Pierre Fortin, Charles Perron et les frères Sylvain et Sébastien Séguin s’étaient revus quelques fois depuis qu’ils avaient mis les activités de leur groupe, Les Dales Hawerchuk, sur la glace. Mais ce soir de décembre au Saint-Sacrement, c’était du sérieux.

En direction vers le bar de la rue Mont-Royal, Sébastien Séguin savait que l’ordre du jour comportait un seul et unique point : le retour des Dales. Dans sa poche se trouvait justement de quoi jeter de l’essence sur les braises encore chaudes de la formation, une maquette de ses deux nouvelles compositions, la fondation de ce qui allait devenir leur quatrième album.

« C’était il y a un an, presque jour pour jour. On venait de se donner beaucoup de temps pour vivre autre chose. Certains sont devenus papa, d’autres ont trouvé des jobs stables, mais tous avaient cette même envie de revenir au rock’n’roll. Nous avions soif, nous avions faim », explique Sébastien qui compose la majorité des nouvelles chansons du groupe sur Désavantage numérique paru le 25 novembre dernier.

Les Dales Hawerchuk« Je leur ai fait jouer mes deux compos. Tout le monde a tripé et on s’est mis à parler d’un retour. On a rapidement mis au clair certaines règles. Aller jouer un mardi soir à Shawinigan, c’est terminé. Je n’ai rien contre Shawi, au contraire, on va sûrement y retourner bientôt, mais ce sera un vendredi ou un samedi pour que tout le monde puisse s’éclater sans avoir peur du lendemain. Le reste du temps, on va le passer avec nos proches. On voulait aussi que ce retour passe par des compos explosives, la pédale au plancher. Les compromis pour jouer sur les radios commerciales étaient terminés. On s’en calice. »

Ce dernier point semble le plus important aux yeux du guitariste-chanteur. Né pratiquement avec le succès de sa pièce Dale Hawerchuk en 2005, le groupe rock originaire du Lac-Saint-Jean avait profité d’un appui massif des radios commerciales et de Musique Plus qui avaient alors soif de rock. Les Strokes, les White Stripes et les Hives cartonnaient aux quatre coins du globe. Les guitares électriques abrasives avaient la cote, et ainsi allaient les Dales.

« Lorsqu’on a enregistré notre deuxième disque, on a voulu refaire le coup avec l’extrait À soir, on sort, mais le résultat n’a pas été le même. Et la pression d’un succès radiophonique a commencé à peser sur le moral du groupe. Notre troisième disque est sorti en 2011, et notre compagnie de disque à l’époque, C4, a fermé ses portes. Ça n’a pas aidé non plus. La pause a fait du bien. On revient sans se mettre aucune pression. On veut juste faire le tour de notre réseau de bars et avoir du fun. »

« Il fallait s’éloigner un peu du hockey pour parler d’autres choses. Sauf que tu vois, ces jours-ci, j’ai envie d’écrire une toune sur Radulov », Sébastien Séguin, Les Dales Hawerchuk

Ce retour aux sources s’entend dès les premières déflagrations de Désavantage numérique, un titre influencé par le déclin des ventes de disques, mais aussi l’une des rares références au hockey que contient l’album. Des clins d’œil auxquels les Dales nous avaient habitués. « C’est voulu, confie Sébastien. Il fallait s’éloigner un peu du hockey pour parler d’autres choses. On a vieilli. On n’a plus les mêmes préoccupations qu’un flo de 25 ans. Sauf que tu vois, ces jours-ci, j’ai envie d’écrire une toune sur Radulov. »

En attendant, les Dales Hawerchuk multiplient surtout les hommages aux moteurs à gaz. Faudra d’ailleurs qu’on nous explique cette fascination qu’ont les musiciens du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour l’essence. Après le Tigre et Diesel de Galaxie, l’Ultramarr de Fred Fortin et Gazoline le groupe, les frères Séguin chantent leur affection pour les machines et l’odeur du gaz brûlé sur plus d’un titre.

« C’est sûr qu’on est un peu nés là-dedans. On a eu des Ski-Doos et des 4 roues quand on était jeune. Au Lac, les gaz-bars sont souvent des entreprises familiales. C’est un peu moins le cas aujourd’hui, mais dans le temps, on ne disait pas qu’on allait tinquer chez Esso ou Shell, on disait qu’on allait chez Perron ou chez Martel, des familles qui possédaient des gaz-bars. Au fond, les machines à gaz sont dans notre ADN. On parle souvent de l’odeur des tartes aux fraises et aux bleuets de nos grand-mères, c’est vrai que ça sentait bon, mais je me souviens autant de l’odeur de mon père qui rentrait de sa run de Ski-Doo. »

Au final, les deux flagrances opposées auront donné naissance à une génération de rockeurs au cœur tendre. Une génération qui continue de marquer l’histoire du rock québécois.