On peut qualifier le processus créatif de Simon Kingsbury de gestation lente.
De ses premiers souffles au sein du groupe indé-folk-prog Lac Estion – avec trois albums sous la cravate : EP (2008), Affranchi (2009) et XXIe siècle (2010) – jusqu’à son accomplissement solo, le temps d’un EP sorti en 2011 et entendu notamment aux Francouvertes en 2012 , l’auteur-compositeur a su laisser sa trace sur la scène indépendante locale. Mais voilà que depuis deux années et des poussières, les nouvelles se sont faites beaucoup plus rares : « En 2013, j’ai fait des tounes qui ressemblaient trop au EP de 2011, j’ai tout scrappé et pris une pause d’un an! »
C’est donc en cours de la dernière année que Kingsbury s’est senti fin prêt à replonger. Déjà sous contrat d’édition avec Ad Litteram depuis 2013, Kingsbury se voit vite offrir par Guillaume Lombart – fondateur de la boîte – un contrat de production pour les titres en chantiers. « Il m’a laissé carte blanche sur le plan de la création, se réjouit l’artiste. Ils se sont chargés du financement et de toute la paperasse qui peut facilement devenir très lourde pour un artiste […] Ils ont tout pris en charge à ce niveau-là, en me gardant toujours au fait des développements, ce qui m’a donné un coup de pouce énorme, c’est certain. »
En résulte Pêcher rien, opus racé et résolument incarné, paru début février 2016, dont le premier extrait Comédien, donne le ton.
Lorsqu’on aborde Guillaume Lombart pour parler de son poulain, il affirme d’emblée être « un éditeur et producteur choyé présentement ». Voilà deux atomes résolument crochus ces jours-ci.
La constance du jardinier
Évidemment, tout a commencé par un coup de cœur : « Il y avait la voix, parce que je pense que ce qui fait qu’on reconnaît un artiste, c’est la voix. C’est là toute la personnalité d’un projet. »
Puis, après consultation avec Pascale Préfontaine (dénicheuse de talent de la boîte) et son équipe, la décision fut prise de travailler avec l’auteur-compositeur-interprète : « J’aime quand tout passe par une seule et même personne, particulièrement si ladite personne est, en plus, lucide sur la réalité de faire de la musique aujourd’hui […] En plus de quoi, je pense que les auteurs-compositeurs sont des gens qui se remettent plus en question, et qui anticipent le sort de l’humain, donc le leur. Ils sont moins enclins à se prendre au jeu de l’égo de star. »
Lombart et Kinsgbury ont la même perspective sur leur collaboration, l’esprit d’équipe avant tout : « tout le monde à bord du navire bosse dur et nous sommes tous synchronisés sur les activités du projet », affirme sans ambages l’éditeur et producteur.
C’est donc lorsque les dix titres se retrouvèrent sur bandes que les choses se sont enclenchées : « On a produit l’enregistrement, et on a cherché une licence auprès de compagnies de disques. La licence n’est jamais venue donc a on a fait les démarches pour aller chercher du financement nous-mêmes. Et tout s’est mis en place. »
Manifestement, lorsque l’homme s’investit sur un projet, les tentacules de l’éditeur prennent des proportions pour le moins étonnantes : « En tant qu’éditeur, mon but c’est d’amener le projet le plus loin possible en l’entourant de partenaires pour bien le faire. Le CD est devenu un outil promo pour les éditions. Et je produis aussi le spectacle. Et avec Livetoune [filiale d’Ad Litteram], je produis de l’audio visuel. Au final, c’est d’intégrer tous les éléments nécessaires de façon à propulser les chansons […] J’aime l’idée d’un éditeur musico-visuel. C’est un modèle créé en réaction à une situation. Je reprends souvent l’analogie du jardinier, de celui qui sème et s’assure de la bonne survie de ses produits. »
L’heure des récoltes
Manifestement, le flaire de l’éditeur/producteur semble trouver sa résonnance chez les radios de la province : Au moment d’écrire ces lignes, Kingsbury peut se targuer d’être le buzz ÉNERGIE du mois de février (ce qui assure un nombre substantiel de rotations à l’artiste sur une grande partie du réseau) avec son titre Comédien.
Et pour la suite, si l’on se fie aux ambitions de l’artiste, les choses risquent de se poursuivre rondement : « Guillaume et moi sommes sur la même longueur d’onde la majorité du temps. Et, ultimement, je veux que mes chansons circulent le plus possible. » Additionnez ceci aux échos favorables que recueille le gravé Pêcher rien et vous avez devant vous un tandem d’individus qui prennent plaisir à goûter le fruit d’un labeur exécuté lentement, mais soigneusement.