derniers milles (espérons-le !) de la seconde vague.

Un an déjà que la pandémie mine nos vies, un piteux anniversaire que Barry Paquin Roberge parvient à nous faire oublier à grand coup de rythmes en 4:4 et de lignes de guitares qui auraient fait l’envie de Prince. Jamais n’a-t-on autant eu besoin de leur glam rock à ascendant disco qu’en ces temps troubles. En tout cas, c’est l’écho qu’entend Étienne Barry, de l’essentiel des commentaires qu’on lui a faits depuis la sortie de cette nouvelle offrande survitaminée aux propensions presque thérapeutiques.

« C’est vraiment comme un rayon de soleil qui est arrivé à la fin février, mettons, pendant que les gens commencent à trouver ça long et plate de ne pas avoir d’activités, d’avoir un couvre-feu un peu ridicule. On ne peut pas se réunir, on ne peut pas sortir le soir, mais au moins tu peux danser dans ton salon, te lâcher lousse. Et je pense que c’est de la musique parfaite pour ça. »

Initialement formé de trois gars, le groupe double ses effectifs et probablement son impact avec cette fraîche collection de dix titres. La plage 1 donne le ton, accueillante et fédératrice BPR Strut (Join Us and You’ll Be Fine), une invitation à la fête assombrie par une menace apocalyptique, un hymne funky qui donne envie de se délier les jambes de toute urgence. Si le monde est sur le point d’exploser, autant en profiter tandis que c’est encore dans le domaine du possible.

« On est bien fans de l’époque disco, mais on aime beaucoup tout ce qui est absurde. On aime rire de nous-même, révèle Étienne. Barry Paquin Roberge, c’est quand même des gars de 40 ans qui portent le linge de leurs tantes. »

Des gars ? Oui, mais pas que. Anna Frances Meyer, la moitié des Deuxluxes en temps normal et l’une des trois recrues dans le cas qui nous occupe, ponctue les pièces de sa flûte traversière (sur Eyes on You notamment) et de sa voix reconnaissable entre toutes, même lorsqu’elle chante à l’unisson avec le reste du collectif. Où qu’elle aille, cette musicienne-là ressort toujours du lot.

Le désormais sextuor compte également le patron de sa maison de disques dans ses rangs, le cofondateur de Costume Records Sébastien Paquin. Forcément, ce membre originel ne manie pas que la guitare et la basse au sein de BPR. Il joue aussi de ses contacts pour faire avancer le projet. « Ça reste une petite équipe… Je crois qu’ils sont rendus quatre employés depuis tout récemment. C’est vraiment des artisans du milieu culturel, nuance Étienne. Mais c’est sûr que c’est gagnant parce qu’en bout de ligne, on a peut-être un peu plus de liberté. »

La mise en marché d’un album nu disco produit par des rockeurs bien établis, des membres des Deuxluxes et des Breastfeeders de surcroît, pose quand même son lot de défis. Dis-moi Étienne, c’est quoi votre stratégie marketing ? « C’est sûr que le rock a peut-être moins la cote. Barry Paquin Roberge, c’est juste de la dance music. Faut le voir comme de la musique pop, quelque chose de catchy, quelque chose que les gens peuvent apprécier sans prétention. Ça rejoint un large public, selon moi. Je pense que tout le monde trippe sur Donna Summer. Quand ça joue à la radio, tu ne peux pas t’empêcher de taper du pied. Nous, on mise un peu là-dessus. »

Gorgée de dérision et en proie aux élans de folie, l’ensemble de l’œuvre de Barry Paquin Roberge est à prendre au deuxième niveau. « On dirait qu’il y a des gens qui ne catchent pas ce degré-là et qui prennent ça mal quand ils voient des musiciens avoir du fun. On le voit dans les critiques qu’on reçoit. Nous autres, au fond, on fait juste rire des conventions pop. On rit du disco, on rit du glam, mais on s’amuse là-dedans. On essaie de rester fidèles à l’époque, c’est très profond comme trip vintage. »



You try to hold me down so I became a soldier/Built up all these walls and now I’m climbing over… Oh Lord! but I ain’t going back (librement : Tu essaies de me retenir alors je suis devenu un soldat/Tu as construit tous ces murs et maintenant je les escalade… Oh Seigneur ! mais je ne retournerai pas à l’intérieur )

Ces paroles intenses de l’auteur-compositeur-interprète québécois Jonathan Roy, dans « Keeping Me Alive » — dont la vidéo a récolté plus de 49 millions de visionnements depuis sa sortie en septembre 2019 — « ont ravivé la flamme », dit-il en parlant de son retour vers la musique.

« Je pense qu’elle a le même effet sur les gens », dit Roy. « Il y a plein de gens qui m’écrivent, des gens qui se font abuser ou qui ont des problèmes de santé mentale et cette chanson est comme un hymne. C’est l’effet qu’elle a eu pour moi quand je l’ai écrite. Elle m’a ramassé par le fond de culotte et m’a dit : “Tu sais quoi, Joe, tu vas faire ça pour le reste de ta vie, alors arrête de te plaindre. Il va y avoir des journées plus difficiles que d’autres, mais fonce et fais ce que t’aimes faire”. »

La chanson, coécrite avec Brian Howes (Hedley, Hinder, Mother Mother) et Jason Van Poederooyen (Boys Like Girls, Hinder, Hedley), fait preuve d’honnêteté, d’introspection et d’une vulnérabilité avec laquelle certains artistes ne seraient pas confortables. Le « punch » vient des paroles résilientes et motivantes, Your fueling of the flames gonna show you what I’m made of (librement : «  ta façon d’attiser les flammes me donne envie de te montrer de quel bois je me chauffe »).

Ce n’est pas parce que son père est le légendaire gardien de but du Canadien de Montréal que Jonathan a eu une ascension facile dans l’industrie de la musique. Il s’est lancé professionnellement dans le monde de la musique après avoir décidé de ne pas poursuivre une carrière sur la glace avec les Remparts de Québec (LJMHQ), pour qui il a joué en 2008-09. Son premier amour a toujours été la musique. C’est durant son adolescence qu’il a commencé à mettre sa poésie en chanson et il a lancé trois albums indépendants — What I’ve Become (2009), Found My Way (2010), et La Route (2011) — avant que son père ne lui présente Corey Hart en 2012.

L’artiste qui « porte ses lunettes fumées la nuit » a pris le jeune Roy sous son aile, l’a mis sous contrat sur son label Sienna — qui est distribué par Warner Music Canada — et il a écrit plusieurs chansons pour Roy. On pense notamment au simple pop « Daniella Denmark » (2015) et à la pièce aux saveurs reggae « You’re My Ace » (2016), qui figureront toutes deux sur l’album Mr. Optimist Blues (2017) — mais rien ne laissait encore entrevoir l’intensité et l’honnêteté brute qui allaient venir.

« Les choses n’allaient pas très bien avec Corey et Warner », explique Roy. « On n’était pas sur la même page. Je voulais aller dans une autre direction musicale. J’écris des mélodies et des paroles pop, mais j’ai toujours eu l’impression que ma voix et ma véritable essence en tant qu’artiste ont toujours été plus du côté alternatif, ce qui a effrayé beaucoup de gens. »

« Il y a presque quatre ans, je me suis acheté une fourgonnette, j’ai vendu tout le reste et j’ai voyagé. J’avais besoin de prendre de l’air, alors je faisais des randonnées, de l’escalade, de la plongée, plein de trucs en plein air pour m’éloigner de la musique. J’étais complètement fucking perdu. Je suis allé en Arizona, en Utah, à L.A., je campais le long de la PCH [Pacific Coast Highway] à L.A. et j’ai rencontré Brian Howes. C’est Warner qui nous a mis en contact. On est allés en studio et “Keeping Me Alive” est la première chanson qu’on a écrite ensemble. »

« Je voulais écrire une chanson à propos de toutes les choses qui m’empêchent d’avancer »

Howes était installé à Malibu, à ce moment, mais il est désormais de retour sur l’île de Vancouver où lui et Roy poursuivent leur collaboration. « Il s’est reconnu dans mon histoire. Il comprenait ce que je vivais », dit Roy. « Il a été dans des groupes, il connaît l’industrie, il sait à quel point ça peut être difficile et à quel point ça peut être mêlant, des fois. »

Quelle est la première ligne qu’ils ont écrite ? « Il me semble que c’était “He tried to hold me down” (librement : “Il a essayé de m’écraser”). Ça frappait un grand coup tout de suite en partant », se souvient Roy. « J’écrivais à propos de toutes les choses qui me retenaient, de mon père qui me disait que je n’allais pas réussir dans la musique, que j’aurais dû me concentrer sur les études tandis que je voulais sortir plus de musique et Warner qui n’était pas totalement satisfaite ou qui contrôlait ce qu’ils voulaient pour moi dans ma musique, ou ce que Corey voulait. Je voulais écrire une chanson à propos de toutes les choses qui, dans mon esprit, m’empêchaient d’avancer. »

« On a écrit les quelques premières lignes, puis le refrain qui a donné le ton au reste, “Breaking every chain that you put on me” (librement : “Briser toutes les chaînes que tu as mises sur moi”). Ça prenait le contrôle de mon art et de qui je suis. Ce processus est enclenché depuis un bon moment. Et il n’est pas terminé. Plus je vieillis, plus je me sens sur mon “X”. C’est probablement parce que je suis pleinement en contrôle de ce que je fais. »

Ils ont enregistré une version rock/pop alternative qui a atteint la première place du Palmarès Radio Top 100 au Québec, mais Roy avait cette idée d’une version acoustique « live ». L’idée s’est transformée en vidéoclip — réalisée par Samuel Gauthier, avec le danseur Jean Yannick Tangara et la puissante voix de Kim Richardson — mais Roy n’aurait jamais imaginé qu’elle toucherait des dizaines de millions de personnes comme elle l’a fait.

« On a eu toute la misère du monde à se rendre à 10 000 visionnements », se souvient Roy. « Elle vient tout juste d’arriver sur le radar des gens. Le clip a d’une qualité merveilleuse. Je pense que les gens s’y sont retrouvés. C’est juste une bonne combinaison de tout : bon “timing”, bonne chanson, bon texte. »

Jonathan Roy est de retour au Québec, où il travaille sur du nouveau matériel et il vient tout juste de lancer une chanson et son vidéoclip tout aussi puissant intitulé « Lost ». Il collaborera bientôt de nouveau avec Howes et un EP doit paraître en mai 2021.



King Imoh qualifie sa musique d’afrofusion, un mélange de la musique traditionnelle nigériane par laquelle son enfance à Lagos a été bercée au R&B, hip-hop et du rap du Sud qu’il a découvert plus tard, à l’adolescence.

« Ma musique amalgame ces influences d’une manière telle qu’un Nigérian pourrait l’écouter et penser “ça ressemble à de l’afrobeat”, mais qu’un Canadien penserait “c’est du R&B” », explique Imoh. « Ils peuvent tous deux y prétendre, et c’est le mélange idéal que je veux obtenir. »

Imoh s’est installé au Canada en 2008 après ses études secondaires afin d’étudier l’administration des affaires à la Trent University de Peterborough, en Ontario. Il a fait ses débuts dans la musique en tant que promoteur, organisant des spectacles et des événements, puis en tant que producteur, travaillant avec d’autres artistes. Imoh s’est toujours considéré comme « un homme des coulisses, un trait d’union », mais une fois qu’il a acquis de l’expérience en tant que producteur et « beatmaker », il a pris de l’assurance en tant qu’auteur-compositeur.

L’an dernier, il lançait son premier EP, Now or Never, qu’il a en grande partie écrit et enregistré durant la pandémie. Le simple vedette, « You Said », est un « slow » R&B planant mettant en vedette Cubah, une amie d’Imoh.

« Tous ses couplets étaient des “freestyles” enregistrés en une prise. Je lui ai fait jouer le “beat” et elle s’est laissée porter par la vibe », raconte Imoh. « C’est une des dernières pièces que j’ai complétées et elle consolide l’album. » Sur un autre single « One Plus One », un « beat » hypnotique et syncopé contrebalance les voix de HK, Shafluss, Ighost et Mista Dre.

Cette année, Imoh prévoit lancer un documentaire sur la création du EP et met en lumière les artistes avec lesquels il a travaillé. Il prévoit également d’établir un réseau avec d’autres artistes de la région du Grand Toronto, puisqu’il vient de quitter Calgary pour s’installer à Toronto en janvier 2021.

« Je ne sais pas ce que je ferai ensuite », déclare Imoh. « Je pourrais trouver le prochain artiste avec lequel je vais travailler, écrire ou produire. J’adore surtout le processus. »