Après deux décennies passées dans divers groupes – Po’ Girl, Birds of Chicago et Our Native Daughters, notamment –, le premier album solo d’Allison Russell, paru en 2021, Outside Child, a été un succès retentissant, salué par tous pour la grâce et le courage dont elle a fait preuve en écrivant sur la maltraitance des enfants.

Outside Child a obtenu trois nominations aux Grammy Awards, un Americana Award en 2022, deux International Folk Music Awards, un JUNO en 2022 (elle est la première artiste noire à remporter le JUNO de la catégorie Album roots contemporain), trois Canadian Folk Music Awards et deux UK Americana Music Awards. À la télévision, on a pu la voir et l’entendre à Jimmy Kimmel Live!, Ellen, Late Night with Stephen Colbert, CBS Saturday Morning, Austin City Limits et The Kelly Clarkson Show.

En outre, Russell a fait ses débuts au Grand Ole Opry, au Country Music Hall of Fame et a donné une prestation au Gala 2022 des Grammys. Elle a également participé au « Joni Jam » de Joni Mitchell au Newport Folk Festival de 2023 et à l’amphithéâtre The Gorge dans l’État de Washington. Le 8 septembre 2023, elle est de retour avec The Returner, le deuxième album d’une trilogie.

Là où Outside Child parlait de briser le cycle de la maltraitance, The Returner parle de se réapproprier le présent malgré nos blessures. « Ça parle de se ré-incarner », explique-t-elle. « Il faut embrasser cette expérience humaine que nous vivons tous en ce moment, ici et maintenant, et de comprendre que nos joies et nos célébrations sont une force puissante contre les systèmes d’oppression. »

Allison Russell, Returner

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Le Returner est effectivement une célébration pleine de joie réalisée consciemment en « travail circulaire », c’est-à-dire une méthode de travail basée sur l’égalité et le partage du pouvoir entre les participants. « Je tiens à ce que les gens sachent que c’est le fruit d’un travail en cercle et que cette méthode de travail était nécessaire pour créer cet album. Chacune des femmes qui ont participé au processus de création est allée au-delà de ce que je pouvais attendre d’elles. Il n’y a pas d’artistes de deuxième ordre dans ce projet, que ce soit en studio ou sur scène. On travaille tout le temps en cercle, coude à coude. »

On y retrouve la « Rainbow Coalition », le groupe de musiciennes de Russell avec des invitées spéciales comme Wendy & Lisa, Brandi Carlile, Brandy Clark et Hozier. Russell a eu beaucoup de plaisir à jouer le rôle de coproductrice aux côtés de Dim Star, le pseudonyme qu’elle se donne avec son partenaire de vie J. T. Nero et Drew Lindsay, et les 10 pièces de l’album ont toutes été coécrites par le trio.

« J’ai réellement écrit ces chansons pour le cercle de femmes qui pourraient leur donner vie. Je savais qu’elles seraient capables d’élever cette musique. Je savais exactement de quoi chacune d’elles est capable vocalement. Je savais que je voulais des choeurs très axés sur la “chanson à répondre”, parce qu’au niveau de la sonorité, ça rappelle beaucoup un dialogue. Bref, on était toutes dans le même bateau. »

Cet esprit de corps est évident sur la première pièce, la chaleureuse et inspirante « Springtime ». On y entend d’abord la voix de Russell à laquelle se joint ensuite un chœur de voix jubilatoires qui dit adieu à la métaphore de l’obscurité en faveur d’une lumière transcendante. Sur la chanson titre, elle tourne la page sur son passé tragique et chante triomphalement son retour à sa vraie nature.

« Nos joies et nos célébrations sont une force puissante contre les systèmes d’oppression »



Et s’il n’y a jamais eu un seul hymne pour toutes celles et ceux qui traversent une intense douleur émotionnelle, c’est certainement « Stay Right Here ». C’est un morceau dansant à saveur disco qui a un groove irrésistible et un texte qui parle de la puissance de résister à l’appel de l’indifférence. « Chaque jour, il faut choisir de rester présente, ici, de ne pas écouter le chant des sirènes de l’oubli et de la haine de soi, de ne pas céder au lavage de cerveau des hiérarchies et des idéologies haineuses et toxiques qui ont été imposées à chacun d’entre nous à différents moments de notre vie. »

Maybe I’m swimming in happiness
But it’s an ocean of tears in my mind
All that my body can never forget
Why do good things make me cry?
Oooh, they make me wanna fly on back
Through that Hole in the sky

[librement : « Je nage peut-être dans le bonheur/Mais dans ma tête, c’est plutôt un océan de larmes/Tout ce que mon corps ne pourra jamais oublier/Pourquoi les bonnes choses me font-elles pleurer?/Oooh, elle me donnent envie de m’envoler/Vers le gros trou dans le ciel]

Un des plus beaux souvenirs de la création de l’album pour elle faut l’écriture de “All Without Within”. “Drew [Lindsay] m’a envoyé cette magnifique piste rythmique qui est totalement venue me chercher”, raconte l’artiste. “Ç’a comme ouvert les portes de mon subconscient et je me suis laissé porter par ce flot, si tu veux.” Lors d’une longue promenade avec son chien dans Shelby Bottoms, un parc nature de Nashville, Russell a écrit les mots “I love the smell of rain on dead leaves/Your arms ’round me when I’m angry” [librement : “j’aime l’odeur de la pluie sur les feuilles mortes/Tes bras qui m’enlacent quand je suis en colère”] inspirée par la nature qui l’entourait. “J’ai vraiment eu l’impression que cette promenade est devenue partie intégrante de la chanson, du texte et du rythme”, confie-t-elle. “Au final, on a changé l’approche rythmique en fonction de ce que j’avais écrit pendant cette promenade.”

Sur l’envoûtante “Snakelife”, chante la joie des survivantes et le fait de surmonter son envie de se débarrasser de sa peau noire. Elle y chante l’appropriation de son identité et le fait de porter ses ecchymoses et ses cicatrices comme des “bijoux du Botswana”.

Alors que Russell fuyait autrefois son traumatisme dans l’univers onirique de son imagination, elle écrit aujourd’hui des chansons qui parlent de créer un monde meilleur pour elle et les autres. Elle doit après tout prendre soin d’une fillette de 9 ans. “Ma motivation première en ce moment, c’est ma fille”, dit-elle. “Il y a des choses que je pouvais accepter pour moi que je ne peut tout simplement pas accepter pour elle.” Le message clé de The Returner est que la résilience vaut la peine d’être célébrée. Cependant, Allison Russell ne se contente pas de cueillir les fruits de la guérison pour elle-même : elle souhaite les partager avec tout le monde. Comme elle le dit, “on est tous des ‘returners’.”

I used to dream but now I write
I wield my words like spindles bright
To weave a world where every child
Is safe and loved
Is safe and loved
Is safe and loved
And Black is beautiful and good
[librement : “Avant, je rêvais, maintenant, j’écris/Je tisse mes mots /pour tisser un monde où chaque enfant/Est aimé et en sécurité/Aimé et en sécurité/Aimé et en sécurité/Être Noire est beau et bon]