Encore peu connu l’an dernier, lucatheproducer flirte depuis plusieurs semaines avec les plus hauts sommets des palmarès radio franco et anglo québécois, respectivement avec les chansons Fake Friends (coécrite avec Billie Du Page et BAYLA) et Take Me Away (My Love) (de Mike Demero et Zagata). Humble, le producteur montréalais attribue cet impressionnant succès à la somme des rencontres professionnelles et humaines qu’il a faites depuis ses débuts, il y a plus d’une décennie.

lucatheproducer« Ça a été un slow build, mais là, ça a explosé », constate Lucas Liberatore alias lucatheproducer, le sourire dans la voix. « Pour ne pas se décourager, les gens en général disent ‘’keep your head up’’, mais moi j’ai toujours gardé la mentalité ‘’keep your head down’’. Ça, ça veut dire que, peu importe ce qui t’arrive, reste concentré sur ce que tu fais, continue à travailler et sois pas arrogant. »

Cette mentalité de travailleur acharné a permis à l’artiste de construire sa signature musicale. Sa pop aux fortes influences de house et de dance est méticuleusement orchestrée à travers un accrocheur mélange d’éléments synthétiques et organiques, fruit d’une grande polyvalence musicale. En plus de prendre les rênes de la réalisation et de l’enregistrement de la plupart des chansons qui lui sont confiées, l’artiste de 34 ans joue de la guitare, de la batterie, de la basse et du piano.

C’est d’abord pour impressionner les filles de son école secondaire que Lucas Liberatore a appris à jouer de la guitare. Le jeune ado, fan de Blink-182, Slipknot et System of a Down, a ensuite pris la musique plus au sérieux, en étudiant le jazz et l’enregistrement audio au cégep.

À la sortie de ses études, il gagne sa vie comme technicien de son pour différents bars-spectacles de la métropole comme la Maison du Jazz et le bar Piranha. Le rock et le métal restent ses musiques de prédilection, mais un amour de plus en plus marqué pour le R&B et l’électro commence à prendre le dessus. Le Britannique James Blake est l’un des vecteurs de cette transformation. « En écoutant son premier album (James Blake, 2011), j’ai tripé ma vie. Ce gars-là s’en fout des règles, il fait de la prod comme il le veut. J’aime le fait qu’il enregistre des sons bizarres – que la plupart des gens n’auraient jamais inclus dans leurs chansons – et qu’il les assume.»

Abreuvé de R&B depuis l’enfance (il a grandi sur la musique de Barry White, Marvin Gaye et Al Green entre autres), Liberatore se met peu après à décortiquer la pop américaine. « Quand j’ai commencé à creuser là-dedans, j’ai réalisé que la pop pouvait frapper aussi fort que le métal dans la production. »

En 2015, Liberatore fait la rencontre du musicien et producteur Jesse Jaeo Tolbert, qui lui propose de partager son local aux Planet Studios, illustre lieu de l’écosystème musical montréalais qui a, parmi sa très longue liste de clients, des noms aussi variés que Prince, Mika et Daniel Bélanger. « Je lui ai dit que je commençais comme producteur et que j’étais pas vraiment bon. Il m’a donné son avis sur mon travail et m’a aidé [à parfaire mes aptitudes] au mixage […] Après ça, à partir de 2017, j’ai partagé mon local là-bas avec Jay Lefebvre (auteur, compositeur et réalisateur de longue date), qui a carrément lancé ma carrière. C’est LA personne qui a cru en moi au début. Il entendait de quoi dans mes prods que personne d’autre n’entendait. Il était persuadé que j’allais aller loin. Il m’a donc mis en contact avec plein d’artistes de tous les genres. J’étais pas le meilleur, mais je travaillais très fort pour que toutes mes prods sonnent bien. »

Sa signature prend également un nouvel élan aux côtés de Serene, autrice-interprète et coordonnatrice aux Planet Studios. Entre 2019 et 2021, les deux artistes travaillent trois jours par semaine de manière intense sur des chansons, sans avoir de contrats lucratifs. « C’était comme un bootcamp, de 10 heures jusqu’à 5 heures le soir. Non-stop, en se poussant constamment au maximum. Y’a beaucoup de tounes qu’on faisait qui étaient kitsch, mais on se donnait comme mission de toujours les finir. Ça a fini par attirer l’attention d’un gros producteur américain, Mally Mall, qui a travaillé avec plein de monde comme Justin Bieber. Il nous a offert de rester chez lui, dans sa grosse mansion, pour composer plein de tounes […] Il a beaucoup aimé notre travail et il voulait nous revoir. Mais la pandémie est arrivée, donc on n’a pas pu aller le rejoindre. Après ça, on a perdu contact… »

Malgré son mental d’acier, Lucas Libertore n’a pas vécu toutes ces années en montagnes russes de manière aussi détendue qu’il le laisse croire. « J’ai eu beaucoup de hard times, c’est sûr… » admet-il. « J’ai parfois eu des doutes, mais au fond de moi, je savais que j’avais pas d’autres options. Je suis pas bon avec les chiffres. Ma seule force, c’est la musique. Si ça marche pas : What am I gonna do? »

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Cliquez sur l’image pour démarrer une vidéo de lucatheproducer et Marie-Mai travaillant sur la chanson Noir sur noir

C’est grâce à sa rencontre impromptue avec Marie-Mai, lors d’un passage aux Planet Studios, que son destin commence à se dessiner. « Elle était en train de se maquiller. Je la regarde et je dis ‘’what’s up?’’, sans même m’introduire. Un autre jour, elle revient au studio, et Serene me la présente. Marie-Mai me regarde, en me disant : ‘’On s’est déjà rencontrés, non ?’’ Je lui fake une grosse affaire, en lui disant qu’on s’est déjà parlé », raconte Liberatore, en riant. « Elle me dit qu’elle a entendu mon travail avec Lili-Ann de Francesco et May Wells, et qu’on devrait travailler ensemble. On se donne pas de nouvelles pendant un bout – pas même un DM sur Insta – pis, un jour, je suis en train de magasiner une maison avec ma copine. On est déprimés, on trouve rien… Et bang ! Je regarde mon phone et j’avais un message de Marie-Mai ! Elle voulait qu’on se rencontre pour une session. »

Liberatore accompagne Marie-Mai pendant six mois dans la création de son album Sept à titre de compositeur et réalisateur. Une autre expérience enrichissante : « Quand elle écrit, elle a aucun blocage, y’a jamais une session durant laquelle on travaille pas. Des fois, c’est moi qui bloquais, j’étais trop dans ma tête, et elle me rassurait. »

Après avoir travaillé avec la pop-star québécoise la plus emblématique de sa génération et avoir atteint le sommet des palmarès de la province avec deux chansons, lucatheproducer a des visées internationales. Il partira sous peu pour un séjour au Royaume-Uni afin de travailler avec différents artistes et auteurs-compositeurs.

Le nouveau roi des palmarès pourra bientôt se permettre de lever la tête, juste un peu, vers le ciel.