Originaire de la région de Cochrane dans le nord de l’Ontario et née dans une famille plutôt musicale, Tricia Foster – rencontrée l’été dernier au retour d’une tournée de spectacles – a toujours chanté. « J’ai commencé à l’église, c’était la seule façon de supporter l’heure que je devais passer là, » plaisante-t-elle. Tricia prend par la suite des cours de guitare et de piano, sans s’y consacrer longtemps. « C’est il y a quatre ou cinq ans que j’ai découvert la basse électrique, dont je suis tombée amoureuse. J’ai tout de suite compris cet instrument. »

Au secondaire, elle forme le groupe Contraste, avec lequel elle remporte le concours La Brunante. Le premier prix était l’enregistrement de trois pièces à Radio-Canada à Montréal. C’est le batteur Shawn Sasyniuk, originaire de North Bay, qui réalise celles-ci. Il travaillera également, quelques années plus tard, sur ses deux premiers albums solos.

Tricia déménage à Ottawa à l’âge de 17 ans pour finir son secondaire dans une concentration artistique : « J’y ai beaucoup appris et j’ai fait des rencontres extraordinaires, mais j’ai décidé ensuite de venir m’installer à Montréal. » Peu de temps après, Shawn Sasyniuk la contacte et après quelques jams, elle décide de produire un premier album coécrit avec lui.

À cette époque, ce n’était pas encore clair que la musique deviendrait sa carrière : « Je l’ai su tard ce que je voulais faire. La musique a longtemps été in and out dans ma vie. Je m’intéresse beaucoup à la littérature, à la politique, à la philosophie, à l’environnement et à l’art en général et je suis retournée à l’université à plusieurs reprises pour entreprendre différents bacs. Je descendais dans la rue pour toutes sortes de causes et je rêvais de sauver le monde avec David Suzuki! » Ces intérêts variés et les multiples facettes de sa vie quotidienne enrichiront bientôt son œuvre musicale.

À l’écoute de son premier opus très abrasif et engagé, Tricia 412 (2004), on constate effectivement un souci d’action sociale, politique et environnementale. Tricia dit avoir ensuite réalisé que les changements de société devaient d’abord s’opérer à la maison et elle se réclame toujours de minimalisme et de simplicité volontaire : « Je n’ai pas la volonté de devenir une superstar, je vis simplement et j’aime ma vie un peu bohème. »

Tout en travaillant dans de nombreux restaurants de la métropole, elle lance quatre ans plus tard un deuxième album (Commerciale– un brûlot qui dénonce entre autres l’industrie musicale mainstream) en plus de faire des tournées et d’essayer de compléter ses études. Sa méthode de travail? Encore là, la simplicité d’une artisane : « Pour les textes, je traîne toujours un calepin avec moi et je profite des événements en général et de mes expériences personnelles pour m’en inspirer. Ça demeure ce qui me prend le plus de temps. Pour la musique, c’est très instinctif et je m’entoure de musiciens dont je suis fan, alors je leur laisse pas mal de place. » Par exemple, elle collabore régulièrement avec la Montréalaise née de parents camerounais Cécile Doo-Kingué et une autre Franco-Ontarienne bien connue, Cindy Doire : le trio se baptise Les Cowgirls. Elles partageaient la scène cet été au fameux Festival de la Curd de Saint-Albert, dans l’est ontarien.

On ne se surprend pas d’entendre Tricia dire qu’elle consacre beaucoup de temps à ses textes, et son travail d’orfèvre est mis en valeur par les musiques à la fois modernes et dépouillées qu’elle compose avec ses coauteurs et arrangeurs. Pour son récent album Négligée, elle a modifié son équipe : « J’ai décidé de changer de monde, pas parce que quelque chose s’était mal passé auparavant mais simplement pour essayer autre chose. » On trouve ainsi une touche d’électro et des teintes de jazz et de trip hop dans l’opus rock, réalisé cette fois par Olivier Fairfield, un ancien confrère de classe à Ottawa. Fairfield est également co-auteur de plusieurs textes. Les titres sont forts, audacieux, le style véritablement unique.

À court et moyen terme, entre sa carrière solo et ses participations à de nombreux autres projets, Tricia semble débordée. Lors de l’entrevue, elle allait entrer en studio avec Cécile Doo-Kingué, en plus d’avoir plusieurs spectacles à l’agenda et le projet de sortir quelques simples. Impliquée dans la communauté musicale hors-Québec, elle est aussi vice-présidente de l’Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM), en plus de parrainer des concours et d’accompagner d’autres artistes comme bassiste. Du souffle et de l’énergie à revendre pour cette sympathique antistar!