Lorsque Words & Music m’a demandé d’offrir quelques conseils sur la meilleure façon, pour un compositeur à l’écran, de profiter au maximum du Festival international du film de Toronto, je crois qu’ils ne réalisaient pas à quel point j’aurai des choses à dire sur le sujet. Les festivités de l’année 2016 marquaient mon 10e festival en tant qu’agent de compositeurs et ancien compositeur, j’ai donc beaucoup de choses à dire. Et j’adore m’écouter parler.

Bien se préparer pour le TIFF est crucial. Dès que le mois d’août se pointe le bout du nez, c’est le temps de commencer à redoubler d’efforts pour vous faire inscrire sur les listes d’invités de différentes soirées. Focalisez d’abord vos efforts sur les gens que vous souhaitez rencontrer en effectuant quelques recherches sur les films et les réalisateurs qui seront au festival. C’est de ça que vous discuterez lors de tous les événements auxquels vous participerez, alors autant tout savoir sur les réalisateurs et ce qu’ils ont fait. Malgré ma décennie d’expérience, je n’ai commencé à planifier mes rencontres, soirées et visionnements qu’il n’y a quelques années. C’est comme si votre dentiste vous avouait qu’elle n’a commencé à utiliser la soie dentaire que la semaine dernière. Mais mieux vaut tard que jamais.

Naturellement, il est impossible de tout voir et de rencontrer tout le monde, alors trouvez vos cibles et visez-les. Pour ma part, je me concentre sur la scène des longs-métrages canadiens indépendants. Je commence par réserver des billets (que ce soient des gracieusetés ou des billets payants) pour les films dont la musique a été composée par un compositeur de l’écurie Core Music Agency. Je me penche ensuite sur les films sur lesquels nous avons soumissionné, mais n’avons pas obtenu le mandat – je veux savoir qui ils ont retenu et pourquoi. Finalement, je vais aussi voir les films canadiens dont nous n’avions même pas entendu parler. Ça arrive… rarement, mais ça arrive. Savoir qui est qui et quoi voir vous permettra non seulement d’avoir des sujets de conversation déjà prêts, mais ça vous donnera également une bonne idée des gens avec qui vous avez de bonnes chances de discuter lors de ces événements. Vous ne pouvez pas vouloir faire partie de l’industrie canadienne du film si vous ne connaissez pas les films canadiens.

Planifier votre horaire de soirées de toutes sortes demande un peu de stratégie. Il y en a en début de soirée et en fin de soirée?; si vous vous y prenez bien, vous pouvez être présent à deux partys par soir et peut-être même un dîner BBQ lors des deux week-ends du festival. Mais pour cela, il faut que vous soyez sur les bonnes listes. Et ça n’est pas facile si vous ne savez pas à qui vous adresser.

Si vous êtes au générique d’un des films à l’affiche du festival ou que vous détenez un laissez-passer de l’industrie, ça simplifie les choses. Vous pouvez alors vous présenter aux coordonnateurs des listes d’invités du festival, tout simplement : « Bonjour, je suis Untel et mon film (insérez le titre du film ici) est programmé au festival. » Bien entendu, vous n’avez que créé la musique de ce film, mais c’est leur problème s’ils ont compris que vous êtes le créateur dudit film. Évidemment, ne mentez pas si on vous questionne un peu. Composer la musique d’un film à l’affiche au TIFF, ce n’est quand même pas rien.

Ne vous vantez pas, n’encensez pas le film sur lequel vous avez travaillé. N’en parlez même pas à moins qu’on vous pose la question. C’est de la simple politesse, et ça fonctionne.

Commencez par la soirée pour le film sur lequel vous avez travaillé. Ne tenez pas pour acquis que vous serez automatiquement inscrit sur la liste d’invités. Personne ne pense à inscrire le compositeur. Téléphonez à la compagnie de production et demandez à parler au coordonnateur de la liste d’invités pour cette soirée. Lorsque vous aurez expliqué qui vous êtes, vous ne devriez avoir aucune difficulté à faire inscrire votre nom sur la liste. N’oubliez surtout pas d’aller voir le film avant la soirée. Même si vous connaissez le film par cœur, vous devez y être. Si la musique s’est fait remarquer, il se pourrait que le réalisateur mentionne votre nom. De quoi auriez-vous l’air si vous n’étiez pas là pour envoyer la main et un bec soufflé?? Encore pire : imaginez que la production ait remplacé tout votre travail sans vous prévenir. Si vous n’avez pas travaillé sur un film à l’affiche, contactez vos amis qui en ont un afin de savoir s’ils voudraient bien vous ajouter comme invité. Payez-leur quelques consommations et ne soyez pas amer s’ils ne peuvent pas vous inviter.

Certaines soirées ont des listes très restreintes, d’autre pas. Quand vous l’avez fait aussi souvent que je l’ai fait, vous savez à qui, quand et comment le demander. Plus on vous verra dans ces soirées, plus on vous y invitera. L’autre solution?? Engagez un relationniste pour inscrire votre nom sur toutes les listes.  Mais si vous n’en avez pas les moyens et que vous voulez tenter votre chance, faites la file le plus tôt possible et lorsqu’on vous dira « Votre nom?? », répondez « J’ai complètement oublié de répondre à l’invitation?! » Ce qui, techniquement, n’est pas un mensonge. La personne à la table pourrait vous répondre « D’accord, inscrivez votre nom et votre courriel au bas de la liste », et vous voilà entré. Ou on vous répondra : « Désolé. Suivant?! » La bonne fortune sourit aux gens audacieux.

Vous voilà entré. C’est à ce moment que vous vous demandez : « Qu’est-ce que je fais, maintenant?? » Commencez par le commencement : amusez-vous?! Parlez aux gens dans la file pour le bar, posez-leur des questions à leur sujet, ce qui les amène ici et à quelle soirée ils vont ensuite. Démontrez un réel intérêt pour ce qu’ils font. Ne vous vantez pas, n’encensez pas le film sur lequel vous avez travaillé. N’en parlez même pas à moins qu’on vous pose la question. C’est de la simple politesse, et ça fonctionne. « Savoir se comporter dans n’importe quel environnement est un art », explique mon amie Hilary Robinson de Polished Professionals. Que ce soit la manière de recevoir une carte d’affaires ou se débarrasser d’une vedette hollywoodienne qui a trop bu et vous cherche noise, il y a une façon gracieuse de le faire. Tout se résume à vos relations. Faire la fête avec l’équipe de votre film resserrera vos liens (surtout si c’est vous qui payez la caution). Rencontrer de nouvelles personnes élargit votre cercle de connaissances.

Assurez-vous que le message soit le plus simple possible : votre nom + compositeur + titre de film qu’ils reconnaîtront = vous êtes quelqu’un de bien. Et, de grâce, n’allez pas distribuer votre CD de démo. Personne n’a envie de traîner ça dans ses poches toute la soirée. Et même s’ils le font, les probabilités sont très élevées qu’il se retrouvera sur une tablette pour ne jamais être écouté (cue images de boîtes pleines de CD jetés au dépotoir). Par contre, une clé USB avec votre logo imprimé dessus, quelques exemples de votre musique et un bio au format PDF?; ça, c’est une bonne idée. Les gens aiment les choses utiles : porte-clés USB, ouvre-bouteille USB, nunchuks USB. Perso, je trouve ça encore un peu trop moi-moi-moi. Je préfère les inviter subtilement à visiter mon site Web pour y écouter ma « playlist ». Ils doivent avoir l’impression que c’était leur idée de vous écouter, pas la vôtre. Contactez-les par Facebook le lendemain et invitez-les à s’abonner à votre page professionnelle. S’ils sont plus jeunes, Instagrammez-les ou Snapchattez-les, peu importe où sont les jeunots ces jours-ci.

Danser, boire du whisky de première et recevoir des « goodies », tout ça c’est amusant, mais ce que je préfère demeure les films et les événements de l’industrie. Vous ne savez jamais qui sera assis à vos côtés quand les lumières de la salle se rallumeront. Soyez toujours prêt à donner une de vos cartes d’affaires. Soignez votre apparence, portez des souliers classe, et n’oubliez pas de vous raser les poils de nez.

Mais malgré votre degré de préparation et de présentation, vous devez également être ouvert à la possibilité de vous laisser porter par le merveilleux hasard de l’univers. Les meilleurs moments que j’ai passés étaient avec de parfaits inconnus que j’ai rencontrés par le biais d’un autre groupe d’inconnus. Vous êtes sur le point de rentrer chez vous en taxi, et sans que vous sachiez trop comment, vous vous retrouvez en train de prendre des « shooters » de téquila en regardant Wim Wenders jouer au ping-pong jusqu’au petit matin…