Avis au néophyte pour qui on devrait encore déboulonner le mythe de la communauté métal perçue comme les enfants du diable, Michel Langevin de Voivod est probablement votre joueur le plus convaincant. Tout d’abord, parce qu’il cumule l’une des feuilles de route les plus impressionnantes parmi ceux qui versent dans le genre ; deuxièmement, parce qu’il semble doté d’une capacité à rester d’un cool pratiquement déconcertant dans à peu près toutes les situations. Et même lorsqu’il glisse dans la conversation « On est un peu considérés comme des légendes vivantes lorsqu’on débarque dans les festivals de métal », on ne peut qu’acquiescer en le trouvant d’autant plus attachant.

Comptant 35 ans de carrière (!) et martelant toujours son rock aussi promptement, des milliers de concerts aux quatre coins du globe derrière le hi-hat, et une attitude décomplexée et d’une humilité qui dépasse pratiquement l’entendement, Voivod est résolument dans classe à part.

Rétrospective d’un guerrier – sur trois décennies.

De l’importance des thèmes

Voivod

Cela dit, sur le plan artistique, Langevin – alias « Away » – carbure sur l’excitation du prochain album à venir, à vouloir surpasser ce qui précède. Particulièrement, selon ses dires, avec la plus récente mouture qui compte à ses côtés Denis Bélanger (Snake) aux vocalises, de retour depuis 2002 après une pause de douze ans – et seul autre membre-fondateur avec Langevin – Daniel Mongrain (Chewy) à la guitare depuis 2008 et Dominique Laroche (Rocky) à la basse depuis 2014.

Si les changements de personnel peuvent souvent être perçus d’un mauvais œil, Langevin y voit plutôt une opportunité de se renouveler : « À chaque fois, je joue différemment quand le line-up change. Avec Newsted (de Metallica qui s’est joint à Voivod de 2002 à 2008), ça sonnait plus Black Sabbath. Avec Eric Forest (1994-2001), c’était plus Sepultura. Avec Blacky (Jean-Yves Thériault – 1982-1991, 2008-2014), son playing est plus punk, très Motörhead donc à chaque fois, je m’adapte et j’aime ça. Aujourd’hui, je dirais que c’est très progressif, à la limite jazz-métal. »

« C’est sûr que du double bass-drum ultra rapide sur 5-6 minutes, peut-être que dans cinq ans, ça va être plus rare, mais pour l’instant, on est capable de faire des tournées de trente dates sur de courtes périodes, en maintenant le cap ! », Michel Langevin, Voivod

Comme un seul homme

Voivod Logo PatchÀ travers les quelques changements de personnel, l’unique constante depuis 1982 demeure Langevin. Pourquoi? « Je me suis demandé plusieurs fois si je restais. Ce qui nous a sauvé en longévité c’est l’Europe, qui n’a jamais perdu son circuit de salles métal et de Festivals. On a un public super loyal et constant. Ici, le métal est plus en phase avec les courants, donc ça vient et ça va; là-bas, c’est en continu. On fait des Festivals partout avec Scorpions, Testament, Sepultura, Megadeth, Exodus, etc… À peu près tous les mêmes artistes qu’il y a trente ans. On est devenu un groupe de classique thrash-métal, c’est quand même le fun ! »

Du haut de ses 54 ans, l’homme ne semble pas prêt de raccrocher ses baguettes : « C’est sûr que du double bass-drum ultra rapide sur 5-6 minutes, peut-être que dans cinq ans, ça va être plus rare, mais pour l’instant, on est capable de faire des tournées de trente dates sur de courtes périodes, en maintenant le cap ! » Une cadence qui se maintient non sans une certaine modération du live fast, die young des premières tournées : « À la mi-trentaine, j’ai dû penser sérieusement à calmer le rythme qui vient avec la tournée, que je cesse le party parce que si je voulais jouer du thrash dans 20 ans, ça devenait essentiel. Tommy Aldridge (batteur de Whitesnake) et quelques autres sont des exemples à suivre.

Et la question qui tue : après 35 ans de métier, on s’en fait avec les critiques ? « Oui, quand même. Rendu où on est dans notre carrière, on peut juste composer la musique qu’on veut jouer, ce serait ridicule d’essayer de « se refaire » un nouveau son. On veut faire du bon Voivod avant tout. On se questionne après les enregistrements, et quand les critiques sont positives, ça valide un peu notre démarche. Je le prends avec beaucoup d’humilité. On est aussi très chanceux de pouvoir faire ce qu’on fait depuis aussi longtemps et encore pouvoir sortir du nouveau matériel. Et ça, je ne le prendrai jamais pour acquis. »

L’ingrédient du succès et d’une carrière soutenue? Manifestement, dans le cas qui nous concerne : des bras de fer et une lucidité à toute épreuve.

Voivod partagera la scène avec Metallica au Festival d’été de Québec, le 14 juillet 2017.