En tant que compositrice de musique à l’image, Janal Bechthold a l’habitude d’adapter son talent considérable aux besoins uniques de chaque production pour le cinéma, la télévision et les jeux vidéo pour lesquels elle compose. Et ces productions sont vraiment différentes, puisqu’elles vont de long métrage d’horreur aux séries web animées pour enfants, en passant par une multitude de documentaires et de jeux. Son plus récent projet, cependant, a représenté un tout nouveau défi.

The Choice est une série documentaire sur la santé reproductive des femmes réalisée par Joanne Popinska et le producteur Tom C. Hall. Ils utilisent le format de la réalité virtuelle. Ainsi, au lieu de regarder le film dans une salle de cinéma ou sur un ordinateur portable, les spectateurs portent un casque qui semble les plonger au cœur de l’action, créant ainsi une manière plus immédiate et plus intense de vivre les images et la musique.

« Regarder un documentaire en réalité virtuelle est très différent », explique Bechthold, « et la musique s’y intègre différemment. Joanne et Tom ont créé une nouvelle technologie pour la captation de leurs entrevues et on dirait vraiment que la personne est assise devant vous. Ça crée une expérience très intime et je ne voulais pas que la musique soit trop forte, imposante ou manipulatrice. C’est une chose à laquelle j’ai vraiment dû faire attention. Mon rôle était de donner le ton et de guider le spectateur à travers cette expérience. »

Mais malgré ça, Bechthold affirme que le processus est très semblable pour chaque projet. « Il y a toujours une étape où j’échange avec le créateur pour bien comprendre l’histoire, trouver le bon ton et la bonne palette d’outils musicaux », explique la compositrice. « Je dois choisir l’instrument ou le langage musical adéquat. »

« L’une des choses que j’aime dans les projets interactifs, c’est que je suis impliquée plus tôt et que j’ai plus d’occasions d’influencer l’expérience finale », ajoute-t-elle. « Pour The Choice, nous avons fait une séance de repérage au cours de laquelle la réalisatrice et le compositeur s’assoient ensemble et parcourent tout le film pour déterminer où la musique va aller et ce qu’elle va exprimer. Dans ce cas-ci, ce que je faisais devait bien fonctionner avec la conception sonore, et le fait que l’équipe communique était important pour s’assurer que nous nous soutenions mutuellement. »

« On a encore beaucoup de chemin à parcourir, mais je pense qu’il y a quand même plus d’opportunités aujourd’hui qu’il y a cinq ans »

Le style musical de Janal Bechthold échappe à toute catégorisation ; elle a recours à des genres musicaux et des instruments radicalement différents pour chaque projet et cette impressionnante polyvalence s’explique en partie par sa formation musicale. Elle a grandi en Saskatchewan où elle jouait de la pop des années 50 et 60, de la polka, du tango et des musiques latines à l’orgue électrique avant de s’intéresser au classique et au jazz. Elle jouait de la flûte dans la fanfare de son école secondaire et elle a brièvement été membre d’un groupe rock puis elle a fait des études en musicothérapie à la Wilfrid Laurier University.

« Ce n’est qu’après mes études universitaires que j’ai sérieusement envisagé la composition à l’image », dit-elle. « J’avais pris quelques cours de composition et ça m’a réellement ouvert les yeux sur la nature de la musique et comment on la définit, mais je ne voyais pas comment quelqu’un pourrait gagner sa vie avec ça. J’étudiais la musicothérapie et pour moi tout était axé sur la musique et l’émotion et comment la musique peut être un outil de communication. Ça semblait donc naturel de bifurquer vers des histoires racontées à l’aide de la musique. »

Elle souligne que les instruments peuvent déclencher des émotions en raison des expériences musicales collectives que nous avons vécues avec eux. « C’est souvent difficile d’entendre un basson sans penser à la scène de l’apprenti sorcier dans Fantasia ou un violon funèbre sans ressentir de la tristesse », dit-elle. « Bien que je sois une organiste, je l’utilise rarement parce qu’il y a plein de connotations qui s’y rattachent, que ce soit la religion ou le hockey. Mais j’aime trouver de nouvelles façons d’explorer comment certains instruments créent des sons ou de nouvelles façons de présenter ces sons. »

La musique de Bechthold a été diffusée par des réseaux et des festivals du monde entier et elle a été finaliste pour trois Canadian Screen Awards en 2021. Sa musique est majoritairement autoéditée et elle croit qu’un bref passage comme employée de la SOCAN lui a appris à naviguer dans le système. « Grâce à mon emploi à la SOCAN, je sais beaucoup de choses sur le droit d’auteur dans le domaine de la musique », affirme-t-elle. « Si vous conservez vos droits, tout est une question de vous assurer que vous êtes payé pour chaque diffusion. »

En tant que membre du Conseil de la Guilde des compositeurs canadiens de musique à l’image et présidente du Women Composers Advisory Council, Mme Bechthold s’efforce également de promouvoir l’égalité des sexes dans son domaine, où les femmes sont encore loin derrière les hommes.

« On a encore beaucoup de chemin à parcourir, mais je pense qu’il y a quand même plus d’opportunités aujourd’hui qu’il y a cinq ans », croit-elle. « Je suis vraiment contente que toutes les nominations dans la catégorie meilleure musique originale non-fiction aux Canadian Screen Awards soient allées à des femmes. C’est génial, surtout après le rapport de recherche que j’ai dirigé en 2018 et qui a démontré que les femmes n’obtenaient que cinq pour cent des opportunités financées par le secteur public. Il y a encore beaucoup de chemin à faire. C’est la deuxième année de suite où il n’y a aucune femme dans la catégorie meilleure musique originale pour un film d’animation. Je n’ai aucune idée pourquoi, mais espérons que nous y verrons des femmes l’an prochain. Tout est une question d’avoir accès à des opportunités et créer une communauté. »

The Choice sera présenté en première Nord-Américaine le 13 mars au festival SXSW à Austin, au Texas.