Devenez un « nerd » de l’informatique et perdez tous vous amis.

Voilà le meilleur conseil que Konrad OldMoney a à offrir à quiconque souhaite composer pour les jeux vidéo.

Ça n’est certes pas un conseil des plus réjouissants, mais c’est néanmoins la clé du succès de OldMoney. À ce jour, il a composé les musiques de jeux immensément populaires tels FIFA 17, l’un des jeux qui se sont le plus rapidement écoulés de l’histoire au Royaume-Uni, Fight Night Champion, qui a trôné au sommet des palmarès de ventes, toujours au Royaume-Uni, et SSX Deadly Descents, une franchise qui, en 2012, était au cinquième rang des meilleurs vendeurs aux États-Unis. Tout cela via EA Sports, une division de la maison de production de jeux vidéo Electronic Arts.

« Après avoir passé des années à jouer à ces jeux en mangeant le combo numéro 6 de Church’s Chicken avec la sauce à part, j’ai fait la rencontre de Ricardo Almeida [le directeur musical d’EA Sports] et de Freddy Ouano [un designer et producteur de jeux].

Ce sont des fans de dancehall, que je composais beaucoup à l’époque, et ils m’ont donné la chance de produire la musique pour SSX Deadly Descents », raconte-t-il.

OldMoney affirme que travailler avec la vision d’Almeida et Ouano lui a permis de se concentrer très précisément sur le genre de musique qu’il devait composer et pour quel type de joueur. « Lorsque vous vous donnez la peine de faire des recherches sur votre auditoire cible et que vous composez de la musique authentique qui s’harmonise à leurs goûts, c’est très payant », explique-t-il.

Entendre OldMoney décortiquer son processus de création est extrêmement révélateur pour quiconque n’a jamais joué à un jeu vidéo. Les commentateurs dans un jeu comme FIFA 17 parlent — « et ils parlent en fonction du fait que vous perdez ou que vous gagnez » —, il faut donc « créer de la musique qui leur laisse de la place tout en mettant un peu de pression sur un joueur qui tire de l’arrière par quelques points alors que la partie tire à sa fin. »

« Lorsque vous vous donnez la peine de faire des recherches sur votre auditoire cible et que vous composez de la musique authentique qui s’harmonise à leurs goûts, c’est très payant. »

Entendre OldMoney décortiquer son processus de création est extrêmement révélateur pour quiconque n’a jamais joué à un jeu vidéo. Les commentateurs dans un jeu comme FIFA 17 parlent — « et ils parlent en fonction du fait que vous perdez ou que vous gagnez » —, il faut donc « créer de la musique qui leur laisse de la place tout en mettant un peu de pression sur un joueur qui tire de l’arrière par quelques points alors que la partie tire à sa fin. »

« Comment crée-t-on ce genre de réponse émotive sans reléguer les commentateurs à l’arrière-plan ? », demande-t-il, anticipant déjà la question. « Pour un truc comme ça, je me débarrasserais des percussions qui sont trop distrayantes et j’utiliserais plutôt un arpégiateur au synthé pour marquer le temps qui passe. Accélère tout d’environ 15 bpm (beats per minute) durant le clip de 30 secondes afin d’accentuer encore plus le sentiment d’urgence. »

OldMoney dit que pour créer de la musique pour les jeux, il faut tenir compte de qui y joue et des sonorités qui résonnent bien avec ces personnes

OldMoney, de son vrai nom Konrad Abramowicz, est arrivé au Canada de sa Pologne natale lorsqu’il avait 10 ans. Quitter l’un des pays les plus homogènes au monde pour s’installer dans la très culturellement diversifiée contrée lointaine qu’est le Canada a été une expérience enrichissante, mais c’est surtout le fait d’être mis en contact avec différentes sonorités qui a été le plus excitant pour lui.

Outre ses explorations dans le domaine du dancehall et du hip-hop, OldMoney a également collaboré avec plusieurs artistes très en vue dans divers styles musicaux en Asie. Cette liste inclut notamment les superstars coréennes du hip-hop Tiger JK et Yoon Mirae. Il collabore également avec Dawid Kwiatkowski, qu’il surnomme « le Justin Bieber polonais ». Je demande à Konrad si c’est difficile pour un producteur canadien d’approcher des artistes internationaux pour les convaincre de travailler avec lui. « Réseauter et collaborer sont des éléments clés de l’industrie de la musique, et à notre époque de producteurs de chambre à coucher, c’est facile de les négliger. »

Il y a huit ans, OldMoney a produit une chanson pour son ancien groupe, Smokey Robotic. La pièce a capté l’attention de deux vedettes coréennes, et il a commencé à collaborer avec elles. Et il leur retourne la faveur en les aidant à avoir plus de visibilité en Amérique du Nord. Son nouveau simple — Undefeated, que l’on peut entendre sur la bande-son officielle de UFC3 aux côtés d’artistes comme Cardi B, Snoop Dogg et Future — met en vedette le rappeur coréen Junoflo. « C’est chouette d’ouvrir un nouveau marché à une artiste qui m’a rendu le même service », confie-t-il.

TROIS CONSEILS OLDMONEY POUR LES COMPOSITEURS QUI SOUHAITENT TRAVAILLER DANS LE DOMAINE DES JEUX

  • Concentrez-vous sur ce qui vous démarque des autres producteurs. Pourquoi une franchise de jeux devrait-elle vous choisir plutôt qu’un autre des milliers de candidats ?
  • Soyez prêts pour une tonne de changements de dernière minute lorsqu’on vous assigne un projet.
  • Soyez attentifs à qui fait quoi dans l’industrie et tentez d’entrer en contact avec eux. Un bon point de départ est de parler avec des maisons d’édition et des propriétaires de bibliothèques audio afin de les convaincre de représenter votre catalogue.

Il n’a par ailleurs aucune difficulté à expliquer la différence entre composer pour des jeux ou pour d’autres artistes. « Un projet de jeu est généralement déjà très étoffé lorsqu’il atterrit sur mon bureau », explique-t-il. « Il y a des centaines de chansons, de clips et des milliers d’effets sonores à prendre en considération. La valeur que j’apporte aux jeux vient du fait que je suis capable de comprendre et de livrer exactement ce que le producteur et le directeur musical souhaitent. Les artistes, quant à eux, viennent vers moi parce qu’ils sont à la recherche de quelque chose sur laquelle ils n’arrivent pas à mettre le doigt, et nous partons de ça. »

La réputation de Konrad OldMoney ne cesse de grossir et plusieurs grandes entreprises du jeu vidéo dont il n’a pas le droit de dire le nom font appel à ses services. Selon lui, il doit cette demande au fait qu’il est fiable, qu’il livre à temps et sans faille un produit de qualité, ainsi qu’à son souci du détail. Dans un article paru l’an dernier dans le magazine Forbes, OldMoney confiait que ses clients lui demandent « le son Konrad ».

Voici comment il décrit ce son : « Une bonne tasse de café dispendieux avec un soupçon de Jameson dès le saut du lit », dit-il à la boutade avant de reprendre son sérieux. J’ai de solides bases en hip-hop, cette syncope dans le « beat » qui donne irrésistiblement envie de bouger la tête. C’est ce que j’adore le plus ajouter à ma musique, peu importe le genre. »