Sous-éditeurs : BMG Rights Management Canada, Universal Music Publishing Canada

En tant que première artiste issue du monde du hip-hop canadien à obtenir un contrat de disques aux États-Unis, l’histoire de Michie Mee est aussi emblématique de ce monde que de notre pays lui-même.

Née à Saint Andrew Parish, en Jamaïque, dans les années 70, sa famille déménage au Canada lorsqu’elle a 6 ans, et elle a passé le début de son adolescence dans le quartier torontois Jane and Finch, tout en rendant visite à sa tante dans le Bronx, à New York. Ses expériences et son attitude typiquement canadiennes — sans parler de son accent —, ainsi que son talent de calibre mondial pour le « battle rap » attirent rapidement l’attention des plus grands noms du hip-hop comme KRS-One, qui a dit ceci à son sujet : « c’est la plus importante des intellectuelles de l’industrie du rap au Canada et une percée majeure pour les rappeuses partout dans le monde. »

C’est en 1991 que le Canada fait connaissance avec Michie Mee et son premier album intitulé Jamaican Funk – Canadian Style, (First Priority/Atlantic) d’où a été tiré le succès du même nom qui a été mis en nomination pour le prix JUNO du meilleur enregistrement rap. Bien qu’aujourd’hui, le rap canadien à saveur caribéenne (p. ex. « One Dance » de Drake) domine le monde, la jeune « Jamaïcaine en charge » demeure la Première Dame du hip-hop canadien et elle poursuit toujours sa carrière de rappeuse, d’auteure-compositrice et d’actrice. Elle a récemment lancé le premier simple, « Thank You », d’un album à paraître en 2018. La SOCAN s’est entretenue avec elle depuis sa résidence de Toronto.

Vous aviez déjà lancé quelques simples, mais il s’agissait de votre premier album. D’où vous est venue l’idée pour « Jamaican Funk » ?
Le concept était de faire un album avec une face reggae et l’autre face hip-hop. Mais à quoi ressemble le reggae canadien, puisque je suis malgré tout une artiste canadienne ? J’ai rencontré King of Chill d’Alliance, le producteur de MC Lyte, qui était également sur First Priority, et il avait cette idée de chanson pour « Jamaican Funk » basée sur la pièce « Funking for Jamaica » de Tom Browne [1980], et qui faisait référence au quartier Jamaica de Queens, à New York. Notre version est donc venue du fait que je suis une Canado-Jamaïcaine. Et « Jamaican Funk — Canadian Style » est devenu un classique.

Il y a également des pièces dancehall sur l’album, en plus du reggae et du hip-hop. Pourquoi vouliez-vous amalgamer tous ces genres ?
J’aime la musique, c’est aussi simple que ça. Ça m’étonne que je ne sois pas devenue une guitariste rock, car j’adore ça. C’était moi qui demandais toujours que le hip-hop soit représenté durant Caribana !  C’était naturel pour moi, une représentation honnête de ma culture.

À quel point était-ce nouveau de rapper avec le patois jamaïcain sur un label américain, à l’époque ?
À l’époque le hip-hop avait un accent, et c’était un accent américain. Et à l’époque, les Jamaïcains étaient représentés comme des gens violents dans les médias, alors ce n’était certainement pas quelque chose d’anodin pour une maison de disques. On était encore dans les tous débuts du hip-hop. Et me voilà, avec mon accent et un genre musical en pleine construction. Le bon côté de cela est qu’il n’y avait pas de règles établies. Le fait d’être canadienne, jamaïcaine et très sûre de moi a fait que je n’avais pas peur de devenir une artiste de calibre international. D’autres rappeurs jamaïcains étaient venus avant moi. Les influences étaient déjà établies depuis Kool Herc. Ce qui me distinguait, c’était ma perspective canadienne.

Quelle influence a eu le « battle rap » sur votre style ?
Ça m’a rendue très compétitive. L’attitude typique de la lutte : « je suis la meilleure, je ne cèderai pas ma place ». Le sens du drame. Et de la comédie. En tant que femme, cela devient une force. Certains « battle raps » sont si personnels, si méchants, que lorsque venait le temps d’écrire des chansons, il y avait beaucoup de remise en question. Il faut dire aussi que j’étais jeune et que je ne savais pas encore comment les choses fonctionnent. Je n’étais même pas sûre que j’étais censée être en studio avec tous ces mecs. Mais j’y étais, et j’avais toutes ces idées. Et si vous pensez que vous n’êtes pas à la hauteur, vous rentrez chez vous et travaillez de plus belle.

Avec le recul, quel est votre meilleur souvenir de cette chanson ?
Lorsque je l’ai interprétée à Electric Circus [une émission de télé Torontoise de danse]. Je revenais tout juste de Jamaïque et de magasiner à New York, et quand nous sommes arrivés au Canada, il y avait cette nouvelle émission de télé et nous y étions. On a dit à tous nos amis « venez à MuchMusic ». Tout le monde ne rêvait que de ça. On s’est tous rencontrés dans le stationnement King Lou [de Dream Warriors] était pour être le « hype man ». Je suis encore sur un nuage quand j’y repense.