Kevin Lau a grandi à Ottawa dans une maisonnée où la musique était omniprésente et il a commencé à jouer du piano dès l’enfance. Ce sont toutefois les bandes-son de films qui ont déclenché la passion musicale du compositeur. « C’était mon premier contact avec de la musique utilisant des instruments classiques et écrite par des gens encore vivants », confie-t-il. « Je me souviens avoir vu Jurassic Park quand j’avais 13 ans et à quel point j’ai été renversé par les sonorités orchestrales qui me submergeaient. »

Kevin Lau, Infinite Reaches

Cliquez sur l’image pour démarrer la vidéo de la composition The Infinite Reaches de Kevin Lau, interprétée par l’orchestre du Centre national des Arts, sur YouTube

Ainsi inspiré, il a étudié la composition à l’Université de Toronto et s’est plongé dans la musique contemporaine. Ces influences ont informé son répertoire merveilleusement éclectique et prolifique où l’on retrouve des œuvres pour petits et grands ensembles, mais aussi pour des ballets, des opéras, des films et même un livre.

Kevin Lau avait l’habitude de composer au piano, mais son processus de création a évolué. « J’ai commencé à trouver que le piano me limitait à mesure que je devenais graduellement plus un compositeur qu’un interprète, parce qu’avec le piano vient naturellement une certaine qualité pianistique qui n’est optimale pour aucun autre instrument », explique le musicien. « Ça été tout un défi de me débarrasser de cette habitude et d’entendre l’orchestre dans ma tête, un peu comme retire le filet de sécurité pour plonger dans de nouvelles sonorités. J’allais dans un café et j’essayais de transcrire ce que j’entendais et une fois que j’avais une bonne idée où ça s’en allait, je m’installais à l’ordi pour créer tout ça. Je ne commencerais jamais un morceau de musique sans cette période d’incubation. »

Bien entendu, collaborer sur une trame sonore est un peu plus compliqué. « Tout est une question de “timing” avec le cinéma », dit-il. « C’est pas facile de créer une atmosphère qui dure 27 secondes et qui fait ressortir l’émotion que le réalisateur cherche à exprimer. Tu travailles avec des gens qui ont leur vision de ce que la musique devrait être, alors ça prend un certain degré de confiance. »

Quant à la musique de ballet, elle implique un autre aspect du « timing ». « L’aspect de la danse a un élément rythmique qui te permet de penser en fonction du tempo et du rythme d’une manière que les autres musiques ne permettent pas », dit Kevin Lau. « C’est très expressif même si c’est non verbal. L’intersection entre le mouvement physique et le mouvement musical est intéressante et travailler avec un chorégraphe qui est sensible à cette intersection peut être très valorisant. »

Il va sans dire qu’écrire la musique pour un livre a fait appel à une autre compétence. The Nightingale, inspirée d’un conte de Hans Christian Andersen, a commencé par être une œuvre pour violon, clarinette, piano et narrateur commandée par le River Oaks Chamber Orchestra de Houston. « Ç’a commencé tout petit et ç’a évolué sans cesse vers d’autres dimensions », raconte Lau. « Scott St. John, le premier violon de l’orchestre, et moi avions eu l’idée d’adapter un conte qui ne l’a pas été par Disney+ et c’est une histoire articulée autour de la musique qui se déroule dans l’antiquité en Chine. »

L’orchestre a ensuite commandé des illustrations qui seraient projetées durant le spectacle et Lau, qui se dit « très intéressé » par l’écriture de fiction, les a incorporées au texte original dans un livre de conte contenant les codes QR afin que les gens puissent écouter la musique tout en lisant. « La composition s’est bien passée et c’était amusant de condenser l’histoire pour en faire une narration », explique l’artiste. « J’ai eu la chance de travailler avec des collaborateurs débordants d’imagination. »

« Ça été tout un défi d’entendre l’orchestre dans ma tête »

Certaines œuvres de M. Lau, comme Kimiko’s Pearl, un ballet sur l’internement des Canadiens d’origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale, et The Spirit Horse Returns, un concert orchestral réunissant des artistes et des conteurs autochtones, abordent des histoires qui ne sont pas les siennes, mais ces collaborations sont une source d’inspiration.

« Une partie du cœur, de l’âme et de l’authenticité de la collaboration vient du désir d’être à l’écoute et de se placer dans une perspective de l’histoire que tu ne connaissais pas encore », poursuit-il. « C’est de ça que ces histoires parlent. Elles ne sont pas créées pour être digérées uniquement par une communauté donnée, elles veulent faire partie de l’expérience humaine au sens le plus universel. »

« J’ai eu des conversations fascinantes avec les créateurs de l’histoire de Kimiko’s Pearl qui sont des descendants de survivants de ces internements », confie-t-il. « L’œuvre ne contient pas un seul mot, et pourtant elle raconte l’histoire profondément personnelle d’individus qui ont vécu cette période incroyablement difficile. J’ai approché la musique d’une façon qui permet aux personnes impliquées de commencer à guérir. »

Kevin Lau, Nightingale

Cliquez sur l’image pour démarrer la vidéo de la composition The Nightingale de Kevin Lau, interprétée par le River Oaks Chamber Orchestra, sur YouTube

Les œuvres récentes de Lau comprennent une suite symphonique basée sur Kimiko’s Pearl pour l’Orchestre symphonique de Toronto et Across the Jade Sea, un concerto pour violon et narrateur avec une histoire originale de Lau inspirée par la mythologie chinoise. Il a écrit ce texte pendant une période de grand stress alors que son garçon encore nourrisson se remettait d’une greffe de foie.

« C’est une fable où un petit garçon part à l’aventure dans le but de sauver son village et je l’imaginais comme une représentation de mon fils qui devait traverser l’épreuve d’une transplantation », confie Lau. « Ç’a été très facile à écrire, peut-être parce que ce qu’on vivait nous débarrassait de certains complexes associés au processus créatif. »

Que ce soit de la musique ou de la fiction, raconter une histoire est au cœur du travail de Kevi Lau. « L’histoire et la musique se développent au fil du temps, c’est un périple », explique-t-il. « Une expérience musicale profonde nous transforme au fil du temps et a un effet émotionnel, comme les histoires, et je m’intéresse aux mondes qu’elles évoquent. »