Klô Pelgag

Photo by/par Étienne Dufresne

L’auteure, compositrice et interprète Klô Pelgag vient de faire un grand bond en avant en lançant son second album, L’Étoile thoracique, lors d’un épatant concert présenté durant la 30e édition du festival Coup de coeur francophone. Entrevue fiévreuse avec la jeune musicienne originaire de Sainte-Anne-des-Monts, quelques jours avant son départ pour la France, où elle offrira une série de concerts.

Au bout du fil, c’est avec une voix toute menue que Klô répond aux questions. La grippe lui est tombée dessus d’un seul coup, juste après sa rentrée au Club Soda, alors que ses musiciens, son équipe et elle fêtaient cette belle première au bar d’à côté. « Lancer un album, c’est gros ; ça fait quand même plusieurs mois que j’attends ce moment, et après qu’il soit passé, la pression retombe… », échappe-t-elle, magnanime.

« J’avais accumulé beaucoup de stress, confie l’alitée. Présenter de nouvelles tounes à des gens qui ont acheté des billets pour entendre des chansons qu’ils ne connaissaient pas… Je n’étais pas assez confiante par rapport à ça, par rapport à l’engagement des gens. » Et pourtant, ce premier spectacle de son nouveau cycle de création affichait complet depuis déjà deux mois ! « Et ils n’ont mis que deux semaines et demie pour vendre tous les billets, c’est cool. J’ai beaucoup de respect pour les fans », dit Klô.

Gagner les prix Révélation de la SOCAN et de l’ADISQ la même année (2014), ça ne change pas le monde, sauf que… Sauf que, presque du jour au lendemain, Klô Pelgag a réussi à piquer la curiosité du grand public qui, à son tour, s’est laissé séduire par l’univers chansonnier singulier et coloré de l’auteure, compositrice et interprète qui dit avoir arrêté de se poser la question : est-ce que les auditeurs vont tout saisir de ce qu’elle cherche à exprimer dans ses chansons ? « Je me suis déjà posé la question : y’a-t-il assez de clés [dans mes textes pour que les gens en saisissent le sens] ? Moi, je me comprends. Y’a rien de flou dans ce que j’écris, mais y’a des trucs que je laisse en suspens, des portes ouvertes sur plusieurs avenues. Ce qui m’importe, c’est que je comprenne que ça reflète un moment de ma vie, parce que je fais ça pour extirper ces moments, pour mieux les comprendre. J’espère que des gens puissent eux se consoler ou trouver du réconfort dans mes chansons. C’est mon langage intérieur à moi, mais je crois qu’il peut toucher les autres. »

Ambitieux, dans la forme comme le fond, L’Étoile thoracique se révèle être un des meilleurs albums québécois de l’automne. Les textes de Pelgag sont certes souvent cryptiques, les images parviennent néanmoins à frapper notre imaginaire et à transmettre d’authentiques émotions. « Non, il n’est pas triste, l’album, hein ?, opine-t-elle. C’est ce qui me semblait. Je me suis demandé : C’est quoi, le feeling général ? J’étais trop dedans pour la saisir. C’est difficile de se regarder de loin. Je crois que l’album est parsemé de plein de moments amoureux, de moments légers, de contemplation. »

L’album, à nouveau coréalisé par ses partenaires de L’Alchimie des monstres (2013) Sylvain Deschamps et son frère Mathieu, témoigne de la formidable évolution qu’a vécu la musicienne de 26 ans. Les mélodies et les textes ont gagné en rigueur, le travail d’orchestration de cordes et de cuivres (plus d’une vingtaine d’instrumentistes ont collaboré à l’enregistrement) réalisé par Mathieu Pelletier-Gagnon donne énormément de souffle à cet album dense, complexe sans être confondant, impressionnant dans son ambition et son envergure.

La décision de s’investir dans la création d’un album de chansons pop orchestrale « allait de soi, précise Klô. On en rêvait, mon frère et moi – tout part toujours d’un rêve, même le spectacle que je vais monter » spécialement pour les Francofolies de Montréal, le 10 juin 2017 au Théâtre Maisonneuve, avec l’Orchestre du temple thoracique et ses 29 instrumentistes, dirigés par Nicolas Ellis. « L’orchestration, ce n’est pas un truc que je croyais réaliser aussi tôt dans ma vie. Ça s’est placé naturellement, somme toute. L’important fut de convaincre les gens avec qui je travaille que ça vaut la peine. » Chapeau à la Coop des Faux-Monnayeurs d’avoir investi dans le projet.

« C’est très étrange, écrire des tounes. Elles viennent toutes d’un endroit différent, mais empruntent des traces d’émotions de partout. »

Après la tournée de L’Alchimie des monstres, « j’avais une terrible envie de composer de la musique. J’ai joué les mêmes tounes pendant trois ans… Je n’avais plus le temps de composer. Quand j’ai recommencé, ç’a été difficile, mais en même temps hyper-nécessaire. » Ces chansons nouvelles, explique Klô, représentent une petite capsule de temps, toutes écrites à la même période, « surtout les mois de décembre 2015 et janvier 2016, des mois très productifs. Chaque toune est un paysage en soi, ou quelque chose qui s’y rapproche… Sont intenses, quand même, les tounes ! »

« J’ai voulu faire un disque qui s’écoute du début à la fin, comme une œuvre entière, avec des chansons qui se complètent et se répondent entre elles. » Il y a Au bonheur d’Édelweiss et Les Mains d’Édelweiss, même personnage mis en scène, deux récits différents : « Les Mains, ça parle d’une personne aveugle et sa façon de voir et de vivre le monde. Au bonheur parle plus du temps perdu, de l’importance de la famille, cette roue qui tourne, le fait que malgré tout, on se reconnaît dans nos parents, de qui on essaie de se distancer… » Ailleurs dans Les Animaux et Chorégraphie des âmes, des motifs mélodiques instrumentaux sont repris tels quels, comme « deux tounes qui se parlent, qui se font des clins d’œil », souligne Klô.

L’album se termine avec la longue Apparition de la Sainte-Étoile thoracique, sur laquelle on peut entendre un brin de conversation entre Klô et sa grand-mère. « Dans ma tête, je n’imaginais pas ma grand-mère sur l’album. En fait, je pensais à elle sur la chanson J’arrive en retard – c’est d’ailleurs une des seules fois où je sais d’où vient l’inspiration de la toune, que je peux l’associer à un visage. C’est elle. » Et donc, la grand-mère s’est invitée, si on peut dire, à la fin du disque, « après que toutes les tounes aient été faites. C’est une entrevue que j’avais faite il y a cinq ans. J’ai pris sa voix pour la chanson, et puis tout l’album a semblé se tenir ensemble… »

« Ah, je ne veux pas me comparer à des gens trop « cool », dit Klô, mais je pense à la manière de créer de Dali. Il ne s’exerçait pas : il avait un tableau dans sa tête, il pouvait y penser pendant des années et après y avoir réfléchi, il s’assoyait pour le peindre. C’est un peu comme ça que je vois la création de chansons. C’est très étrange, écrire des tounes. Elles viennent toutes d’un endroit différent, mais empruntent des traces d’émotions de partout. Moi, j’écris tout en même temps : le texte, la musique. Et ce n’est qu’au moment du mixage que j’ai le sentiment d’avoir terminé l’album. Quand j’ai trouvé le sens de la dernière chanson avec ma grand-mère, qu’elle est venue ponctuer le disque, me je suis dit : OK, je peux laisser partir le disque, je suis en paix. Je ne veux pas que le disque soit trop parfait non plus. Les maladresses font la beauté de la chose. »

Visionnez “Le début d’un temps nouveau” de Stéphane Venne en 360° interprétée par Klô Pelgag, Loud Lary Ajust et Pierre Kwenders au Gala de la SOCAN à Montréal, le 12 septembre 2016 :



En mai 2016, le groupe pop-rock des Premières Nations Midnight Shine a donné deux vitrines dans le cadre de la Canadian Music Week (CMW) à Toronto. Il y a fort à parier qu’aucun autre groupe présent au CMW n’avait eu un périple aussi mouvementé pour s’y rendre, comme nous l’explique au téléphone le chanteur et guitariste Adrian Sutherland depuis sa demeure d’Attawapiskat, dans le nord de l’Ontario.

« Je viens d’une famille très pauvre », explique-t-il d’entrée de jeu. « Mes grands-parents vivaient de manière vraiment traditionnelle et tout ce qui se trouvait sur notre table venait de la Terre. Ça existe encore dans notre communauté. Je dois encore aujourd’hui partir chasser les oies, le caribou et l’original. On doit remplir nos congélateurs, ça fait encore partie de la vie dans le Nord. La récolte est le lien qui unit nos familles et notre culture. »

Ç’a été très dur pour moi de couper court à ma saison de chasse et de sortir du bois en machine à neige pour traverser sur les glaces de mer afin de me rendre au CMW. Mais c’est mon engagement envers la musique. Je suis prêt à faire tout ce qu’il faut. »

Les autres membres de Midnight Shine proviennent de différentes communautés de la région de la Baie-James dans le Grand Nord. Le guitariste Zach Tomatuk et le bassiste Stan Louttit sont de la Première Nation de Moose Factory et le batteur George Gillies de la Première Nation de Fort Albany.

Fondé il y a cinq ans, la première apparition publique de Midnight Shine fut en tant que première partie pour un spectacle de Trooper. Ils ont depuis lancé deux albums très bien reçus, le premier, éponyme, est paru en 2013, et le second, Northern Man, en 2014.

C’est lorsque Ralph James de United Talent Agency les a pris sous son aile que leur carrière a vraiment pris son envol. Leur passage au CMW a également attiré l’attention des médias de partout au pays, incluant une entrevue de fond avec The National, la Une du Toronto Star, une prestation en direct suivie d’une entrevue à Canada AM sur le réseau CTV, deux articles de la Presse Canadienne, un clip en vedette sur Daily Vice, et des articles dans le National Post, le Hamilton Spectator, le Winnipeg Free Press, et le Calgary Herald, le Halifax Chronicle Herald, et bien d’autres.

« Il y a de bonnes nouvelles qui proviennent d’Attawapiskat. J’espère que nous serons une de celles-là. » – Adrian Sutherland, Midnight Shine

En tant que principal auteur-compositeur du groupe, Sutherland travaille actuellement d’arrache-pied pour créer les chansons de leur troisième album. « Nous espérons retourner en studio au début du printemps et nous avons discuté avec quelques réalisateurs », nous explique-t-il.

Une de nos nouvelles chansons, « Sister Love », sera bientôt lancée comme simple, et les réactions préliminaires sont bonnes. « La chanson est basée sur un poème écrit par ma sœur », confie l’artiste. « Elle parle de nos luttes quotidiennes et des coups durs que nous avons encaissés. Elle explore cette envie de retourner à une époque où les choses n’étaient pas aussi difficiles, lorsqu’on était en famille et les liens qui nous unissaient quand tout allait bien. »

D’autres pièces à venir porteront aussi plus directement sur des thèmes touchants les Premières Nations. Les premières chansons de Midnight Shine telles que « Northern Man » et « James Bay » prennent clairement racine dans la culture et la région d’origine de Sutherland, mais il se sent prêt à aborder des thèmes sociaux et politiques plus directement.

« Mon écriture est très différente de ce qu’elle était sur les deux premiers albums », dit-il. « Je ne veux pas me forcer à aller dans une direction en particulier, mais une chose me tracasse depuis un bon moment, et c’est la question des abus dans les pensionnats. Ma mère était prise dans ce système pendant des années et j’ai été témoin de l’impact que ça a eu sur sa vie. Je veux raconter son histoire. Puis il y a la question des femmes autochtones disparues ou assassinées. Je sens que je dois écrire là-dessus. »

Musicalement, Midnight Shine propose un rock mélodique et légèrement « trad », mais Sutherland nous explique qu’il souhaite désormais inclure plus de sonorités des Premières Nations. « Je me tourne vers les autres artistes de la région de la Baie-James pour m’aider à donner vie à la musique », poursuit l’artiste.

« Avant, on n’ajoutait pas d’enjolivures culturelles dans notre musique, mais les choses changent. Je songe à inclure des percussions traditionnelles sur notre nouvel album, et je travaille également sur des chansons écrites en langue crie. C’est pas mal plus dur que d’écrire en anglais?! »

Depuis la formation de Midnight Shine, quelques artistes autochtones canadiens tels que Tanya Tagaq et A Tribe Called Red ont eu un impact immense au pays et ailleurs dans le monde. Sutherland ne cache pas qu’il s’est inspiré d’eux, ainsi que du récent projet de Gord Downie, Secret Path. « Gord est incroyablement courageux et son travail actuel est phénoménal », affirme Sutherland.

Il en va de même pour Midnight Shine, dont le succès est une source d’inspiration pour d’autres membres de la communauté d’Attawapiskat. La communauté a été au centre de beaucoup d’attention médiatique négative depuis quelques années, mais comme le rappelle Adrian Sutherland, « il y a de bonnes nouvelles qui proviennent d’Attawapiskat. J’espère que nous serons une de celles-là. »

« Je crois que nous inspirons les plus jeunes. C’est dur pour eux de réaliser qu’il y a un groupe de musique qui habite leur communauté et qu’ils peuvent nous parler. Ce n’est pas une chose à laquelle ils sont habitués. Nous prenons grand soin, en tant que groupe, de nous assurer de visiter toutes ces communautés pour y donner des spectacles. C’est notre devoir d’inspirer ces jeunes et de ne pas oublier nos racines. »



Les anges gardiens prennent parfois des formes inattendues.

Pour l’auteur-compositeur-interprète calgarien JJ Shiplett, qui a passé les 12 dernières années de sa vie à traîner ses pénates dans le circuit des bars, son chérubin est arrivé en la personne de Johnny Reid, l’auteur-compositeur-interprète maintes fois certifié platine et qui joue à guichets fermés dans les arénas du pays.

Après avoir entendu Shiplett chanter les harmonies sur quelques chansons de Joni Delaurier, Reid lui a passé un coup de fil.

« Au début, j’ai été surpris par la voix de JJ », admet ce dernier. Deux jours plus tard, Shiplett était à Nashville et la paire commençait à travailler sur Something to Believe In, un album qui paraîtra en janvier 2017. Peu de temps après son enregistrement, Reid a invité Shiplett à partir en tournée avec lui afin d’assurer ses premières parties et plus de lui offrir un contrat de gérance auprès de son entreprise, Halo Entertainment. Dans la foulée de ce contrat, des ententes avec Warner Music Canada et eOne Music Publishing ont été conclues, et Paquin Entertainment est devenu son agence de spectacles.

« Je crois sincèrement que l’écriture de chansons doit unir les gens et les frapper en plein cœur. »

« J’ai encore beaucoup de chemin à parcourir, mais j’ai l’impression de rattraper le temps perdu, en ce moment, tu vois?? », nous dit-il depuis sa demeure de Calgary. « Je ne crois pas que je changerais quoi que ce soit, parce que c’est ce qui fait que je suis l’auteur-compositeur-interprète que je suis. Je n’ai aucun regret, et je suis heureux d’aller de l’avant. »

Autant Shiplett a impressionné Reid grâce à sa voix de ténor éraillée, autant l’artiste l’a éventuellement impressionné par son talent d’auteur-compositeur, grâce à des pièces telles que « Darling, Let’s Go Out Tonight » et « Something to Believe In ».

« J’ai bâti ma carrière autour de chansons qui parlent de dévouement, de dévotion, d’admiration : c’est qui je suis », affirme Reid. « Lorsque j’ai entendu “Something to Believe In”, je me suis dit que c’est ce genre de chanson dont les gens ont besoin. Elle m’a tout de suite attiré. Il m’en a fait une version acoustique, et je pouvais entendre où j’amènerais cette chanson, avec une chorale. La toute première chanson que j’ai entendue était “Darling, Let’s Go Out Tonight”. J’en suis devenu fan sur-le-champ. Il écrit dans un style que je n’ai pas, il est très abstrait, comparativement à moi. »

Mais au-delà de la progression fulgurante de sa carrière, l’écriture de Shiplett n’a pas changé. « Ce que je fais, d’habitude, c’est d’écrire une chanson jusqu’à un certain point », explique le multi-instrumentiste dont le talent musical a été encouragé par ses parents. « Ce point, c’est lorsque j’ai une bonne ébauche de sa structure et de ses arrangements. Mais pour moi, la création de chansons n’est pas une chose sacrée. J’ai quelques amis avec qui je travaille depuis des années et je leur présente cette ébauche et je leur dis “Voici un squelette, tu peux m’aider à mettre un peu de viande autour de l’os??” »

« C’est une façon de faire qui me convient, car la création musicale peut parfois être laborieuse. Je ne suis pas le genre de type qui peut pondre 10 chansons par jour. Je vais répéter les mêmes deux phrases dans mon esprit sans arrêt, pendant des mois, jusqu’à ce qu’autre chose me vienne. »

En matière d’environnement de création idéal, Shiplett avoue : « Mon environnement est très important pour moi. Je n’aime pas créer assis, je dois être debout. Si je suis chez moi, dans mon salon, je ferme tous les rideaux, j’attrape ma guitare sèche, et je commence à chanter. Je permets à mon instinct, à mes tripes, de prendre le contrôle. C’est comme ça que je tombe sur quelque chose et que je me dis “Voilà une idée sur laquelle je reviendrai”. »

Une fois cela fait, il enregistre ces idées sur un iPhone ou un iPad puis, tous les six mois, environ, il passe ces idées en revue, les combinant, au besoin, si la chanson finale le demande. « C’est à ce moment que je fais un jugement final », poursuit l’artiste. « Je me donne suffisamment de temps pour y réfléchir, pour me dire, ouaip, ça c’est une idée que je veux développer, ou abandonner. »

Shiplett préfère également écrire des chansons comme « Something to Believe In » ­ — créée il y a 5 ou six ans — pour ensuite établir une connexion.

« Ce qui compte le plus pour moi, c’est que je crois sincèrement que l’écriture de chansons doit unir les gens et les frapper en plein cœur », dit-il. « Je veux que les gens se souviennent de moi comme un auteur-compositeur qui frappe les gens en plein cœur assez solidement, avec honnêteté et vérité. C’est vraiment très important pour moi — je veux que les gens ressentent quelque chose. »