JESUS CMPLXX avait un emploi de rêve. Il était représentant marketing pour Sony Music depuis une dizaine d’années et travaillait avec des vedettes comme Destiny’s Child ou Tony Bennett, sans parler d’un salaire dans les six chiffres. C’est un emploi rare qui fait rêver bien des gens, mais ce n’était pas son rêve. « Je crois que mon cœur a toujours su que je voulais être un artiste », dit celui qui est désormais un « producer » au sujet de son ancienne vie. « Le truc, c’est que j’avais peur de ne pas faire d’argent en tant qu’artiste. »

La passion a eu raison des inquiétudes financières de JESUS CMPLXX et il a quitté Sony et créé un partenariat musical avec Sway Clarke. Ils ont formé le groupe Freedom or Death, qui a connu un certain succès, incluant un contrat avec un « major » aux États-Unis, mais le projet a évolué au fil du temps pour se concentrer sur le travail solo de Clarke puis, plus récemment, sur JESUS CMPLXX. Il collabore encore fréquemment avec Clarke, mais JESUS CMPLXX est un projet solo distinct.

« L’idée, c’est de reprendre le contrôle de ce que je voulais faire depuis le début : faire de la musique pour moi-même », dit CMPLXX au sujet de son expérience de travail avec et pour les maisons de disques. « Si je ne fais pas de la musique, je ne suis pas heureux. »

JESUS CMPLXX prend racine dans une véritable liberté où l’artiste peut jouer avec tous les genres musicaux, combinant des éléments R&B, électroniques et dance pour créer des pièces qui ratissent large et mettent au défi l’auditeur à sortir des sentiers battus. Une partie de cette expérimentation se fit en collaboration avec des artistes comme JHYVE, Aleesia Stamkos et Clarke, qui figurent tous sur son prochain EP. Alors qu’il énumère la liste de ses collaborateurs, CMPLXX ajoute « je souris pendant que je te dis ça, ça veut dire que je suis bien. »

« Tous les artistes ont besoin de se sentir validés », poursuit-il. « Mais je n’ai plus besoin de me sentir validé par l’industrie. Je l’ai déjà eu, et ç’a implosé. Ce qui est vraiment bien dans le milieu de la musique actuel, c’est que c’est très clair lorsqu’on rejoint les gens ou pas. Tant mieux si j’y arrive. Et si je n’y arrive pas, je continuerai d’essayer. »



Tout va bien pour l’auteure-compositrice-interprète Jessica Mitchell.

Quatre fois finaliste aux Canadian Country Music Association Awards (CCMA) et, lors de l’édition 2018 de ce gala, elle a chanté « No Fear », dans un medley des « hits » de Terri Clark, intronisée au Panthéon, en compagnie de Meghan Patrick, Suzy Bogguss et Clark elle-même. En 2017, elle a interprété « Only Love Can Break Your Heart » au Massey Hall dans le cadre de l’intronisation de Neil Young au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens.

Les amis de Mitchell : quelques-uns de ses collaborateurs

  • Tom Cochrane
  • Patricia Conroy
  • Todd Clark
  • Robyn Dell’Unto
  • John Goodwin
  • Tim Hicks
  • Stephen Kozmeniuk
  • Lindi Ortega
  • Meghan Patrick
  • Deric Ruttan
  • Gavin Slate
  • Dave Thomson
  • Matthew Tishler

Mitchell profite également des bénéfices des services de gérance de RGK Entertainment Group et de ceux de l’agence de spectacles The Feldman Agency. De plus, dans la foulée de sa participation au concours « It’s Your Shot » de Slaight Music, il y a cinq ans — et malgré le fait qu’elle ne l’ait pas gagné —, elle a conclu une entente d’édition. Et bien que Slaight soit généralement plutôt considéré comme un incubateur qu’un éditeur, l’organisation a engagé une personne pour présenter ses chansons à Nashville et plus de lui fournir beaucoup de soutien.

« Lorsque j’ai commencé à travailler avec eux, j’allais souvent à Nashville », explique Mitchell. « C’est pour ça que j’ai écrit autant de chansons, parce que j’étais là-bas aussi souvent… J’ai commencé mes collaborations à Toronto et c’est à ce moment que je me suis liée d’amitié avec Gavin [Slate] et Todd [Clark] et Stephen [Kozmeniuk] – le “crew” de Toronto qui sont tous à Nashville, maintenant ! Il a fallu beaucoup de temps, au moins quatre ans, avant que je filtre des centaines de collaborateurs pour trouver “mon monde”… C’est un groupe restreint… Mais cela dit, j’adore écrire avec de nouvelles personnes, j’essaie de continuer à le faire. »

Et qu’est-ce qui se trouve à la source de ce processus de co-création, pour elle ?

« Les conversations », confie-t-elle. « Les conversations sont si importantes. Si vous ne discutez pas avec votre collaborateur, à quoi bon ? C’est quelque chose de très personnel… »

« Je connais certaines de ces personnes vraiment très bien. Ça commence habituellement par “Salut, comment ça va ? Quoi de neuf ? Que se passe-t-il de bon dans ta vie ?” Et habituellement, une idée jaillira… Je ne suis pas comme beaucoup de gens, comme bien des créateurs, qui prennent des notes ou chantent un bout de mélodie dans leur téléphone. Lorsque j’ai une idée, je ne la lâche pas, et elle reviendra. Même si je l’oublie momentanément, je sais qu’elle reviendra, même chose pour les mélodies… »

« À Nashville, il faut écrire relativement rapidement. C’est un truc qui prend trois ou quatre heures : création, enregistrement, démo, “Merci, bonsoir”. Beaucoup de chansons sont créées très rapidement et les modifications, au besoin, viendront plus tard. »

Inspirée par l’honnêteté brute et la trame narrative de la musique country, Mitchell croit qu’au cœur de chaque œuvre musicale se trouvent la douleur et la perte. Elle a espoir que le fait de partager ces expériences personnelles lui permettra de créer un lien authentique avec son auditoire. Plusieurs de pièces sur son album Heart of Glass — dont notamment la pièce titre, « Don’t Love Me » et « Bulletproof » — traitent, du moins en partie, de gens que s’endurcissent afin de ne pas être blessés par l’amour.

Demeurer sain d’esprit en tournée

Mitchell est en plein cœur d’une longue tournée et nous offre quelques conseils pour survivre à la vie sur la route :

  • Prendre soin de soi. « Bien manger, je fais beaucoup de yoga. Même juste cinq minutes de tapis roulant chaque jour. »
  • Organisateurs de bagages. « Je viens juste de découvrir ces trucs ! Ils permettent d’organiser votre valise en petites sections. C’est important d’être bien organisé. »
  • Sommeil. « Beaucoup de sommeil. Et interdit de boire les jours de concerts. »

« Je crois que c’est la vie, ou une partie importante de la vie », poursuit Mitchell. « Il faut avoir la peau dure dans notre domaine, mais aussi dans nos relations et avec notre famille. J’ai passé une bonne partie de ma vie sur mes gardes. Et on dirait que chaque fois que je ne le suis pas, il se produit quelque chose de mauvais. Demeurer ouvert aux possibilités et aux choses positives est super important, mais je crois quand même qu’il faut être sur nos gardes de nos jours… »

Sauf si vous jouez pour Neil Young, auquel cas c’est surtout lui qu’on regarde.

« Je me sens qui si j’avais eu une expérience transcorporelle », dit-elle au sujet de sa prestation devant Young au Massey Hall. « On est sur scène, mais c’est quasiment comme être ailleurs dans la salle et de se regarder. Et de regarder Neil Young vous regarder. C’est sans doute le moment le plus cool de ma vie, à date… On monte sur scène et on se dit “Faut pas que je regarde. Faut pas que je regarde. Faut pas que je regarde.” Je l’ai cherché du regard et je ne l’ai plus quitté. Je crois que je n’ai regardé que lui durant toute ma prestation. C’était incroyable. Tout un “trip”. »



« Dans ma tête, en ce moment, c’est comme si je repars à zéro », assure Stéphanie Boulay au moment de dévoiler Ce que je te donne ne disparaît pas, son premier album solo à paraitre le 2 novembre 2018 chez Grosse Boîte. « Y’a rien de gagné et en même temps… je ne veux rien gagner, c’est ça qui est bizarre. Oui, bien sûr, je l’aime cet album, j’aimerais qu’il rayonne et que les gens l’aiment, mais je ne suis pas attachée aux résultats tant que ça. C’était plus un besoin, une nécessité qu’un geste réfléchi : mon être voulait créer des chansons. »

Lorsque Les soeurs Boulay ont pris une année sabbatique en novembre dernier pour permettre à Mélanie de vivre sa grossesse, Stéphanie s’imaginait voyager et prendre du temps pour elle. « Ça a duré un mois. J’étais malheureuse. Profondément. C’est un défaut que j’ai – je ne prône pas le « workaholisme », mais c’est plus fort que moi, on dirait que j’existe par ma création. » Et c’est aujourd’hui seule comme une seule femme qu’elle existe à travers les huit chansons originales de son premier album qu’elle présentera avec ses musiciens le 8 novembre prochain, dans le cadre du Coup de cœur francophone. « Je me sens ado, comme à première scène, à Cegep en Spectacle! »

Cette collection de chansons originales nous permet de découvrir autrement la sœur, qui s’éloigne des connotations country et folk qu’on connaît au binôme Boulay pour embrasser la chanson française classique. Sur le plan des mélodies et des orchestrations très fleuries, « les chansons s’étendent, mais semblent ciblées dans une époque, parce qu’on a écouté beaucoup de musique de la fin des années 60 et 70 », abonde Stéphanie. Du Brel, du Ferré, « de la musique canadienne », on suspecte beaucoup de Cohen et les premiers albums de Gordon Lightfoot.

La musicienne concède qu’elle faisait face à un certain défi, celui de démarquer ce projet solo du son des soeurs Boulay, « mais en même temps, ce n’était pas vraiment réfléchi, assure-t-elle. Lorsqu’on a commencé à travailler là-dessus, Alex [McMahon, réalisateur] et moi, on ne s’est pas vraiment dit qu’il fallait aller ailleurs, c’est simplement le reflet de nos inspirations du moment. C’était l’époque où je recommençais à écouter du Brel et Françoise Hardy, et Alex me disait qu’il pouvait entendre mes chansons dans ce style-là. On a écouté plein de trucs différents, jusqu’à de la musique brésilienne, ce sont les chansons qui nous ont inspirés, sans effort. C’est comme si nos deux cerveaux s’étaient connectés et s’en allaient au même endroit. »

« Je me sentais comme prise d’une fièvre transcendante en composant. »

Une symbiose qui a bien servi la conception précipitée, « à la toute dernière minute » de l’album, d’abord anticipé comme un EP, explique Stéphanie : « J’avais cinq chansons, toutes pas mal écrites en même temps, à la fin février », sauf la chanson-titre, qui elle existait déjà depuis deux ans.

« Puis, [la chanson qui ouvre l’album] Ta Fille est née, c’était le gros morceau qui sortait », une chanson qui donne le ton au disque, touchante et solennelle. « Je le sens, s’il n’y avait pas eu #metoo y’a un an, cet album aurait été différent, estime Stéphanie Boulay. Il y a beaucoup de vulnérabilité sur cet album que je n’osais pas admettre avant. Et la solidarité féminine, cette sororité que je vis encore davantage depuis #metoo. Je parle beaucoup plus d’amitié que d’amour sur cet album, par exemple sur Des histoires qui ne sont jamais finies, inspirée par mon expérience au Camp d’écriture Kenekt Québec de la SOCAN, toutes les amitiés que j’ai développées là, entourée de la force créatrice de ces gens. La chanson Ta Fille, ce n’est pas seulement la vulnérabilité, c’est aussi la solidarité. C’est se regarder et se dire : Hey, te sens-tu de même toi aussi? Ben fuck off, on le dit. C’est une prise de position. »

Déjà en mai dernier, au bout de deux mois d’écriture, cinq chansons avaient été enregistrées. « Puis, la chanson Les Médailles est sortie toute seule, alors on est retourné en studio. Là, Éli [Bissonnette, patron de Grosse Boîte] m’a demandé si j’avais d’autres chansons, parce que à six, ça fait un EP, mais à huit, ça se qualifie d’album. J’ai été chanceuse, c’est comme si j’étais connectée sur quelque chose, je ne sais pas quoi, mais les tounes me tombaient vraiment dessus. Comme des briques. Je me sentais comme prise d’une fièvre transcendante en composant. »

Exemple : Stéphanie marchait sur la route du quai à Carleton-sur-Mer, dans sa Gaspésie natale, lorsqu’est soudainement apparue la chanson Sauvage et fou, l’une des plus belles du disque. « Elle m’est tombée sur la tête. Je suis vite rentrée à ma chambre et je l’ai finie le soir même. Le week-end d’après, j’étais au chalet, et je me suis souvenue qu’Alex m’avait dit : Ah toi, tu me fais penser à un coyote pris dans un piège qui préfère se manger la patte plutôt que de mourir là-dedans, va écrire une toune là-dessus. Et j’ai écrit Le Piège. Nous sommes retournés en studio in extrémis, deux semaines avant le deadline, pour enregistrer ces deux chansons! »

Si tôt sorti, si tôt derrière elle, ce premier album solo, que la musicienne considère plutôt comme une parenthèse. « J’ai déjà recommencé à travailler avec ma sœur, je pense qu’on a la moitié d’un album d’écrit. Je regarde en avant – autant je suis fière de mon album solo, je le chéris, c’est mon bébé, mon bijou, mais maintenant, j’apprécie d’autant plus la présence de ma sœur Mélanie dans ma vie. »

« Je crois que j’ai une façon assez convenue, carrée, d’écrire, alors que ma sœur a quelque chose de plus créatif, poursuit Stéphanie. Par exemple, je vais écrire des mélodies plus classiques; Mélanie, tout d’un coup, va trouver une manière de la tourner de lui donner quelque chose d’unique. Aussi, moi, je suis pressée : si ça marche, on passe à autre chose. Mélanie peut passer deux heures sur une phrase, un bout de mélodie, pour qu’elle finisse par être à son goût, parfaite. Enfin, sa façon de jouer aussi est rentre dedans. Elle est solide, droite sur ses jambes, elle sait où elle va, alors que moi, je suis plus fragile… »