Pour paraphraser le titre de son troisième album sorti en 2008, Caïman Fu est un drôle d’animal. Car, ces derniers quatre ans, tout indiquait que la formation d’Isabelle Blais n’apparaîtrait probablement plus sur les radars. En fait, même au sein de la formation, on n’était plus certain de vouloir continuer à nourrir le crocodilien après trois albums (Homonyme, 2003, Les Charmes du quotidien, 2005 et Drôle d’animal, 2008). Mais voilà que l’automne dernier, Caïman Fu opérait une mutation en profondeur en présentant À des milles, un quatrième album sonnant le début d’une nouvelle ère.

Isabelle Blais explique : « Après la pause obligée de la naissance de mon enfant, ç’a été l’heure des bilans. Un de nos guitaristes a eu des problèmes personnels. On lui a donné un ultimatum qu’il n’a pas respecté, il a dû quitter le groupe… On s’est posé des questions sur nos motivations à continuer à faire de la musique ensemble. Finalement, on a recommencé à jouer à trois, dans un appartement, de manière plus intime, plus épurée, sans l’énergie rock. Et on a eu des moments de grâce! »

Pendant un an et demi, à raison de deux ou trois fois par semaine, Isabelle, le guitariste Nicolas Grimard, le batteur Mathieu Massicotte et le bassiste fraîchement recruté Dominic Laroche ont répété inlassablement le même stratagème créatif (improvisation, essais-erreurs, écriture, réécriture, etc.), jusqu’à ce qu’ils ressortent de cet appartement avec une vingtaine de compositions. « On renaissait de nos cendres avec un souffle nouveau, se rappelle Isabelle. Quelque part, c’est un album de bilan, et je suis très contente du résultat. »

 « On renaissait de nos cendres avec un souffle nouveau, se rappelle Isabelle. Quelque part, c’est un album de bilan, et je suis très contente du résultat. »

À des milles témoigne à plusieurs égards de l’évolution et de la transformation de la signature de Caïman Fu. Tant sur le plan des textes, plus mélancoliques, voire sombres, concoctés par Isabelle Blais, que sur celui des ambiances planantes et de l’énergie générale construites principalement par le reste du quatuor et peaufinées à l’étape de l’enregistrement en studio par le réalisateur Carl Bastien. « C’est probablement notre approche de départ, beaucoup plus relax, dépouillée et basée sur l’improvisation qui a teinté le résultat final, confirme Isabelle. Se retrouver à trois dans un appartement avec un ordinateur, à jouer pas très fort, nous a amenés naturellement à une ambiance plus calme, plus éthérée. Et ç’a changé aussi ma façon de chanter, comparativement à quand on composait dans un local prévu pour ça, où tous les instruments sont tellement amplifiés qu’il faut chanter plus fort pour s’entendre. »

« C’est certain que je m’imprégnais de l’énergie du groupe quand j’écrivais, poursuit Isabelle. Mais l’écriture, pour moi, c’est toujours un travail assez solitaire. J’ai écrit les textes soit enfermée dans un chalet dans le bois, soit chez nous en ville. Et cette fois, j’ai eu moins de pudeur qu’avant. Avant, je ne voulais pas trop aborder des éléments de ma vie personnelle, alors que pour cet album, j’ai puisé plus volontairement dans ce que je vivais vraiment. Par exemple, “Notre monument”, c’est une chanson basée sur ma rupture amoureuse, mais écrite avant celle-ci… C’était un constat sur quelque chose que je croyais solide, qui s’effritait. Il y a “Une étoile”, qui parle carrément de suicide… il y en a eu quelques-uns dans mon entourage ces dernières années. Il y a “Avaler du gravier”, qui parle d’une grande déception amicale que j’ai eu un peu de difficulté à avaler… Il n’y a qu’une chanson directement reliée à mon garçon, c’est “Ma maison, c’est toi”. Au début, ça s’adressait à un amour absolu, puis je me suis rendue compte que mon amour absolu, ça va toujours être mon garçon… J’imagine que ça va avec le fait de vieillir, on veut davantage parler des vraies affaires. Mais sans entrer dans l’anecdotique non plus. Les chansons qui sont basées sur des anecdotes avec des détails trop précis, ça m’intéresse rarement. »

Pour Isabelle Blais, dont la carrière de comédienne se poursuit avec des engagements réguliers, tant sur les planches qu’au petit écran, la musique demeure tout de même au centre de ses activités artistiques : « La musique, pour moi, ça ne s’arrêtera jamais. C’est ma trame de fond. Dès que j’ai un peu d’espace libre dans le cerveau, je pense à ça. C’est tout le temps là. Mais en même temps, c’est plus difficile, parce que c’est de la création qu’il faut assumer. Tu ne peux pas te cacher, ce n’est pas un personnage avec un texte écrit par quelqu’un d’autre. C’est moi, c’est mes textes, mon interprétation, il n’y a pas de filet, je suis exposée totalement! Ça me fait un plus grand vertige, mais c’est ça que j’aime… »

Au cours de l’été, Caïman Fu parcourra les routes des festivals, mais aura aussi le privilège rare de participer aux trois Francofolies, à Montréal, Spa et La Rochelle. Et dire que l’aventure aurait pu s’arrêter…



Les traductions pour les articles avant l’automne 2013 ne sont pas disponibles pour le moment.

If you think Nova Scotia is all maritime songwriters and indie-rock outfits, think again. Gypsophilia are a Halifax-based seven-piece collective that plays the wild swing of gypsy jazz, with a modern twist. Forming in 2004 as a Django Reinhardt tribute act, they soon began writing material and adding some klezmer, funk and rock to the mix.

“It’s never been an explicit intention to bridge those gaps,” says guitarist/bandleader and singer-songwriter Ross Burns. “It has always just happened organically… That means we’ve been able to reach ‘indie’ fans, as well as jazz fans, folks who already like instrumental music, and those who’ve never heard anything like this in their lives!”

And fans have been taking notice, with their live show gaining attention, and their third and latest album Constellation winning a 2013 East Coast Music Award (their third), for World Music Album of the Year. This summer marks their biggest tour ever, taking their new 7” release (entitled Horska) on the road, to shows and festivals across Canada and the U.S.



Né d’un père paraguayen et d’une mère mexicaine, Daniel Russo Garrido (alias Boogat) attrape la piqûre d’écrire des chansons lorsqu’il entend le célèbre « Prose combat » de MC Solaar. C’est en 2004 qu’il débarque avec un premier album, Tristes et belles histoires. Un deuxième opus plus assuré, Patte de salamandre, suivra en 2006, puis un disque de remix tiré à quelques centaines d’exemplaires physiques (Rmx Vol. 1) en 2008. Après trois compacts de hip-hop servis dans la langue de Molière, l’homme faisait paraître en février dernier l’éclectique El Dorado Sunset. Un album entièrement en espagnol (à l’exception d’un titre, « Wow », avec Radio Radio). Un changement de cap nécessaire pour celui qui arpentait la scène hip-hop montréalaise depuis déjà plusieurs années.

« J’avais le cul assis entre deux chaises. Je faisais de la musique trop intellectuelle pour plaire à la clique hip-hop et trop rap pour une scène qui aime la chanson. J’avais toujours des problèmes au niveau de la catégorisation. Pour le booking des spectacles, ça devenait pénible et ça marchait plus ou moins. Vers 2007, j’ai commencé à jouer avec des groupes de salsa et de rock qui exigeaient que je rappe en espagnol dans leurs shows. À partir de ce moment, je n’avais plus besoin de dire aux gens de lever les mains. Ils dansaient pour vrai et avaient le goût d’être là et de passer une bonne soirée. Ce changement m’a permis de graviter autour d’autres scènes et de voir d’autres gens. C’était évident qu’il fallait que je poursuive dans cette direction, » raconte le volubile auteur-compositeur-interprète et producteur de 33 ans.

«À partir de ce moment, je n’avais plus besoin de dire aux gens de lever les mains.»

Ça donne un déferlement de rythmes chauds et lascifs, empruntant autant à la musique urbaine et électronique qu’au dancehall et aux musiques latines, un son naturel, organique, de fortes mélodies et des arrangements audacieux. Bref, une proposition tout à fait moderne et ambitieuse qui donne envie de bouger. Épaulé par Ghislain Poirier à la réalisation, Boogat estime que ce dernier fut d’une aide précieuse. « Il m’a appris à tester mon matériel devant un public avant de l’enregistrer. Presque toutes les chansons de l’album furent jouées devant une foule avant d’entrer en studio. Je voulais voir la réaction des gens et ça m’a grandement aidé. Poirier m’a beaucoup ouvert les yeux. Et le résultat détonne. Pour quelqu’un qui connaît la musique, cet album est un beau bordel total! Il y a plein de choses, qui normalement ne devraient pas aller ensemble, qui se rencontrent. Bref, c’est comme la vie. »

Ayant comme sous-titre « el gran baile de las identidades » (le grand bal des identités), le disque se veut une véritable célébration des cultures, latino-américaine certes, mais aussi québécoise. Pour Daniel, la langue ne doit pas être un obstacle à la musique. S’il écoute peu d’artistes francophones, c’est qu’il croit que cette scène se retrouve face à un problème majeur. « Lorsque je faisais de la musique en français, je pensais beaucoup aux radios commerciales, puis à pénétrer en France. C’était les seules options! Aujourd’hui, penser que la langue empêche l’art de circuler, c’est faire fausse route. Il est difficile de percer à New York parce que la musique est de très haut niveau. Musicalement parlant, la proposition de beaucoup de musique francophone est moche. C’est une musique qui n’a pas une facture actuelle. Il faut se mettre au niveau des productions internationales. On va y arriver un jour. Ça prend un groupe qui va fonctionner en français à l’extérieur de la francophonie pour ouvrir les yeux aux gens. »

« Je voulais voir la réaction des gens et ça m’a grandement aidé. » – Boogat

Malgré l’affluence d’artistes et l’industrie musicale vacillante, le jeune homme garde la tête haute. Pas question de s’apitoyer sur son sort. Il explique : « Ceux qui pleurent que l’industrie musicale va mal sont essentiellement des gens de la vieille garde. Ce discours nostalgique ne me touche pas. Aujourd’hui, je considère que le pouvoir est aux musiciens. J’ai une plus belle carrière depuis qu’on dit que l’industrie musicale va mal. Le monde change, évolue. On n’y peut rien. Il suffit de s’ajuster. Plus que jamais, on ne peut plus se permettre d’être un musicien du dimanche. Ça devient de plus en plus difficile d’être populaire et de remplir des salles avec une seule bonne chanson. Si tu veux gagner ta vie en étant musicien, t’es mieux d’être bon! Les gens qui fréquentent les salles de spectacles connaissent la musique. Ils voient immédiatement si tu es bon ou mauvais. On est de retour au même endroit qu’on était avant que la musique ne soit enregistrée. C’est un retour à la scène, à la vraie performance, à l’idée artistique qui prime. »

Si l’homme cultive l’ambition d’exporter éventuellement sa musique à l’étranger, il concentre son énergie sur le Québec. Après avoir tourné deux clips (pour les chansons « Eres Hecha para Mi » et « Único »), Boogat planifie une escale européenne cet automne tout en gardant l’œil ouvert afin de faire paraître l’album dans des territoires à l’extérieur du Canada. Pour l’artiste, pas question de penser en fonction de marchés distincts. « Quand tu produis une œuvre artistique, tu ne dois pas songer à ça. Si ta proposition est intéressante ici, elle le sera ailleurs aussi. J’aime me concentrer sur une chose à la fois. Ne pas brusquer quoi que ce soit. Ça m’agace lorsqu’on avance que le Québec n’est pas une province cool. Elle est magnifique et unique! Un artiste n’a qu’à présenter son matériel d’une façon intéressante et le monde va embarquer! »