Fin 2022, la reine du R&B canadien Jully Black a lancé Three Rocks and a Slingshot, son premier album en 13 ans, l’artiste dance pop Shawn Desman a lancé « Maniac », son premier simple solo depuis presque une décennie, et le chanteur R&B Glenn Lewis a prévu la parution de plusieurs simples en 2023 avant le lancement d’un album d’ici la fin de l’année.
Au fil du temps qui s’est écoulé depuis la sortie de leurs premiers albums – This Is Me de Black en 2005, l’album éponyme de Desman et World Outside My Window de Lewis en 2002 – ces étoiles montantes sont devenues des artistes chevronnés qui ont amplement mérité tout le respect, l’estime et l’influence qu’ils ont acquise.
L’été dernier, Drake a reconnu leurs contributions et les a invités tous les trois à participer à la première édition de son spectacle « All Canadian North Stars » dans le cadre du OVO Fest visant à célébrer et remercier les artistes hip-hop et R&B qui « ont ouvert la voie pour nous tous », comme l’écrivait la superstar internationale sur son compte Instagram.
C’était réconfortant de voir ces légendes canadiennes recevoir des fleurs de la part d’un des artistes les plus populaires du monde à l’heure actuelle. Mais pendant que Drake, The Weeknd, Alessia Cara, Jessie Reyez et d’autres envahissaient les palmarès au cours des 10 dernières années, Black, Lewis et Desman étaient occupés par d’autres projets créatifs et parfois simplement par les responsabilités qui viennent avec l’âge.
« Je n’ai pas arrêté de sortir de la musique à cause de ça », lance Black d’entrée de jeu. « Oui, ma mère était malade et je prenais soin d’elle, mais c’est pas pour ça que j’ai rien sorti. Il faut vivre pour avoir des histoires à raconter et pour moi, ça passe par le chemin le plus facile. »
« J’ai une amie qui est retournée à l’école pour obtenir une maîtrise et changer de carrière, pourtant personne ne lui dit “Pourquoi tu décides de faire autre chose?” », poursuit-elle. « Il semble que les gens ordinaires qui ne sont pas dans l’industrie de la musique ont le droit de changer de direction ou de carrière, personne ne leur dit qu’ils ont pris une pause ou qu’ils font un retour. »
« On est des anomalies, des mutants, qui ont un talent que l’industrie s’attend à ce qu’ils exploitent comme des machines. Si j’ai pas envie de chanter jusqu’à la fin de mes jours, ça ne regarde que moi. »
Bien entendu, Jully Black n’a pas arrêté de chanter ; elle n’a simplement pas sorti de musique, mais elle a continué à donner des spectacles. Elle a également joué dans une grande production théâtrale, Caroline, or Change ; elle anime fréquemment des événements et des remises de prix ; et dirige un programme motivationnel de mieux-être baptisé 100 Strong and Sexy, qui connaît un grand succès, ainsi que des cours The Power of Step.
Pour la création d’un album dans sa quarantaine, elle a choisi des sujets et des façons de les aborder qui reflètent la femme forte et résolue que nous avons connu ces dernières années, et ça s’entend sur des textes remplis de conviction comme sur « Half Empty », de résilience comme sur « No Relation » et remplis de courage comme sur « Mi No Fraid ». Même le titre de l’album – « Three Rocks and a Slingshot » – fait référence à un combat épique, celui de David et Goliath.
« On se sent beaucoup plus en confiance pour parler de différents sujets sans honte ou sans gêne, surtout dans mon cas vu que je suis dans cette industrie depuis l’âge de 14 ans », dit-elle. « Je parlais de sujets assez matures quand je ne l’étais pas moi-même. Maintenant, quand je chante à propos d’une peine d’amour, de sexualité ou quoi que ce soit d’autre, je peux en parler avec l’attitude d’une femme adulte qui est capable de gérer. »
Glenn Lewis a lancé son dernier projet solo en 2013, mais en 2017 il a collaboré avec DJ Jazzy Jeff sur son projet annuel baptisé PLAYlist et il a chanté sur l’album Chasing Goosebumps créé en une semaine en compagnie d’une trentaine de collaborateurs. Début 2022, son ami de longue date et responsable A&R pour Universal Music Canada lui a offert un contrat. Il lancera plusieurs simples qui prépareront le terrain pour la sortie d’un album à l’automne 2023.
“Cette fois-ci, je choisis mes sujets avec très grand soin”—Shawn Desman
Lewis avoue qu’il n’a jamais arrêté d’écrire des chansons ni même de les enregistrer, mais il ne les publie pas. « Parfois, les choses prennent un élan quand je me concentre vraiment sur un projet, comme en ce moment », dit-il. « Mais généralement, au cours des dernières années, je me suis concentré sur ma vie familiale. »
« Mon seul véritable exutoire musical serait s’il y a d’autres artistes que j’admire ou dont j’aime l’écriture ou les chansons, je me tiendrais à jour en les chantant ou juste en essayant de suivre l’évolution de la façon dont les créateurs conceptualisent et communiquent par la chanson en ce moment. J’essaie de demeurer à jour là-dessus. »
Pour son nouveau projet, Kardinal – qui a récemment accepté un rôle de A&R mondial chez Def Jam – a adopté le rôle de consultant pour Lewis. Lewis, qui est à la fin de sa quarantaine, affirme que son regard sur de nombreux sujets habituels a gagné en maturité.
« J’ai encore envie de parler de choses auxquelles on pense, mais qui ne sont pas toujours abordées dans nos conversations – qu’il s’agisse de choses qui se passent dans le monde comment on se sent par rapport à ça ou, évidemment, de situations romantiques », dit Lewis.
« Je ne vais peut-être pas dire tout ça sans une chanson, mais mes expériences m’ont fait réaliser que quand il est question d’amour, ça tourne beaucoup autour de ma façon d’aimer et de m’aimer moi-même – le genre de choses qui comptent pour toi et que tu commences à mieux comprendre, la nature donnant-donnant des relations et l’équilibre délicat de cette dynamique-là. »
Shawn Desman – qui a signé un nouveau contrat d’édition avec CSS Rights Management et un nouveau contrat d’enregistrement avec Wax Records – admet qu’après avoir fermé la porte derrière lui en quittant une maison de disques, « je détestais l’industrie de la musique, en toute honnêteté ». De toute façon, ma femme est tombée gravement malade et j’ai dû m’éloigner de tout ça pour être un père et un mari dévoué. Néanmoins, il dirigeait encore le concours annuel de danse Move qui en est à sa 15e édition, mais il n’a pas lancé de musique depuis son album Alive paru en 2013.
« Juste avant la pandémie, mon meilleur ami [le chanteur et auteur-compositeur professionnel basé à Nashville] Tebey m’a passé un coup de fil et m’a dit “Hé! j’ai cette idée de projet pour toi et moi” et on a appelé ça RadioClub. On va écrire et produire la musique, mais on ne va pas nécessairement les chanter, on va avoir des “features” et on va sortir ça », confie Desman.
« Et maintenant, avec le recul, je comprends exactement ce que Tebey a fait. Il essayait de me redonner la piqûre de la musique parce qu’il avait compris qu’il y avait un immense vide en dedans de moi. JE n’étais pas heureux. Il me manquait quelque chose. La première chose qu’on a faite c’est un remix house/dance du hit “Never Gonna Give You Up” de Rick Astley de manière indépendante. Pour l’instant, on est assis sur 25 millions d’écoutes. »
Desman avoue que la tactique a fonctionné et a ravivé la flamme de son amour de la musique. Tout ça combiné au fait que Drake lui a dit, lors du spectacle North Stars, qu’il fallait qu’il recommence à faire de la musique, a confirmé son retour. Il passe maintenant presque toutes ses journées en studio et compte quelques nouvelles chansons en cours de production dont notamment une qui s’intitule « 1985 » et qu’il qualifie de « nostalgique dans le bon sens du mot ». Il a beaucoup travaillé avec le propriétaire de Wax, Jamie Appleby, l’artiste Alyssa Reid et l’auteur-compositeur et producteur Ryan Stewart.
« Maintenant, je choisis mes sujets avec beaucoup de soin parce que je veux qu’ils soient le reflet d’où je suis dans ma vie et que ça soit naturel », explique Desman. « J’ai pas envie d’essayer d’être cool juste pour être cool. Je ne suis pas ce jeune dans le début de la vingtaine qui passe son temps dans les clubs avec ses amis. Ma vie ne ressemble pas du tout à ça. J’ai une vie d’adulte et trois enfants à la maison. »
« Chaque fois que j’arrive dans une séance d’écriture, je dis à mes collaborateurs que je ne parlerai pas de X, Y et Z, mais qu’en même temps, la raison pour laquelle les gens aiment encore la musique de Shawn Desman, c’est à cause de ce qu’elle leur fait ressentir. Ils se sentent bien. Heureux. Positifs. J’essaie de naviguer dans ces eaux-là, mais avec des sujets qui me ressemblent en 2022, 2023. »
« Je veux que ça me ressemble et que ça ressemble à mon auditoire qui n’est plus composé de jeunes de 15 ans. Ce qui est drôle, c’est que mon garçon vient juste de commencer le secondaire et je lui ai demandé si ses amis avaient entendu ma nouvelle chanson et ce qu’ils en pensaient. Il m’a dit “papa, ils adorent ta nouvelle chanson!” C’est super cool que mes enfants soient enfin à l’âge où ils peuvent voir et réaliser que leur père était – et est peut-être encore – un “big deal”! »