RALPH: « Écrire des chansons est ma façon de gérer mes émotions »
Article par Melody Lau | jeudi 1 juin 2017
La première fois où Raffa Weyman a écrit une chanson, elle a pleuré. Elle avait 12 et a créé cette chanson en compagnie de sa meilleure amie, un « hit pop épique » qui l’a excitée au point d’en pleurer. Il n’existe pas d’enregistrement de cette chanson, mais depuis, Weyman, sous le pseudonyme de RALPH, a écrit plusieurs petites perles pop qui sont tout aussi excitantes avec leur enrobage de synthés. « Écrire des chansons est ma façon de gérer mes émotions », explique-t-elle. « C’est comme une thérapie, c’est ma façon à moi d’accepter les choses telles qu’elles sont et de tourner la page ; mes chansons sont tellement transparentes qu’elles en deviennent presque autobiographiques, c’est ce qui les rend si vraies et authentiques. »
Ce degré d’honnêteté est cristallisé en vers d’oreilles mélodiques que l’on peut entendre sur son plus récent EP, et ils lui ont permis d’accumuler des milliers d’écoutes sur Spotify et d’attirer de plus en plus l’attention des fans et des critiques. Pour Weyman, le secret d’une chanson pop réussie est « un “hook” de l’enfer et une mélodie qui vous reste collée dans la tête pendant des jours », avec, bien sûr, lorsque possible, des paroles exceptionnelles. Weyman possède tous ces atouts et un rare aplomb pour une artiste en émergence. « Je mentirais si je disais que je suis sûre de moi et de mon son à 100 % ; j’apprends et je grandis, et je me sens vraiment bien », confie-t-elle.
Weyman vient tout juste d’être mise sous contrat par 604 Records, le label de Carly Rae Jepsen, Coleman Hell et Small Town Pistols, et elle planche déjà sur son premier album. Elle collabore avec des producteurs de Londres, Berlin, Los Angeles et Toronto et elle se dit très excitée du travail accompli pour ce premier album jusqu’à maintenant, et elle ne craint pas de prendre quelques risques. « De quoi aurait l’air une ballade des années 70 avec un “drop” de dubstep ? », s’interroge-t-elle. « J’adore mélanger les genres. »
Photo par Patryk Antoniewicz
Corneille : Libre
Article par Claude Côté | jeudi 1 juin 2017
Corneille n’a aucun projet ces jours-ci. Aucun disque ni tournée en vue. Libre comme l’air. « L’écriture de mon autobiographie (Là où le soleil disparaît, 2016) m’a fait découvrir une autre façon d’utiliser les mots, or, c’est plus fastidieux pour moi de retourner au format d’écriture de chansons comme je le faisais avant. J’ai besoin d’une pause. »
Son album le plus récent, Entre nord et sud, remonte à 2013. Un disque épatant de dix-sept pistes écrites par Corneille auxquelles se sont joints entre autres les rappeurs français Youssoupha, Kerry James et Soprano. « J’adore le hip-hop, mais je ne me sens pas assez bon pour en faire. Avec eux, c’était une belle façon d’en incorporer à ma musique. »
Revenu au Québec depuis mars de la tournée européenne du rat pack québécois appelé Forever Gentlemen aux côtés de Garou et Roch Voisine, il constate avec le sourire: « enfiler un costard tous les soirs, c’était très naturel pour moi. Je suis un admirateur du genre crooner comme tout le monde, ce n’était pas un univers nouveau pour moi. Ces chansons, je les chantais sous la douche ou pour endormir mes enfants ! »
Le chanteur a donc retrouvé femme et marmots, puis a jeté l’ancre et balancé l’agenda. Sauf pour Les Francofolies de Montréal, le 9 juin prochain au Club Soda. « Ce spectacle est le prétexte à ne jouer en mode acoustique que mes succès, un beau soixante-quinze minutes de mon best, ça va être la fête ! »
Cinq musiciens et deux choristes épouseront les contours de la voix suave et soul de l’élégant chanteur. « On m’invite aux Francofolies au rythme d’une fois tous les deux ans et cette année, il était facile d’accepter la proposition des programmateurs : souligner avec un spectacle unique et exclusif les quinze ans de mon premier disque Parce qu’on vient de loin, qui est paru en 2002. »
Un premier, faut-il le rappeler, certifié double-platine en France seulement, qui a propulsé le Rwandais d’origine et citoyen canadien depuis 2004 dans les hautes sphères de la célébrité. Le disque-double en concert de 2005, le Live, comme disent les français, atteint pour sa part le statut Triple-Platine. Des chiffres mirobolants.
Un petit coup de rétroviseur ? Corneille, avec six albums derrière la cravate, a comme on le sait une carrière parallèle fort intéressante en Europe, assortie de collaborations diverses, parmi celles-ci, des participations aux disques Génération Goldman en 2012 (Quand tu danses) et GG2 (Bonne idée). De l’humanitaire (Africa Live en 2005), de la pop soul (l’Eurovision 2006, devant un jury présidé par Charles Aznavour). Résultat de cette visibilité, il fut signé chez la mythique étiquette américaine Motown en 2007, un coup fumant qui n’a malheureusement pas eu le succès escompté.
Et, en 2014, il assiste Garou comme juge à The Voice en France. « J’ai adoré. On pourrait penser que dans une grosse machine comme ça on perd l’essence des choses, mais j’ai vu ça autrement. La France et le Québec, c’est pas si différent. J’ai deux carrières parallèles, mais j’ai établi très tôt dans ma carrière sur ces deux territoires de ne faire que la musique qui me tente. Je ne fais pas de distinction de public. Par contre, j’ai l’impression qu’il y a plus d’alternatives en France, au niveau des moyens financiers et du nombre d’opportunités. »
Quelle réflexion porte Corneille sur le chemin parcouru, sur cette quinzaine pas banale du tout ?
« Je m’ennuie très vite et je fais un métier où c’est plus safe d’avoir une certaine constance artistique dans ses choix, garder une ligne qui ne déroute pas trop les gens et les médias. C’est pourquoi, ce que j’ai fait hier, je n’ai pas le goût de le répéter, je pense que mes (six) disques sont assez différents. Sinon, j’aurais l’impression d’étouffer. J’ai une carrière faite d’albums qui ont très bien marché et d’autres pas mal moins (on pense aux deux chanté en anglais, The Birth of Cornelius, 2007 et Sans titre, 2009). Plus le temps passe, plus je ressens le besoin de tout faire ! Je rêve de faire un disque afro-beat avec des musiciens africains. Mais je pense que mon prochain sera un album de reprises. »
Photo par John Londono
Les bonnes étoiles d’Aliocha
Article par Marie Hélène Poitras | mardi 30 mai 2017
On l’a vu émerger à l’automne dernier avec un premier EP comme une carte de visite engageante, mais pas tout à fait parachevée. Pour être franche, la même impression m’avait gagnée au concert d’Aliocha lors du M pour Montréal en novembre dernier. On était devant un mélange de candeur sympathique et de plaisir évident, mais le projet demeurait encore un peu vert.
Aliocha s’apprête à lancer son premier album complet. En peu de temps, sa proposition musicale a mûri. Les idées sont mieux synthétisées et les chansons, cousues par un même fil, moins disparates. On prend un réel plaisir à réécouter les chansons folks sous forte influence Dylan (Flash In The Pan en particulier) d’Eleven Songs.
Aliocha revient d’Europe, où il reçoit un bel accueil. En plus de son contrat avec Audiogram, le jeune auteur-compositeur montréalais né en France a signé avec l’étiquette française PIAS. Il rentre tout juste du festival The Great Escape à Brighton en Angleterre.
« On a fait beaucoup de chemin au cours de la dernière année, j’ai pris de l’expérience depuis mon premier vrai concert en mars 2016. Ensuite, j’ai enfilé 15 premières parties pour Charlotte Cardin. Au début, je me la jouais mystérieux… Maintenant mon approche est plus simple et naturelle, et mes chansons ont évolué au fil des concerts. »
Pour toucher le cœur des gens, Aliocha – qu’on a pu voir au cinéma dans Le Journal d’Aurélie Laflamme 1 et 2, Bon cop bad cop, Ville-Marie et à la télé dans Feux et Les jeunes loups – a dû se départir de ses réflexes de comédien. « Au début, j’essayais de livrer une performance, j’avais trop de contrôle. J’ai appris à m’abandonner, à laisser davantage de place à la musique et à l’imprévu. Je me suis dévoilé au public, mais aussi à moi-même, parce que je ne savais pas comment j’allais réagir. »
« Plusieurs m’ont approché et m’ont fait des offres. Tous semblaient connaître, encore plus que moi, la direction à prendre. »
La musique est entrée tôt dans la vie d’Aliocha. Il se souvient de road trips familiaux avec Cat Stevens et Neil Young en trame musicale. Vers l’âge de 10 ans, il s’inscrit à des cours de chant pour suivre les traces de son grand frère. Quelques années plus tard, il s’intéresse à la guitare. « Je jouais en solo, de façon assez confidentielle, dans ma chambre et pour mes amis. » Jusqu’à ce qu’un jour, dans un café, Aliocha fasse connaissance avec un certain Jean Leloup. Ce dernier le prend sous son aile et l’invite à jammer avec les Lasts Assassins. « Jean m’a enseigné l’importance d’avoir des musiciens pour faire éclore le projet. » Le jam est devenu une séance d’enregistrement de 8 maquettes, qui lui ont permis de trouver une maison de disque et un contrat. Généreux Leloup.
Une autre rencontre marquante fut celle avec le réalisateur Samy Osta (La Femme, Feu! Chatterton), avec qui Aliocha partage de nombreuses références musicales : The Band, Beck, Lennon. « Plusieurs m’ont approché et m’ont fait des offres. Tous semblaient connaître, encore plus que moi, la direction à prendre. Puis Samy est entré dans ma vie, il a pris le temps de venir à Montréal pour apprendre à me connaître. On a longuement échangé avant de plonger. Au début, on ne savait pas exactement où on voulait aller, mais très vite on a vu qu’on avait les mêmes albums phares. Ensuite on a travaillé en binôme dans des studios à Paris et Göteborg en Suède. »
Les deux complices ont enregistré sur bandes avec des guitares vintages et trouvé ce son à la fois moderne et rétro qui dans les meilleurs moments donne des petits bijoux comme Sarah.
La troisième bonne étoile d’Aliocha est celle qui brille le plus fort, celle à qui l’album est dédié : son grand-frère Vadim, décédé tragiquement lors d’un accident de voiture. « C’est lui qui m’a fait découvrir la musique. J’ai perdu mon frère Vadim en 2003, alors que j’avais 10 ans, et c’est ce qui m’a poussé à chanter. Mes premières chansons (Milky Way, As Good As You) sont déguisées en chansons d’amour, mais en vérité elles lui sont destinées.
I just can’t believe that you care for me
You know I want to be moved
By the music that has moved you
Talking about your sunny soul,
You know I’ll never be
As good as you…
Everyone, look at the sun
— As Good As You
C’est désormais au côté de son frère Volodia, batteur dans son groupe, sous les clics de l’appareil photo d’un autre frère, le cadet Vassili – trois têtes blondes bouclées au profil semblable –, qu’Aliocha poursuit devant nos yeux son aventure musicale.
Parution de l’album chez Audiogram le 2 juin En spectacle au FIJM les 29 et 30 juin au Savoy du Métropolis