L’autrice-compositrice-interprète Sara-Danielle vient tout juste de lancer son second EP intitulé Another Self, mais songe déjà à retourner en studio pour son projet suivant, et peut-être même encore avec le réalisateur Jesse Mac Cormack qui a si bien servi ses chansons. « Et ces temps-ci, j’ai plus envie de composer en commençant par le texte, abonde-t-elle. Parce qu’on dirait que j’ai envie de dire des choses plus précises ; avant, je partais plus de la musique, mais aujourd’hui je me dis qu’en commençant par le texte, la musique apparaîtra d’elle-même, selon ce que j’ai envie de partager. »

Sara-DanielleComme la plupart d’entre nous, ces deux dernières années ont provoqué des remises en question chez Sara-Danielle qui, heureusement, n’a pas eu à mettre sa carrière, naissante, sur pause : le mini-album était prêt il y a plusieurs mois et devait paraître au moment prévu, sur étiquette Simone Records. Nous n’avons rien perdu pour attendre : la musicienne propose une chanson pop (en anglais) mature, doucement inspirée par la soul, raffinée par les orchestrations de Mac Cormack, qui trouve encore le bon équilibre entre instruments organiques et ornements synthétiques (le batteur Louis René participe aussi à l’enregistrement).

Or, durant cette pandémie, « j’ai senti beaucoup mes relations changer autour de moi. Les chansons que je compose ces jours-ci sont un peu la suite du EP », une réflexion sur son rapport aux autres, à ses amis, une réflexion aussi sur la notion de liberté, brimée pendant les confinements.

« J’ai envie de ça, de me sentir libre et, je ne sais pas… me sentir avancer. Parfois, je me suis sentie prise, coincée, comme on l’a tous ressenti ces dernières années. J’ai comme hâte que ça bouge, que ça avance. Je suis impatiente ! », insiste la musicienne, qui avait démarré son projet solo il y a six ans et lancé, en 2019, un premier mini-album (Healing) à compte d’autrice.

Sara-Danielle s’inspire du travail de la Britannique Liana La Havas et de l’Américaine Lana Del Rey, et ça s’entend : « Chez Liana La Havas, j’aime son aura aussi puissante que douce, elle m’inspire beaucoup. J’apprécie sa musique sans feux d’artifice, mais avec ces rythmes r&b entraînants. J’aime ce genre de trucs où on sent la pulsation rythmique », mise de l’avant dans son propre travail. « Ça m’inspire beaucoup – je trouve ça le fun qu’il n’y ait pas que des feux d’artifice, tout en douceur. Quant à Lana del Rey, « elle joue avec sa voix de manière spéciale, surtout sur son dernier album, commente la Québécoise. J’aime aussi jouer avec ma voix pour créer des textures et des atmosphères ; sur mon EP, j’avais envie de créer quelque chose qui mélangeait le côté organique du r&b, mais avec des textures électroniques. »

Ça aussi on l’entend bien, tout comme on peut reconnaître, dans sa manière assurée de poser sa voix, sa formation en chant jazz à l’Université de Montréal, formation suivie après son passage au programme Musique et chanson du Cégep Marie-Victorin. Ce qu’on entend moins, par contre, c’est son apprentissage musical à travers la musique traditionnelle québécoise.

« Mon premier instrument, c’est le violon » explique la musicienne originaire de Gatineau, et dont la mère est Franco-ontarienne. « Mon premier contact avec la musique s’est fait avec les reels traditionnels québécois, que j’ai écoutés et joués durant mon enfance et mon adolescence – mon père est un bon chanteur et jouait de la mandoline, ma grand-mère était impliquée dans la communauté de musique traditionnelle, y’avait souvent des jams à la maison ! »

Or en grandissant collée sur la frontière ontarienne, elle s’est surtout exposée à la pop en anglais « et c’est ce qui m’inspire, c’est en anglais que j’ai commencé à écrire mes premières chansons ». Dès le début, elle rêvait à une carrière internationale en anglais, bien que pendant un moment, elle s’est sentie dans l’ombre de ses amis qui, eux, menaient leurs projets en français. « Je les regardais, eux, participer aux Francouvertes, par exemple, et je me disais : C’est dommage qu’il n’y ait pas vraiment de concours ou de vitrine comme ça pour les artistes anglos au Québec… Je me sentais un peu tomber dans une craque. Or, je me suis dit que si je ne pouvais participer aux concours, je devais me trouver une bonne équipe ; j’ai envoyé des démos partout, c’est là que j’ai pu trouver ma gérante, puis mon label ».

Sa collaboration avec le musicien et réalisateur Jesse Mac Cormack lui a enfin permis de raffermir son identité musicale, même si le Montréalais (qui lance ces jours-ci son nouvel album intitulé SOLO) est reconnu pour avoir une signature sonore propre, peu importe les projets sur lesquels il est invité à travailler.

« C’est vrai qu’il a sa griffe – juste à écouter un album, on sait que c’est Jesse qui réalise, reconnaît Sara-Danielle. J’avoue qu’en arrivant en studio avec lui, je n’avais pas réfléchi à ça ; j’avais seulement envie de travailler avec quelqu’un avec qui ça « fitterait ». Pour moi, le « fit » entre personnalités musicales est important, tout aussi important que l’écoute, des deux côtés. Ça a tout de suite cliqué avec Jesse : il n’essayait pas de mettre son son sur mes chansons. J’arrivais avec mes compositions, et lui les habillait, tout naturellement. »

« Ça m’a aidé d’arriver en studio avec des compositions bien construites, les paroles, la musique, la structure, et avec une idée en tête sur le son à leur donner. Mes idées étaient assez claires qu’elles ont guidées Jesse, il savait quelle direction je voulais donner aux chansons : « J’entends un rythme plus comme ci ou comme ça, etc. ». Il a été mon parfait complément, je n’ai jamais senti qu’il prenait toute la place. »