Avant de monter sur scène au célèbre Radio City Music Hall de New York où elle assurait la première partie d’une autre sensation canadienne et membre de la SOCAN, Alessia Cara, comme elle le fera pour toute sa tournée de 22 dates, Ruth B a fait ce que toute jeune femme de 21 ans ferait à sa place : elle a écrit un tweet. « En première partie d’Alessia au Radio City ce soir », tweetait-elle à ses plus d’un million d’abonnés. « Je tremble comme un bébé chien. » Cinq heures plus tard, un autre tweet : « Radio City, c’est réglé. Je ne me suis pas évanouie. J’attends ma pizza. La vie est belle. »

Belle est sans doute l’euphémisme de l’année. Il y a un an, Ruth B (pour Berhe) était une jeune universitaire qui angoissait au sujet de ses examens tandis qu’elle essayait de décider dans quelle matière elle irait compléter sa majeure (les sciences politiques l’intéressaient beaucoup), en plus d’avoir un petit boulot à temps partiel dans un grand magasin. « Je pliais des vêtements et m’occupait de la caisse », rigole-t-elle. « Ça semble déjà être il y a une éternité. »

Ça, c’était avant qu’elle soit catapultée, à sa grande surprise, dans les palmarès pop internationaux avec son « hit » viral « Lost Boy », une lancinante ballade au piano qui a désormais accumulé plus de 33 millions de visionnements sur YouTube en plus d’être certifié Platine au Canada, aux États-Unis, en Suède et aux Pays-Bas.

« Chaque fois que je quitte ma chambre, je risque de croiser une chanson — le regard sur le visage d’une personne, quelque chose qu’on me dit. »

Ruth B

Car, pour bien des gens, la jeune femme originaire d’Edmonton est encore connue comme « La fille sur Vine », en raison du rôle que ce réseau social — où les utilisateurs partagent des vidéos d’au plus 6 secondes — a joué dans sa remarquable ascension vers la renommée.

Ruth B, dont les parents ont quitté l’Éthiopie avant sa naissance, a suivi des cours de piano toute sa vie et adorait chanter. « J’ai toujours été obsédée par la musique », explique la jeune star. « Elle me vient aussi naturellement que ma respiration. »

Après avoir découvert Vine, elle s’est amusée à publier des « vidéos amusantes » et des clips où on la voyait interpréter des chansons des Beatles, d’Iggy Azalea ou de Coldplay. C’est toutefois son interprétation d’une chanson de Drake qui l’a fait passer de 50 à 1000 abonnés en un rien de temps. « C’est là que je me suis dit “peut-être que ça va m’aider à me faire connaître” », se souvient-elle.

En janvier 2015, après avoir été inspirée par un épisode du drame fantastique canadien Once Upon a Time, Ruth B s’est installée à son clavier et a partagé deux phrases qui formeraient la base de sa première chanson originale : « I am a lost boy from Neverland/Usually hanging out with Peter Pan. » (librement : « Je suis un garçon perdu/généralement en compagnie de Peter Pan »

Le clip de six secondes a accumulé 84?000 « j’aime » en une seule semaine. Surprise et encouragée, elle a publié d’autres clips dans les semaines qui ont suivies pour finalement publier un clip complet de son interprétation de la chanson finale sur YouTube. À ce moment, les appels d’agents et de maisons de disques avaient déjà commencé à fuser. Elle a donc pris une pause de ses études, signé un contrat avec Columbia Records en juillet 2015 et, quelques mois plus tard, lancé un EP de quatre pièces intitulé The Intro incluant bien entendu « Lost Boy » qui a été accueilli à bras ouverts par la critique.

Elle est la première à admettre qu’elle a été aussi surprise que tout le monde de son succès inattendu, mais elle ne se cache pas pour dire qu’elle a toujours su, au fond d’elle-même, que c’était sa destinée de faire carrière en musique. Elle s’empresse néanmoins de préciser que ses aventures musicales en ligne ne faisaient pas partir d’un quelconque plan de carrière, car, comme elle le dit, « ça me semblait impossible ». Elle s’était plutôt résolue à laisser les choses arriver d’elles-mêmes. « Je savais que ça allait arriver quand le moment serait venu », dit-elle.

Elle remercie sa famille et ses amis de l’avoir aidé à garder les pieds sur terre alors qu’elle s’envolait vers la gloire, et elle met désormais toute son attention sur le développement de son talent d’auteure-compositrice. Elle se décrit comme une avide lectrice et une amoureuse de belles histoires, et elle se concentre sur la création de chansons qui présentent des images fortes et des personnages tout aussi forts. « J’aime les chansons qui ont ces éléments », explique la jeune artiste. « J’aime pouvoir les imaginer et pas simplement les écouter. »

Ruth B explique d’ailleurs qu’un rien l’inspire. « Chaque fois que je quitte ma chambre, je risque de croiser une chanson — le regard sur le visage d’une personne, quelque chose qu’on me dit. Il y a une chanson derrière chaque chose que l’on vit. Je ne m’impose aucune limite. »

C’est précisément cette attitude qui lui a permis d’écrire une vingtaine de chansons originales au cours de la dernière année, dont certaines figureront sur son album à venir qui sera probablement lancé au début de 2017.

Elle s’empresse d’ajouter qu’elle est encore la seule responsable de toutes ses créations, chose qu’elle considère comme cruciale pour son identité artistique. « Je suis une auteure-compositrice, avant tout », dit-elle en toute simplicité. « Lorsque j’aurai des petits-enfants, je veux pouvoir leur faire jouer mon album et leur dire “c’est tout moi, ça”. C’est vraiment important pour moi. »

Elle compte bien terminer ses études universitaires [elle songe désormais à un diplôme en études anglaises], mais pour le moment, Ruth B profite pleinement de cette aventure inattendue dans laquelle elle s’est embarquée.

« La musique m’apporte du bonheur, que je chante pour des milliers de personnes au Radio City Music Hall ou seule dans mon sous-sol. Tant que je peux faire de la musique, je suis heureuse. »