Les membres SOCAN auteurs, compositeurs et éditeurs de musique le savent bien ; l’environnement influence de façon significative la création musicale. Écrire loin de chez soi peut parfois être le déclencheur de nouvelles avenues, de nouvelles collaborations et influences inattendues et rafraichissantes. De la même manière, les rêves d’exportation peuvent difficilement se concrétiser sans s’investir physiquement dans les territoires ciblés. C’est essentiellement pour faciliter ces deux objectifs (stimuler la création et l’exportation) que la SOCAN, depuis plusieurs années, met gratuitement à la disposition de ses membres des Maisons SOCAN à Los Angeles, Nashville et, depuis tout récemment, à Paris, trois plaques tournantes incontournables de l’industrie musicale mondiale.

Pour le directeur A&R de la SOCAN Rodney Murphy, la capacité de la SOCAN à offrir l’hébergement à ses membres auteurs, compositeurs et éditeurs à Los Angeles, Nashville et Paris lui permet d’influencer positivement la carrière de ses membres sur les marchés nationaux et internationaux. « Les membres de la SOCAN de partout au Canada utilisent nos maisons internationales pour le développement créatif de leur métier, explique Rodney, ce qui leur permet de communiquer directement avec les créateurs et les intervenants de l’industrie musicale dans ces marchés, souvent avec l’aide et l’important réseau de contacts des responsables A&R de la SOCAN. En fin de compte, notre objectif c’est de faire notre part pour stimuler l’écosystème de la musique canadienne et pour aider à développer la carrière et les affaires de nos membres à travers le monde. »

Paroles & Musique a interrogé quelques membres SOCAN ayant bénéficié de l’une ou l’autre des Maisons SOCAN au cours de la dernière année, question de récolter leurs impressions et de savoir quels étaient leurs objectifs et comment ceux-ci se sont concrétisés grâce à leur présence sur ces territoires étrangers.


PIERRE LAPOINTE

Pierre LapointeL’auteur-compositeur-interprète Pierre Lapointe, est l’un des premiers à avoir bénéficié de la nouvelle Maison SOCAN à Paris, un appartement privé dans le 9e arrondissement, métro Pigalle, à quelques pas du Moulin Rouge, de La Cigale, des Trois Baudets et de la « rue des guitares ». « Étant habitué aux séjours parisiens, je sais que le logement est ce qu’il y a de plus coûteux, explique Pierre Lapointe. Les revenus ne sont pas toujours la première raison qui nous pousse à aller passer quelque temps à Paris. Donc, de savoir qu’on peut oublier la portion « logement » du budget rattaché à un voyage parisien, c’est déjà extraordinaire. »

« L’objectif de ce voyage était à la fois du réseautage et de la création. J’ai rencontré les responsables d’une maison de disque parisienne avec qui je risque fort de travailler dans les mois à venir. J’ai également rencontré les membres de mon équipe de production de spectacle. Mais j’ai aussi travaillé à l’écriture et à la recherche d’arrangements pour de nouvelles chansons avec David François Moreau. J’ai également travaillé avec Matali Crasset qui est responsable de la conception du décor de mon prochain projet scénique à la maison Symphonique (Amours, Délices et Orgues). Donc, la création de nouvelles chansons qui paraîtront sur mon prochain disque, et mon prochain spectacle auront profité de mon passage à la maison SOCAN de Paris. »

 

 

ROYAL WOOD

Royal WoodL’auteur-compositeur-interprète torontois Royal Woods, de son côté, a pu bénéficier des Maisons SOCAN de Nashville et Los Angeles en 2016. Pour lui, rien n’est plus important pour le développement rapide d’une carrière que la création constante et le réseautage : « Vous avez besoin d’être hautement créatif pour réussir dans l’industrie de la musique. Mais il faut aussi que votre musique atterrisse dans les bonnes mains, et être entouré d’une équipe en laquelle vous croyez. Avoir de la musique, sans avoir d’équipe n’aidera malheureusement pas à payer les factures. Mon père aurait dit : « Ce serait comme faire un clin d’œil à une fille dans l’obscurité. Vous savez que vous l’avez fait, mais elle ne le sait pas. »

« Rien ne m’inspire plus qu’un changement d’environnement ou de paysage. Par exemple, regarder à travers la fenêtre de la Maison SOCAN dans les rues de Los Angeles avec le coucher de soleil sur les collines qui donnent sur Silver Lake avec ses palmiers bordant l’étendue. L’énergie de la ville et le son des voitures passant par la fenêtre. L’odeur de l’air sec du désert. Résider à la Maison SOCAN m’a permis de créer des chansons qui ont capturé ses moments qui, autrement, n’auraient jamais pu l’être. »

« Mon séjour le plus récent était à Nashville. Après avoir signé mon contrat d’édition avec Peermusic, j’ai pu rester pendant deux semaines à la Maison SOCAN de Nashville. Pendant ce séjour, j’ai pu écrire de la nouvelle musique tous les jours, en plus d’être disponible pour des réunions avec mon manager et mon équipe. Les résultats ont été très fructueux. Je retourne d’ailleurs à Nashville en début d’année, inspiré par le succès de ce dernier voyage. »

 

LE COULEUR

Le CouleurPour la formation montréalaise électro-pop Le Couleur, un séjour à la Maison SOCAN de Los Angeles était l’occasion de collaborer avec Eric Broucek, mixeur réputé ayant travaillé, entre autres, avec plusieurs artistes de l’étiquette DFA Records (LCD Soundsystem, Shit Robot, Juan Mclean). Julien Manaud, de l’étiquette Lisbon Lux et manager de Le Couleur, explique : « Le but était à la fois de terminer le mixage de l’album Pop en studio tout en développant un début de réseau sur place. J’ai assisté au party SOCAN de Los Angeles ou j’ai pu rencontrer pas mal de monde. J’y d’ailleurs rencontré l’agent américain Pete Anderson. Nous avons ensuite gardé contact pendant plusieurs mois. Il a beaucoup apprécié l’album Sun Machine de Beat Market et nous a organisé deux showcases à Los Angeles qui auront lieu en janvier 2017. »

 

 

 

 

 

 

BOBBY JOHN

Bobby JohnL’auteur-compositeur-interprète Bobby John, représenté par Les Éditions Bloc-Notes Musique, en plus de travailler à sa carrière solo, a mis beaucoup d’énergie dans la co-écriture pour d’autres artistes, dont Serena Ryder, Olivier Dion et Maxime Proulx, entre autres. En 2016, il a eu la chance de résider aux Maisons SOCAN de Nashville et Paris, avec pour objectifs de développer des contacts aux États-Unis et en France, et d’explorer ces scènes musicales.  « Lorsque je me suis rendu à Nashville et à Paris, j’ai pu découvrir l’univers musical des deux villes, et faire des rencontres incroyables desquelles sont ressorties plusieurs chansons. Les nouvelles technologies sont de bons outils de communication, mais ils ne remplaceront jamais l’énergie créative entre deux auteurs-compositeurs travaillant dans le même studio. À mon avis, c’est ce qui bâtit les meilleures collaborations et les solides relations. »

« Pour mon voyage à Nashville, le réalisateur et compositeur Éric Collard m’a accompagné. Avec l’aide de mon équipe Bloc-Notes Musique, nous avons planifié une semaine d’écriture et de rencontres. À notre retour, nous avions six chansons potentielles pour l’album, des nouvelles idées pour la réalisation et les méthodes d’enregistrement, et des co-auteurs-compositeurs pour nos futures visites. Vraiment, la semaine à la Maison SOCAN de Nashville nous a été très profitable. »

« Nous avons par la suite reçu une invitation pour co-écrire avec plusieurs auteurs-compositeurs à Paris.  J’ai eu la chance de travailler avec des artistes qui ont un talent phénoménal. Neuf chansons ont été écrites lors de ma semaine à Paris, et encore une fois, ma liste de contacts s’est agrandie. Cette semaine où j’ai pu rester à la Maison SOCAN de Paris n’aurait pu être plus productive et positive. »

« Dans les deux villes, les locations étaient idéales. À Nashville, l’emplacement de la Maison SOCAN, située dans un secteur tranquille, nous a permis d’installer nos équipements d’enregistrement et de faire du bruit sans déranger les voisins. Bien sûr, les compositeurs avec lesquels nous travaillions n’avaient pas tous un studio. Nous nous sommes donc servis de la Maison SOCAN comme lieu de rassemblement et d’enregistrement plus d’une fois. C’était super ! Pour la Maison SOCAN à Paris, la location était magnifique ! L’appartement était dans un petit bloc situé dans un secteur vraiment intéressant et musical, à deux pas du métro. Encore une fois, ma semaine était remplie de sessions d’écriture et de rencontres. D’être aussi proche de mes points de rendez-vous était l’idéal. Je remercie la SOCAN qui offre à ses membres l’opportunité d’utiliser les Maisons SOCAN, car sans ces lieux idéaux, nous n’aurions pu performer autant ! »

 

PAUL-ÉTIENNE CÔTÉ
Paul-Étienne CôtéRécipiendaire de plusieurs Prix SOCAN des catégories Musique de télévision nationale et internationale et fondateur de l’agence musicale Circonflex, le prolifique compositeur audiovisuel Paul-Étienne Côté, quant à lui, a profité de la Maison SOCAN de Paris principalement dans un but de réseautage : « La Maison SOCAN est idéale : c’est Pigalle – c’est central. C’est comme habiter en plein Mile End, mais exposant 3000. Parfaitement située entre les tops salles de concert, terrasses et bistro, la maison est à deux pas du 9e, du 2e et du 10e arrondissement. Le Tout-Paris music business est très accessible. Je prenais un Vélib (vélo en libre-service) pour aller partout depuis la Maison SOCAN. Je me suis même rendu jusqu’à Clichy à vélo parce la maison SOCAN est près de tout (mais aussi, un peu parce qu’il fallait bruler les calories des charcuteries, du foie gras, des baguettes, des escargots et des babas au rhum). »

« Et le fait d’avoir la chance de pouvoir se loger à peu de frais est inouï. Ça permet notamment d’inviter les clients potentiels au restaurant et de boire du CHAMPAGNE plutôt que de la CITRONNADE. Pendant mon séjour, j’ai fait la connaissance de plusieurs nouveaux producteurs avec qui j’ai travaillé pas plus tard que la semaine dernière sur quatre fabuleux projets ! »

« Une anecdote reliée à mon séjour à la Maison SOCAN? Le 9 octobre 1871, Victor Hugo s’installait rue de La Rochefoucauld. Il y résida de 1871 à 1873. En 2016, c’est la maison SOCAN qui est située rue de La Rochefoucauld et ce sont ses membres qui y résident. #bigcheese »

 

Pour plus d’informations sur la Maison SOCAN de Los Angeles, cliquez ici.

Pour plus d’informations sur la Maison SOCAN de Nashville, cliquez ici.

Pour plus d’informations sur la Maison SOCAN de Paris, cliquez ici.

 

Dans cette entrevue vidéo accordée en 2015 via Skype au rédacteur en chef du magazine Paroles & Musique de la SOCAN, Eric Parazelli, Carole Facal, alias Caracol, nous fait visiter la Maison SOCAN à Los Angeles qu’elle a eu la chance d’investir pendant une semaine pour se concentrer sur l’écriture de nouvelles chansons. Elle en a aussi profité pour développer son réseau de contacts avec l’aide de son équipe des Disques Indica.

 



Révélé au grand public avec son deuxième album, Le feu de Chaque Jour, et par son incontournable single Mécaniques générales (lauréat du Prix de la chanson SOCAN en 2014) Patrice Michaud revient avec un troisième album sur lequel il se permet quelques audaces, sans renier la simplicité qui a fait sa signature. On décortique avec lui les pages de son Almanach.

Le succès est une bête étrange et sauvage. La plupart des artistes passent leur carrière à la traquer, mais lorsqu’ils se retrouvent face à face avec elle, certains perdent leurs moyens et la laissent s’échapper. Lorsque l’auteur-compositeur-interprète Patrice Michaud a croisé son chemin, avec la sortie de son incontournable chanson Mécaniques générales, il regardé la bête droit dans les yeux et l’a aussitôt apprivoisée.

« La popularité – et je mets ce mot entre de très gros guillemets, car je suis loin de me faire accoster dans la rue sans arrêt – ce n’est pas un statut qui me dérange le moins du monde. Moi je fais de la musique et je mets ça sur des disques dans l’espoir que les gens écoutent mes chansons, viennent me voir en spectacle. L’art pour l’art, ce n’est pas mon truc ! Je cherche le contact avec le public et même si c’était parfois difficile de gérer la job et la vie privée au cours des dernières années, je n’ai pas le moindre regret. »

La candeur de Patrice Michaud pourrait surprendre, mais c’est pourtant cette simplicité et cette franchise qui en ont fait l’un des artistes préférés du public québécois. Michaud, à l’image de sa musique, est un type franc et accessible. Avec sa gueule d’ado perchée sur un corps d’échalas, il n’a rien d’une rock star flamboyante, mais il a le don de créer des chansons intimistes, à la fois intemporelles et parfaitement en lien avec leur époque, qui frappent au cœur avant de s’incruster dans les esprits.

« Quand les gens m’abordent dans la rue, j’ai toujours l’impression qu’ils ne me reconnaissent qu’à moitié, avoue-t-il. Souvent, ils vont me chanter un bout de toune et j’adore ça parce que ça veut dire que je les ai touchés avec ce que je fais dans la vie – écrire des chansons – et pas par ma tronche. Ils ne m’aiment pas parce que j’ai fait des quiz ou des shows de variétés, mais pour LA chose que je veux faire dans la vie et ça me rend vraiment heureux. »

« Jamais je n’essaierais d’entrer en studio en me disant  » bon, ça me prendrait un Mécaniques générales numéro 2  » ; y’a pas de chemin plus court vers la déception ! »

Patrice Michaud, ne se plaint donc pas d’avoir touché la corde sensible d’un public aussi vaste que varié avec Mécaniques générales. Et si le succès passé n’est jamais garant de l’avenir, il sait aussi que cette chanson n’est pas étrangère au fait que son plus récent single, l’excellent Kamikaze, joue en ce moment en rotation forte, aussi bien sur les radios commerciales que sur les ondes publiques. Un premier coup de sonde qui annonce une belle vie pour son troisième album, Almanach.

« Jamais je n’essaierais d’entrer en studio en me disant « bon, ça me prendrait un Mécaniques générales numéro 2 ; y’a pas de chemin plus court vers la déception ! Mais je dois avouer que cette chanson a quand même un peu changé mon approche, car elle m’a permis de développer un intérêt envers l’efficacité de la chanson pop. C’est pas mal avec cette toune que j’ai grandi par rapport au son folk plus dépouillé de mes débuts. Cela dit, Kamikaze n’a absolument rien à voir avec elle dans la forme ni dans le fond. Pour être honnête, je n’étais même pas sûr que ça pouvait être un single. »

Nouveau départ

Patrice Michaud est le premier à le constater : Almanach est son album le plus hétérogène à ce jour. Il n’a pas abandonné le son folk rock qu’il polit depuis ses débuts, mais on sent une ouverture à de nouvelles sonorités, et des façons de faire différentes. Une envie de groover, d’abord, mais surtout de se mettre en danger, qui a été parfaitement comprise par son nouveau collaborateur, le réalisateur touche-à-tout Philippe Brault.

« Si je me compare à certaines personnes de mon entourage, je peux affirmer que je ne suis pas un grand mélomane, avoue Michaud. Mais je me suis repris au cours des deux dernières années, pendant lesquelles j’ai probablement écouté plus de musique que dans le reste de ma vie ! J’ai développé mon oreille par rapport à la réalisation et surtout dans la recherche de certaines tonalités. Avant de commencer, j’ai parlé à Philippe de mes envies et surtout de mon band préféré, Doctor Dog (un groupe de Philadelphie qui puise largement dans les sonorités des années 60 et 70, NDLR). J’ai tout de suite vu son visage s’allumer parce qu’il venait de comprendre qu’on allait s’amuser. »

Si le plaisir a marqué les séances d’enregistrement, la naissance d’Almanach n’a pas été facile. En panne d’inspiration, Michaud s’est retrouvé à se demander quand il pourrait se remettre à l’ouvrage, jusqu’à ce qu’une providentielle fée marraine se mette en travers de sa route. « Une nouvelle amie (l’animatrice télé France Beaudoin), que j’appelle ma mécène, m’a prêté son chalet pour que j’aille écrire et ça m’a vraiment aidé. C’est là que j’ai créé, assez rapidement, la chanson l’Anse Blanche. »  Une pièce magnifique et contemplative, sur laquelle on entend la guitare de Brad Barr (des Barr Brothers) et dans laquelle Michaud, qui a décidément une plume agile, parle du fleuve St-Laurent comme de sa « Main » à lui.

Pour délier ses muscles de compositeur, il s’est aussi inspiré des autres, en décidant d’adapter en français Temazcal, une chanson des Américains Monsters of Folk (« super groupe » qui réunit M Ward, Conor Oberst et Mike Mogis de Bright Eyes et Jim James de My Morning Jacket ). « Le truc c’est que je ne parle pas anglais, explique Michaud, alors j’ai adapté, très librement leur toune. C’était un simple exercice d’écriture, mais lorsqu’on a fait l’album, je trouvais qu’elle avait tout à fait sa place à la fin d’album. »

On l’a dit, Michaud a le sens de la formule. Ses textes, qu’il cisèle avec minutie et passion, sont au cœur de sa démarche. Mais n’allez pas le féliciter tout de suite pour cette phrase magique (« L’amour ce n’est pas quelque chose… c’est quelque part » ) autour de laquelle s’articule son single Kamikaze. Elle a été « empruntée », mot pour mot, au roman Le Nez qui Voque de Réjean Ducharme. De l’échantillonnage poétique, en quelque sorte. « Ce n’est pas la première fois que je fais un clin d’œil à un auteur, mais là, c’est le cœur de la toune alors on avait besoin de l’approbation de l’éditeur, Gallimard. C’est le genre de chose que j’ai lancé dans l’univers sans aucun espoir de réussite. En fait, je me disais que j’avais 90% de chances de ne pas recevoir de réponse, 7% de chance de me faire dire non et une petite possibilité de réussite. Et ils ont dit oui ! Ça compte beaucoup pour moi, car Ducharme a été une immense influence. »

L’almanach du peuple

Sur ce troisième album, Michaud, qui lance nonchalamment qu’il a fait la paix avec l’idée « qu’il écrit toujours la même toune », fait apparaître de nouvelles voix. Celle d’Ariane Moffatt, majestueuse et aérienne sur le magnifique duo Les terres de la Couronne et celle de son fils Loïc, 4 ans, qui narre Tout le monde le saura, un texte un peu grave, mais lumineux qui ressemble à une prière pour un avenir incertain. « Je m’étais promis que je ne voulais pas inclure de morceau de spoken word sur Almanach parce que je l’avais fait sur mes deux albums précédents. Comme je tiens rarement mes promesses, j’ai fini par inclure ce texte, mais je ne voulais pas le dire moi-même. Alors on est passés par toutes sortes de versions : masculine, féminine, polyphonique… et après avoir fait des tests avec mon garçon, j’ai trouvé que la chanson prenait tout son sens. Il ne savait probablement pas ce qu’il disait, mais il l’a fait avec un immense sourire et j’ai été très touché par son interprétation. »

C’est aussi dans ce texte qu’on retrouve le titre de l’album, ce drôle d’Almanach que Loïc prononce comme s’il s’agissait d’un fruit exotique.  « J’ai un rapport amour-haine avec mes titres », lance d’emblée Patrice lorsqu’on le questionne sur le sens à donner à celui-ci. « C’est parce que je suis moi-même un fan fini de titres, dans toutes les formes d’art et ça m’a rendu très difficile envers moi-même. Celui-ci est arrivé tard dans le processus, mais Almanach, je trouve que c’est un beau mot, un mot… intrigant. L’almanach, c’était un ouvrage qui compilait des informations importantes, sur les récoltes, les mouvements de la lune ou la météo, mais aussi des anecdotes, des recettes, des nouvelles sans importance. Bref, c’est un fourre-tout où se côtoient pratique et inutile, sacré et profane et il était distribué à l’origine par des colporteurs. Ça me rappelle beaucoup ce que je fais, finalement… »

En effet, l’image semble tout à fait appropriée : on imagine déjà Patrice Michaud en colporteur-poète, arpentant les routes de campagne pour offrir ses chansons de porte en porte. Ou plutôt de salle en salle, dès que se mettra en place une tournée (qu’il débute en février 2017) qu’on imagine aussi longue que fructueuse.



April Wine, le groupe rock de Myles Goodwyn, a vendu des millions de disques à travers le monde. Lauréat de six Classiques de la SOCAN, de son Prix National en 2002 et du Prix Dr. Helen Creighton pour l’œuvre d’une vie au gala des East Coast Music Awards (ECMA) de 2003, Myles Goodwyn a vu introniser son groupe au Panthéon de la musique canadienne au gala des Prix Juno de 2010
. En 2009, dans le cadre du Canadian Music Week, April Wine recevait le Lifetime Achievement Award en plus d’être admis au Temple de la renommée de l’industrie canadienne de la musique. Voici un extrait de Just Between You and Me (2016), mémoires dans lesquelles Myles Goodwyn rappelle les raisons pour lesquelles son groupe a pris dès le début la décision de ne pas interpréter de reprises.

Avec April Wine, l’idée de jouer uniquement notre matériel original et pas les chansons des autres groupes a été formée plus ou moins dès le départ… en tout cas, c’est ce que je pense. Jim [Henman, bassiste] se souvient que nous ne voulions jouer que des chansons originales. Il était convaincu que je n’aurais pas souhaité me joindre au nouveau groupe autrement. Je crois que Ritchie [Henman, batteur] est lui aussi d’avis qu’on avait décidé de ne faire que des chansons originales et pas de reprises. Mais les souvenirs de David [Henman, guitariste] sont un peu différents.

David se rappelle que nous avons fait notre première répétition dans le sous-sol de la maison de ses parents à Lower Sackville [Nouvelle-Écosse] et que nous nous proposions alors de ne chanter que nos propres chansons, mais qu’on pourrait interpréter des reprises au besoin. La décision de ne faire que des chansons originales a été prise — ou du moins proposée — lorsqu’ils m’ont entendu jouer un riff de guitare pour une chanson sur laquelle je travaillais. David dit qu’ils ont été renversés par le son heavy rock que ça produisait et que ça a été l’inspiration pour notre déclaration commune que, à partir de ce moment-là, nous serions un groupe qui ferait des chansons originales à 100 pour cent.

Myles Goodwyn Book Cover« On s’est assis et Myles a commencé à jouer un riff de guitare qu’il était en train d’écrire, et on s’est tout de suite regardés tous les quatre en disant : “OK, c’est ça… pas de reprises ! C’est ça qu’on veut faire.” On était tellement excités par ce riff : il nous ouvrait toutes les portes. »

C’est mon propre souvenir de l’événement — la version de David. Comme nouveau groupe, April Wine devait se construire un répertoire à partir de rien, et un mélange de chansons originales et non originales n’aurait eu aucun bon sens. C’était ce qu’on avait prévu au départ, mais ça a changé au moment où j’ai fait entendre au groupe une idée que j’avais pour une nouvelle chanson lors d’une de nos premières répétitions.

Essentiellement, April Wine a décidé de n’interpréter que du matériel original, ce qui fait que, au début, nous n’avions pas à notre disposition les 90 minutes de musique originale nécessaires pour un concert, ni même assez de musique pour une soirée dans un club. Il nous fallait des tas de chansons pour pouvoir gagner notre vie en spectacle. Nous n’avions pas beaucoup de chansons au départ, mais nous en avions quelques-unes.

Ritchie Henman dit que le groupe avait été défini avec suffisamment de clarté dès le départ. « David et moi allions assurer l’avant-garde, Jimmy s’occuperait de l’aspect folk et Myles maintiendrait notre implantation dans le rock and roll. »

Je voyais April Wine comme un groupe rock. Je tenais à jouer une musique avec un son rock, et peu m’importait à l’époque qu’il s’agisse d’une toune rapide ou lente, heavy ou autrement, du moment que c’était dans la veine rock. Mais je pense que j’étais le seul à entrevoir une orientation aussi simple.

Je trouvais que ce nouveau groupe méritait une chance et je ne voulais absolument pas faire partie d’un groupe de reprises. Dans toute ma carrière jusqu’ici, je n’ai passé qu’environ un an à jouer professionnellement dans un groupe de reprises, ce que je ne considère un exploit en soi. Je n’ai jamais été bon pour apprendre le matériel des autres, j’imagine. Je présentais volontiers une chanson que j’aimais dans un nouvel arrangement, mais recréer une pièce note par note, ça n’a jamais été ma tasse de java.

April Wine jouait du matériel original d’un bout à l’autre de la soirée, et le nouveau matériel était le résultat des influences diverses et des styles d’écriture particuliers de David, Jim et moi. Ritchie s’est plus tard souvenu dans une entrevue avec le magazine Music Express que « le son du groupe était alors très heavy, très complexe, un son hybride composé d’une douzaine de styles filtrés par trois auteurs-compositeurs très différents les uns des autres. Décidément un groupe sans orientation. »

Je ne suis pas d’accord sur l’aspect vraiment heavy d’April Wine à l’époque, mais j’admets avec Ritchie que nous n’avions pas de direction claire. Nous n’avons jamais vraiment trouvé de base commune durant le peu de temps que nous avons passé ensemble.