Paul JacobsRévélé au sein du buzz band garage-punk montréalais Pottery, l’auteur-compositeur-interprète Paul Jacobs retrouve aujourd’hui le plaisir de jouer en groupe, maintenant que le pire de la pandémie semble derrière nous.

« Et parce que je travaille avec [le label] Bonsound [et son sous-label Blow the Fuse], ça me permet de découvrir le Québec en tournée, se réjouit-il. Je reviens justement de cette petite île tout près de Baie-Saint-Paul? » L’Isle-aux-Coudres, la merveilleuse! Et son petit cabaret nommé la Fascine! « La Fascine, yeah! Pretty cool – ils ont construit une sorte de grange où ils organisent les spectacles, et ils nous prêtent ces petits chalets… On se cherchait un endroit pour aller se baigner, mais le fleuve n’est pas très propice pour ça, par contre. »

Et il repartira en tournée cette semaine dans le Mid West américain, où sa propre saveur de chanson rock suscite de l’intérêt. « Ces temps-ci, je mets presque tout mon temps sur mon projet solo », composant tout en repartant sur la route. Pottery a lancé son premier album Welcome to Bobby’s Motel à l’été 2020, mais depuis, Jacobs a enrichi son propre répertoire, déjà bien garni, d’un excellent album complet (Pink Dogs on the Green Grass, 2021) et d’un mini-album tout frais, 185 on the Corner, qui fait dévier le musicien du côté psychédélique et groovy de la chanson rock. « À l’époque où j’écrivais ces chansons, je découvrais la musique d’Arthur Russell – son mélange de folk et de sons électroniques, ça m’a influencé. Et Neil Young, que j’ai écouté toute ma vie. »

Composées après les sessions de travail de l’album, ces cinq nouvelles chansons sont encore plus influencées par l’atmosphère pandémique, précise Paul Jacobs, « ce qui explique la vibe différente. J’aime bien toujours essayer des trucs différents – si t’écoutes mes précédents albums, tu constateras qu’ils sont tous assez différents les uns des autres. »

La particularité de la démarche de Jacobs, c’est qu’elle est autonome. L’Ontarien d’origine est un homme-orchestre, composant seul, jouant de tous les instruments, s’enregistrant et se réalisant lui-même. « Je tournais beaucoup à travers le Canada, et à chaque fois qu’on s’arrêtait à Montréal, les shows étaient toujours cools. Tu sais, lorsque tu débarques dans une ville et que tu te sens bien? Je pouvais donner des concerts en solo, et les gens dansaient et s’amusaient. Me suis dit que ça valait la peine d’essayer d’y vivre ».

Artiste visuel, il conçoit même les pochettes, remarquablement dynamiques et colorées, « juste pour bien illustrer l’atmosphère de la musique. Bon, je n’aime pas tellement commenter mes illustrations, mais le choix de couleur [dominante, le bleu sur son dernier EP] paraît plus froide, comme si j’étais plus vulnérable, que j’exprimais davantage mes émotions. Comme si je montrais une autre facette de ma personnalité. »

« D’habitude, j’utilise beaucoup le vert, parce que c’est ma couleur préférée ». La couleur de l’espoir est remarquablement présente sur les pochettes de quatre de ses précédents albums. « Les illustrations visuelles sont un complément à la musique, ma priorité, mais en peinture comme en musique, c’est un peu la même chose : tu pars de rien, et au bout de la création, quelque chose existe, et tu ressens le même genre de satisfaction d’avoir créé quelque chose. Et de tout faire d’un coup, la pochette, chanter, jouer la batterie, les guitares, puis assembler tout ça, c’est excitant. »

« Lorsque je compose, normalement, j’agrippe ma guitare acoustique, mais j’ai toujours mon kit de batterie d’installé, alors souvent, je m’y assois et j’enregistre un rythme » qui servira de socle sur lequel il érigera une nouvelle chanson. « Cela dit, y’a aussi un piano dans le studio, parfois je vais m’y asseoir. L’inspiration me vient de partout; par exemple, la chanson Christopher Robbins sur l’album [Pink Dogs on the Green Grass], je l’ai commencée en jouant des bongos et me disant : Tiens, je devrais enregistrer ça et essayer d’y mettre une ligne de basse qui serait cool! »

« Parfois, j’ai déjà un sujet de chanson en tête, mais souvent, je chante n’importe quoi, des sons, juste pour voir ce qui sort de ma bouche, sans trop réfléchir. Je ne sais pas, c’est bizarre avec les chansons… J’ai parfois l’impression que d’en composer est une « out-of-body experience », comme si les chansons existaient déjà et que je ne faisais que découvrir qu’elle était là. Et lorsque j’ai ce sentiment, c’est là que je sais que je travaille bien, de manière très organique. »