Words & Music s’est entretenu avec l’auteur-compositeur-interprète reggae émergent et membre SOCAN King Cruff (alias Solomon Marley-Spence) quelques jours après que l’artiste de 26 ans ait présenté son premier spectacle comme tête d’affiche au Drake Underground où il a mis le feu à la baraque avec un talent renversant et une énergie débordante.

King Cruff, Skip Marley, Jack's Hill Dreamers, video

Cliquez sur l’image pour démarrer le vidéoclip de la chanson Jack’s Hill Dreamers (featuring Skip Marley) » de King Cruff

King Cruff a passé beaucoup de temps sur scène depuis quelques années, que ce soit au Canada, aux États-Unis ou en Jamaïque dans le cadre d’événements culturels comme le Tuff Gong Takeover à New York, le festival Caribana de Toronto, School Night, une tournée avec DillanPonders ainsi que lors de la première de Bob Marley One Love Experience à L.A. et Toronto. Sa première prestation au History de Toronto était à guichets fermés alors qu’il assurait la première partie de Damian et Stephen Marley dans le cadre de la tournée Traffic Jam Tour. En Jamaïque, il a partagé la scène avec Buju Banton et Lauryn Hill et il a été sacré Artiste Reggae/Afro Beats de l’année lors des Essence and Culture Awards 2023-2024 de London, en Ontario, où il habite. Il cumule plus de 300 000 écoutes sur Spotify et plus de 1,5 million de visionnements sur YouTube.

La musique de Cruff est une forme de reggae à la fine pointe et dans l’air du temps qui amalgame habilement de dancehall, le « toasting », le rap, le R&B et la musique électronique grâce à une production hors pair comme on peut l’entendre sur son premier EP paru fin 2024 intitulé WHAT HAVE I’DON. La douce mélopée, le rythme saccadé et les chants envoûtants de « Shedoeneed » en font un vrai petit bijou. La production du « banger » Easy! propose une palette sonore minimaliste et compacte qui sert d’écrin aux voix. Ailleurs, comme sur Jack’s Hill Dreamers (avec Skip Marley), Cruff nous raconte son ambition et sa détermination tandis que Rita’s Revenge fait preuve d’un intense engagement et Toronto Condo Girls est une invitante pièce empreinte de romantisme. Tout ça mis ensemble nous donne un irrésistible bouquet de pièces parfaites pour danser et le fait que Cruff soit le petit-fils de Bob et Rita Marley n’a au final aucune importance. Le mini-album a beau ne compter que six pièces totalisant 15 minutes, ce sont des minutes inoubliables.

Mais d’où vient donc ce mélange d’influences dont fait preuve King Cruff? « Ç’a toujours été mon but en tant que musicien », dit-il. « Et pas juste quand je fais du reggae, mais en général. J’aimais tous ces genres quand j’étais plus jeune. J’aime le rap, j’aime le disco, j’aime le funk et la musique électronique, le rock aussi… Mais à la base de toute la musique au son duquel j’ai grandi, il y a évidemment le reggae. »

Jack’s Hill Dreamers contient une phrase où Cruff raconte avoir vu son visage dans les pages du quotidien The Gleaner, en Jamaïque. « C’est arrivé à quelques reprises, en fait », explique l’artiste. « C’est de ça que Jack’s Hill Dreamers parle, ces moments de l’enfance où tu souhaites certaines choses et elles finissent par se produire. Même la musique de ce morceau a été produite par Illmind et Don Mills et je trippais sur les “beats” des Illmind quand j’étais petit, alors tout ça boucle une boucle. »

Parmi les autres producteurs qui ont collaboré à la création de WHAT HAVE I’DON, on retrouve le duo montréalais au succès international Banx & Ranx qui a coécrit la pièce « Easy! » avec brio. « Tout le mérite revient à Banx & Ranx, parce que c’est eux qui ont donné vie à cette chanson », affirme Cruff. « Normalement quand on travaille ensemble, c’est très pop. Ce jour-là, je suis allé les voir et j’ai dit “Les gars, je pense qu’il faut changer de style, il faut faire quelque chose de plus agressif, on n’a jamais essayé ça encore…” Notre relation professionnelle a commencé par une séance organisée par la maison de disques, mais au fil du temps on s’est rendu compte qu’on avait vraiment une bonne chimie et on a décidé de continuer à collaborer. »

King Cruff, Banx & Ranx, Easy!, video

Cliquez sur l’image pour démarrer le vidéoclip de la chanson Easy! par King Cruff et Banx & Ranx sur YouTube

Sur Shedoeneed, Cruff rend hommage aux femmes indépendantes, ce qui est assez rare dans le reggae old-school. « Je voulais faire un morceau que les femmes pourraient s’approprier », dit-il. « J’ai grandi entouré de femmes fortes. Dans la famille Marley, c’était majoritairement les femmes qui s’occupaient du côté “business” des choses. J’ai grandi avec de l’admiration pour ça et j’ai encore le plus grand respect pour elles. »

Et tant qu’à parler des femmes de sa famille, Rita’s Revenge porte le nom de sa grand-mère musicienne – femme de Bob Marley – et on y entend le mot « harambe », qui signifie « tous ensemble » en swahili et qui est la devise du Kenya. C’est aussi le nom d’un tristement célèbre gorille.

« Harambe est une des chansons de grand-maman Rita », explique-t-il. « En fait, c’est de là que vient le nom du gorille! » lance-t-il en riant. Sans oublier le « shout out » à « King Street! » qui a également une histoire semblable : « Tout ce refrain est une interpolation de la chanson King Street de grand-maman. Partout sur l’album je cite ma grand-mère. Il y a eu un moment durant le “show” au Drake Underground où j’ai réalisé que la foule chantait une chanson dont ma grand-mère avait écrit les paroles. J’ai ressenti une grande fierté d’être sur scène et de faire revivre ses textes. C’est un vraiment bon “feeling”. »