Un seul concert : c’est tout ce qu’il aura fallu pour que les membres de Johnson Crook réalisent qu’il y avait quelque chose d’unique qui unissait ces quatre musiciens. Peu de temps après avoir fait connaissance dans le cadre du programme d’entrepreneuriat artistique du Canada’s Music Incubator en 2014, Noel Johnson, Jared Craig et les frères Nathan et Trevor Crook ont décidé de donner un concert au Cameron House, à Toronto : la réaction de leurs amis et collègues a été si positive qu’ils ont décidé de former un groupe pour voir où cela les mèneraient.

Ce qui a suivi a été des séances de création que le groupe décrit comme « libératrices », à plus forte raison que les gars n’avaient aucun échéancier à respecter ni aucune limite, musicalement. Cela leur a permis de puiser dans leurs nombreuses influences, de Stevie Ray Vaughan aux Eagles en passant par des artistes plus contemporains comme Terra Lightfoot et Leon Bridges. Ils ont donc entrepris de patiemment créer leur propre son, un son qui prend racine dans le country, le folk et le rock des années 70, mais avec un accent tout particulier sur leur principale force : les harmonies.

Tout ça a été capté en direct durant l’enregistrement en studio de leur premier album intitulé The Album. Le projet explore l’amour et les peines d’amour, mais avec un fort courant de thématiques bien canadiennes dans les textes, ce qui s’explique par le fait que chacun des membres du groupe a grandi dans une petite ville (bien qu’ils soient désormais tous établis à Toronto). Le groupe est d’ailleurs très fier de cela et affirme qu’aucun de ses membres ne craint d’être « trop Canadien… Quand on voyage d’un bout à l’autre du pays et qu’on joue dans plein de villes différentes, ça nous permet de toujours nous sentir chez nous. Le paysage change, mais on a toujours l’impression de jouer devant des amis et des voisins. »

Un de ces amis est le légendaire rockeur canadien Tom Cochrane qui, après avoir entendu leur chanson « Mr. Nobody », leur a offert de l’enregistrer avec eux. « Tom a été incroyablement généreux », de dire les membres du groupe. « La chanson comporte déjà beaucoup de voix, et sa voie et son phrasé se sont parfaitement intégrés. » Un harmonieux pas de plus vers l’avenir de ce groupe !

 



Le 14 septembre 2017 à la soirée des artisans des Gémeaux, le travail de Ramachandra Borcar n’est pas passé inaperçu. Pour la série L’imposteur diffusé à TVA, il a remporté deux statuettes, l’une pour la « meilleure musique originale : fiction » et l’autre, pour le « meilleur thème musical : toutes catégories ». Bien qu’il en était à une huitième nomination en carrière comme compositeur de musique sur image, celui que certains ont connu sous le nom de Ram comme musicien ou DJ avait un sourire dans sa voix. « Crois-moi, ça fait toujours plaisir de gagner un prix. »

Il faut dire que l’équipe de L’imposteur avait permis un contexte créatif idéal pour leur compositeur musical. Puisque le réalisateur Yan Lanouette-Turgeon et Ramachandra Borcar se connaissaient depuis leur fructueuse collaboration pour le film Roche, papier, ciseaux – qui a même obtenu un prix pour sa bande sonore au Jutra – l’apport de la musique est donc arrivé très tôt dans le développement de la série. Avant le tournage, Lanouette-Turgeon lui a transmis quelques scénarios pour que Ram s’imprègne de l’histoire. Puis des images, avant même le montage final d’un premier épisode, ont également été envoyées. C’était bien assez pour inspirer une direction musicale.

« Pour la saison un, L’imposteur se passait presque totalement en huis clos avec le comédien Marc-André Grondin. Il n’y a pas d’histoires parallèles. Cela procurait une grande intimité à ce thriller. Je ne voulais donc pas que la musique sonne trop gros, je voulais même créer de la proximité. Et pour ça, je suis allé dans des sons abstraits, instrumentaux avec beaucoup de rythmes donnés par des percussions. »

Ramachandra Borcar, qui cherche toujours à surprendre, est allé là où le genre musical ne va habituellement pas pour une série thriller. Et c’est là, dans ce désir de déjouer les règles et d’innover, que Borcar trouve son plaisir. « Je ne voulais pas écrire un thème traditionnel en 4-4 et en harmonie. Je me suis plutôt orienté vers une construction musicale en collage, telle une mosaïque, avec des sons abstraits et beaucoup d’effets. Je suis allé puiser dans la musique électronique, expérimentale et l’électroacoustique. Cela a été mon canevas de travail. »

C’est par la suite que Ram est allé trouver des résonnances à même l’histoire de L’imposteur afin d’en raffiner certains passages musicaux. Il a appuyé l’idée que le personnage principal a un jumeau secret en écrivant des mélodies qui jouent sur cette impression de paire. Il y a donc des clarinettes, des guitares électriques, des trombones en duo, qui jouent en même temps ou qui se répondent de manière dissonante. « Pour moi, c’est le rôle du compositeur que de travailler avec l’histoire. Je travaille en parallèle avec tous les éléments narratifs, sans la déjouer, la déformer, sans distraire sans raison, mais tout en donnant à cette musique, une personnalité. Je vise le mariage parfait entre l’image et le son. »

Ramachandra Borcar

Pour ce, Ram cherche partout pour ses sons qui créeront ce lien unique avec l’histoire. Il puise parfois dans sa collection d’instruments inventés, passionné de ces objets qu’il trouve sur l’internet, mais surtout via des inventeurs qu’il rencontre dans les grandes foires comme le NAMM (National Association of Music Merchants).

L’homme qui a signé plus 33 thèmes musicaux pour des films, des documentaires et des séries télévisuelles (Un crabe dans la tête, Famillia, Le prix à payer, L’ange gardien) a pris la décision il y a un an de partager son temps entre Montréal et Los Angeles. Une décision prise à la suite de la signature avec l’agence Evolution Music Partner qui le représente sur le territoire américain.

« Je ne délaisse pas Montréal pour autant, je ne fais que m’ouvrir à de nouvelles possibilités de création. » Pour Borcar, c’est là l’essentiel. Ce profond désir de polyvalence musicale, cette envie de toucher à de multiples genres musicaux, lui-même multi-instrumentiste, est ce qui l’allume le plus. « Je n’aime ni la facilité ni la répétition. Mon rêve de compositeur, c’est de toujours me renouveler, de me surprendre, d’aller là où je ne pensais pas aller musicalement. Et de me retrouver devant des projets qui m’obligent à chaque fois un dépassement. »



Lorsque Lights était âgée de 18 ans, elle s’est installée à Toronto et a légalement changé son nom pour celui qu’elle porte sur scène, déterminée à établir sa carrière musicale. « Je n’avais pas de Plan B », se souvient-elle en riant.

C’était un pari qui ne nécessitait pas de Plan B, de toute évidence : au cours de la dernière décennie, l’artiste auparavant connue sous le nom de Valerie Anne Poxleitner a lancé trois albums, a vu ses chansons « streamées » plus de 100 millions de fois, a remporté de nombreux prix, incluant deux JUNOs — Découverte de l’année en 2009 et Album pop de l’année en 2015 pour Little Machines —, et lancé des dizaines de vidéoclips qui ont tous été visionnées des millions de fois. Chemin faisant, elle a bien entendu acquis beaucoup, beaucoup de fans, dont plus de 700 000 abonnés sur Twitter et plus d’un million sur Facebook.

Toutefois, lorsqu’elle a commencé à planifier son quatrième album studio, Skin&Earth, qui sera lancé plus tard ce mois-ci, Lights, qui a maintenant 30 ans, a décidé que le temps était venu d’attaquer un autre but personnel. Amatrice de bédé devant l’Éternel, elle caressait depuis un bon moment l’idée d’en créer une qui tisserait des liens avec sa musique.

« Je crois qu’il y a beaucoup de fans de musique qui sont aussi fans de BD et beaucoup de fans de BD qui aiment la musique », dit Lights ayant vu le potentiel pour un projet multimédia métissé qui inciterait l’auditoire à écouter l’ensemble d’une œuvre plutôt que de n’écouter que les simples en diffusion continue.

Elle a imaginé une BD qui aurait des liens thématiques avec les chansons sur l’album tout en transportant l’auditeur ou le lecteur dans l’histoire. Et même si elle n’avait jamais créé de bande dessinée auparavant, Lights était imperturbable. « J’ai toujours été quelqu’un qui se donne à fond », confie-t-elle. « Ce n’est pas si compliqué que ça pour moi. »

Née de parents missionnaires, Lights a grandi en parcourant le monde et a reçu son éducation à la maison. Elle a commencé à écrire des chansons alors qu’elle était encore une enfant et elle remercie son père, Eric Poxleitner, de l’avoir encouragée dès le départ. « Il m’a vraiment permis de croire en moi », dit l’artiste. « J’écrivais une chanson et la lui montrait, et il réagissait comme si c’était la meilleure chanson toute l’histoire. »

C’est une fondation qui l’a bien servie lorsqu’est venu le temps de trouver conseil sur la manière de donner vie à son projet. Elle a communiqué avec plusieurs artistes du domaine de la BD pour avoir leurs conseils et a pu entrer en contact avec une sommité de cette industrie, Brian K Vaughan (Y : The Last Man, Ex Machina, Runaways), et celui-ci l’a encouragée à écrire elle-même son histoire plutôt que d’engager un auteur et un dessinateur.

« Ce que j’ai appris, c’est que si on veut vraiment travailler, on peut accomplir n’importe quoi. »

En peu de temps, Lights avait jeté les bases d’une histoire traitant d’une femme nommée Enaia qui évolue dans un monde post-apocalyptique désespéré où tout — des écoles aux épiceries — est dirigé par une seule et unique mégacorporation. Enaia étant en quelque sorte l’alter ego de Lights, cette dernière s’est rapidement rendu compte que son personnage lui permettait d’explorer des thèmes plus sombres dans son écriture.

Pour Lights, la fiction dévoile la vérité
« Un personnage fictif m’a permis d’être encore plus moi-même », explique Lights, avant de poursuivre en expliquant qu’elle a toujours eu de la difficulté à aborder des sujets plus sérieux — sexe, colère, violence — dans sa musique parce que son auditoire, qui croit la connaître personnellement en raison de sa grande présence en ligne, a tendance à tenir pour acquis qu’elle écrit toujours d’une perspective autobiographique. « Il n’est pas difficile de sentir pris au piège et d’avoir l’impression de ne pouvoir parler que des choses que vous vivez à l’instant », dit-elle. Lorsqu’elle écrit au sujet d’une peine d’amour, les gens se questionnent immédiatement sur la stabilité de son mariage à Beau Bokan, le chanteur du groupe metal-core américain Blessthefall. « Le fait de pouvoir aborder ces sujets par le biais de mon personnage a été d’un grand secours. »

Les bases de son scénario étant en place, Lights a entrepris la création de son album et a opté pour la cocréation, se poussant à travailler avec de nouveaux collaborateurs. En gardant constamment Enaia en tête, Lights se présentait à ses séances d’écriture avec une vision claire du travail à accomplir, une approche qui lui a permis de surmonter certaines des insécurités que peut engendrer le fait de travailler avec des gens qu’on ne connaît pas.

« Je suivais mon scénario et je pouvais tout simplement dire “Voici sur quoi on va travailler aujourd’hui.” C’est devenu un canal de créativité instantané, au lieu de commencer la séance à discuter des sujets que nous voulions aborder », explique-t-elle.

Tant le processus d’écriture que les sujets plus sombres lui ont de plus permis d’expérimenter avec sa voix, et elle s’est découvert une nouvelle profondeur. « C’était vraiment génial », s’exclame la chanteuse. « Ça m’a permis d’ouvrir une zone de ma voix qui m’a donné accès à une façon de chanter plus près du soul. »

Lights et ses coauteurs ont créé 60 pièces durant le processus qui s’est échelonné sur une année, et c’est elle qui a choisi les 12 pièces qui figurent sur l’album, chacune illustrant une partie différente de l’histoire d’Enaia.

Tout au long du processus d’écriture, Lights peaufinait sans relâche son talent de bédéiste. Elle s’est tournée vers des tutoriels offerts sur YouTube ainsi que ses mentors, lorsqu’elle en avait besoin, et a entrepris le laborieux processus de dessin pour son histoire, case par case, se poussant à continuer même lorsqu’elle avait l’impression d’avoir eu les yeux plus grands que la panse.

« Je chantais pendant que je planchais, “Je suis vraiment en train de faire ça !” », raconte-t-elle au sujet de l’immense processus de création de son livre de 160 pages. « C’est la seule façon de donner vie à nos rêves. »

LightsLights avoue elle-même être impressionnée par tout ce qu’elle est parvenue à accomplir depuis qu’elle a entrepris la création de Skin&Earth, d’autant plus qu’elle l’a fait tandis qu’elle élevait sa fillette de trois ans, Rocket Wild (qui peut d’ailleurs se vanter d’avoir un nombre impressionnant d’abonnés sur Instagram).

« Je me suis surprise énormément », avoue Lights. « Après quatre albums et 10 ans au sein de l’industrie, être encore capable de me surprendre moi-même, c’est vraiment génial. Il y a deux ans, je n’aurais jamais cru être capable de faire cette BD. Ce que j’ai appris, c’est que si on veut vraiment travailler, on peut accomplir n’importe quoi. »

Lights — qui a toujours su qu’elle donnerait vie à Enaia d’une manière ou d’une autre — arbore désormais la même crinière rouge que son personnage — une autre manifestation de son désir de repousser les limites, dans sa vie comme dans sa musique.

« J’ai une tonne d’autres projets que je veux réaliser », dit-elle en riant. « On se censure trop souvent lorsqu’on a envie d’essayer de nouveaux trucs parce qu’on se remet en question. Je ne ferai plus jamais ça. »