« La technologie a beau avoir pris beaucoup d’importance dans le rapport entre les auteurs-compositeurs et le public qui apprécie leurs chansons, elle ne serait rien sans cette relation humaine [entre l’éditeur et l’auteur] et ça, j’y crois beaucoup », assure l’éditeur montréalais d’origine française Chrisophe Piot, à la tête de la société d’édition Write Here Music et de la société de gestion de droits voisins All Right Music.

« Aujourd’hui, les artistes, les auteurs-compositeurs, sont plus isolés qu’ils ne l’étaient, d’où la nécessité de former une équipe, une garde rapprochée, autour des auteurs-compositeurs », estime Christophe Piot sans même faire d’allusions à la longue période de confinement que nous venons de traverser. L’éditeur évoque plutôt les nouveaux défis auxquels fait face le milieu de l’édition à l’époque de la numérisation de la musique.

Et l’éditeur associe librement l’idée d’une équipe à celle d’une petite famille : « Je vois le métier d’éditeur comme celui d’un artisan. Certains peuvent travailler avec des catalogues de centaines de milliers de titres – et je l’ai vécu en travaillant avec de grosses maisons d’édition -, mais aujourd’hui, nous sommes un peu comme une petite “chic boutique”, avec très peu d’auteurs. C’est comme si on avait même une relation avec chaque chanson, puisqu’on en représente beaucoup moins. »

Après avoir passé l’essentiel de sa carrière dans le milieu de l’édition musicale en France, cela fera deux ans en août que Christophe Piot s’est installé au Québec, d’abord « par attachement profond pour le pays même, le Québec, son enthousiasme et son ouverture d’esprit. Mais aussi pour une raison commerciale, puisque depuis 2004, j’ai des partenaires à Montréal, une boîte qui s’appelle Premier Muzik, dans le domaine aussi des droits voisins. »

Professionnellement, l’éditeur entretenait déjà des liens avec l’industrie musicale québécoise depuis les années 1980, puisqu’avant de fonder Write Here Music et All Right Music il y a une quinzaine d’années, il a travaillé dans les bureaux parisiens de MCA Music Publishing, du label Tréma, puis chez Warner Chappell : « J’ai travaillé pour cette maison qui représentait Jean Leloup, à l’époque de l’album Menteur. On avait aussi signé Robert Charlebois, on rééditait Félix Leclerc. Plus tard, en droits voisins, j’ai signé Natasha St-Pierre, et travaillé des chansons de Céline Dion en édition. Tout au long de ma vie professionnelle, j’ai entretenu un lien avec la musique d’ici. »

« Je dois dire que la fidélité et la loyauté sont quelque chose de rare et de précieux. »

La notion de famille et d’artisan transparaît même dans le répertoire de Write Here Music, qui représente d’importants musiciens issus de la scène électronique, et particulièrement celle de la France, avec des noms tels que David Guetta, Agoria, Air et plusieurs autres. « Absolument, et particulièrement avec David Guetta, avec qui je travaille depuis presque 20 ans. Je dois dire que la fidélité et la loyauté sont quelque chose de rare et de précieux. C’est là que, réellement, on peut parler de relations humaines. Éditeur, c’est un métier de passions, un métier qu’on choisit, et à cet égard, j’ai eu une bonne étoile, celle d’avoir croisé la route d’auteurs-compositeurs qui m’ont accordé leur confiance et qui me font toujours confiance. »

Si les sociétés fondées par Christophe Piot conservent leurs assises en Europe et aux États-Unis, c’est désormais depuis Montréal qu’il en assurera le développement, en espérant ajouter quelques nouveaux membres québécois à sa famille. « Mon arrivée ici se fait par étapes; je suis arrivé dans le milieu avec beaucoup d’humilité, dans ce pays et cette scène que nous découvrons. J’entretenais déjà de bons liens avec des éditeurs québécois, je connaissais déjà certains membres de la SOCAN, et j’ai été fort bien accueilli ici. Y’a une communauté de musiciens très intéressants – par exemple Pierre-Luc Rioux, un guitariste qui a d’ailleurs travaillé avec David Guetta. »

« Il y a ici une scène musicale incroyable, ajoute Christophe Piot, alors si vous me demandez quelle sera la prochaine étape, j’espère signer avec un auteur-compositeur québécois. J’écoute beaucoup de choses faites par des musiciens d’ici – par exemple, Éli Rose, quelqu’un avec qui j’aimerais beaucoup travailler ! Un autre : un DJ qui s’appelle Domeno. Ses chansons ont été jouées par plein d’autres DJs. Cette scène qu’on appelle EDM me semble moins représentée au Québec », un filon naturel pour l’éditeur qu’il compte bien fouiller ici. À bon entendeur…