La pochette de l’album Soleil ’96 de Vanille semble davantage sortie de 1968 que de 1996. Certes, la jeune Rachel Leblanc derrière le projet Vanille peut se targuer d’être née au milieu des années 90, mais on lui collera sans broncher l’étiquette de la « vieille âme », passionnée par ce que le passé peut encore aujourd’hui déployer comme richesse stylistique. Voyage dans le temps à bord du véhicule 96.

Vanille, Rachel Leblanc« J’ai toujours pensé que je n’étais pas née à la bonne époque, confirme d’ores et déjà Rachel Leblanc, le soleil dans la voix. Par contre, romancer le passé, c’est vraiment plaisant et c’est même mieux parce que je peux aller creuser dans tellement d’époques différentes. Tout ce qu’on a pu acquérir dans l’histoire de la musique, je l’ai dans ma sacoche. »

Paru en janvier, Soleil ’96 est un premier long jeu en français qui suit la parution, il y a trois ans, d’un EP en anglais : My Grandfather Think I’m Going to Hell. Depuis, Rachel a évidemment évité l’enfer et le soleil s’est plutôt dessiné sur la pochette de son album, mais l’été n’est pas la seule saison qu’évoque cet album. « Chaque saison a laissé sa marque, dit Rachel. On parle surtout du temps qu’il nous faut pour se remettre des choses. La pièce Les jours manqués, qui vient clore l’album, ça nous dit que oui, l’amour est déchu, mais on passe à autre chose. Il y a une progression, un peu comme avec le temps qu’il fait et les saisons qui passent. »

Emmanuel Ethier (Pierre Lapointe, Corridor, Peter Peter, Chocolat) a vu Rachel sur scène à la Brasserie Beaubien en 2019 et il lui a écrit le lendemain pour lui dire qu’il pouvait l’aider à peaufiner son matériel. « C’est une belle leçon de persévérance cet album-là, rigole-t-il en se rappelant à quel point il a dû jongler entre plusieurs de ses propres projets pour également travailler sur celui de Rachel. Elle aurait pu abandonner ou changer de réalisateur. C’était long. » Or, le réalisateur perçoit également dans le projet Vanille une volonté de ne pas faire avancer les choses sur des coups de tête.

Le syndrome de l’imposteur se laisse sentir des deux côtés. Si Rachel est consciente qu’elle est encore jeune et que son entourage a beaucoup à lui apprendre, Emmanuel, qui cumule les accomplissements n’a pas l’impression qu’il « fait quelque chose de spécial ». « Je ne fais jamais de la musique pour moi quand je travaille avec un artiste pour son projet, précise-t-il. Ma job, en réalisation, c’était de me mettre dans la tête de Rachel. Si j’en viens à imposer quoi que ce soit, éthiquement, je trouve qu’il y a un problème. »

Si Rachel a d’abord été tétanisée lorsqu’elle a vu Emmanuel Ethier à son show à la Brasserie Beaubien, elle a tout de suite saisi l’opportunité offerte par ce dernier. « Il m’a permis de me botter le cul, lance-t-elle. Je me suis dit que si j’avais droit à cette opportunité, je ne pouvais pas la laisser passer. »

Et les chansons étaient déjà là, presque prêtes, écrites et composées d’un seul jet. « J’écris toujours seule dans ma chambre à la guitare et je passe quelques heures à me dire que c’est pas bon et finalement, après un peu de travail, j’aime ça, rigole-t-elle. Et je laisse la chanson telle qu’elle est. Ça garde un aspect déconstruit qui me représente bien. »

Les influences 60’s sont bien palpables. Avant même qu’on écoute le disque, le visuel nous amène là. Les influences de Rachel se retrouvent à cet endroit, mais aussi au cœur des années 90 qui l’ont vu naître, un souffle rock garage auquel on colle une voix mélancolique jamais triste. « Je nomme souvent Karo comme influence, mais c’est vraiment ça. Et Stereolab aussi, la musique britannique d’il y a trente ans, ça me parle », confie Rachel Leblanc. « On a beaucoup écouté et parlé de ses références, se rappelle pour sa part Emmanuel Ethier. Je voulais capter ce côté yéyé et sa volonté d’être dans le renouveau psychédélique anglais. »

Dans l’entourage de Rachel, le running gag, c’est qu’elle n’écoute que des albums issus de 1968. « Je sais, c’est précis », s’amuse Emmanuel. Et si cette époque révolue avait encore des choses à nous apprendre? Peut-être que tout a droit à une seconde vie et le projet musical Vanille embrasse le mandat.

« Mon deuxième album va être complètement dans la philosophie hippie, la nature, conclut Rachel. La pandémie a affecté mon moral et je veux parler de toutes les façons dont je me suis évadée grâce à la forêt. »