Ta bouche sur la mienne et ton corps au mien sont les premiers mots qui amorcent Cassiopée, le septième album solo de Mara Tremblay. Cette première pièce, Ton corps au mien s’inscrit dans les thèmes chers à l’auteure qui, elle, s’enchaîne avec fougue et tendresse à l’amour, l’amitié et la proximité de l’autre.

Mara Tremblay

Photo: Isabelle Viviers

Mara Tremblay renoue ici avec son essence des débuts, son rock à elle, sa nature sauvage et surtout, avec les gens. Le dicton veut que travail et famille ne fassent pas bon ménage, mais, pour Mara, plus on est près des siens, plus on est libre. Et c’est une idéologie qui s’applique également au travail. « Mes enfants grandissent et ils jouent de la musique, évoque-t-elle comme une évidence. C’est un rêve qui se réalise aujourd’hui, parce qu’avant ils étaient trop petits pour faire partie du band. »

Cassiopée est rapidement devenu une histoire de famille où elle se met encore plus à nu que sur la pochette de Tu m’intimides (2009). Le résultat est un cocon chaleureux et inspiré qui provient de cette filiation, cette proximité. « Mon fils Victor (Tremblay-Desrosiers) a été là dès le tout début. C’était évident que je voulais travailler avec lui en premier. Aucun batteur ne me comprend plus que lui. Le premier beat qu’il a entendu, c’est mon cœur, dit-elle, émue. On s’entend super bien. Il ne vit plus à la maison donc quand on se voit pour la musique, c’est toujours des petites retrouvailles. Il est extrêmement ouvert et talentueux. Il peut jouer n’importe quoi : du jazz, du rock, du punk, du rap. » Son autre fils Édouard Tremblay-Grenier a joué de la guitare et participé à l’écriture de deux chansons pour l’album, puis, son ex, Sunny Duval, trouve sa place aux instruments et aux textes un peu partout.

« Je contemple la nature, les étoiles, les amours et les amitiés et ça me suffit à créer maintenant. »

Le bonheur, qu’il soit personnel ou familial, se sent d’un bout à l’autre de l’album.  « Tous les noyaux de tounes ont été enregistrés live. Ça capture l’énergie et la vie qui nous entoure, et là-dedans, il y a beaucoup d’amour, explique-t-elle. Je voulais que le résultat de cet album-là soit un bain d’émotions positives et intenses. Je voulais faire quelque chose qui fasse du bien. » Ayant toujours coréalisé ses albums, Mara Tremblay fait cette fois le grand plongeon de la réalisation solo. « J’ai toujours participé aux pochettes, aux vidéoclips. J’ai toujours eu beaucoup de liberté. Je n’aurais pas été heureuse sans ça. J’ai toujours fait ça, main dans la main avec Olivier Langevin. Il avait 18 ans quand on a fait Le chihuahua (1999). J’ai toujours voulu ça comme ça parce que je voulais pouvoir dire que c’était MA musique. » Cette fois-ci, elle admet qu’Olivier et elle se sont un peu perdus et qu’il était très occupé : « Je me suis dit : regarde, je vais le faire ! J’ai utilisé les mêmes méthodes et ça fait tellement longtemps qu’on travaille ensemble que je l’entendais dans ma tête quand je travaillais. »

Mara Tremblay

Photo: Isabelle Viviers

Se remariant avec son rock, Mara nous amène même dans une petite facette punk-rock sur Carabine et embrasse le style qu’elle a chéri depuis ses débuts. Et dans son parcours riche et durable d’auteure-compositrice-interprète, elle perçoit de la beauté et de la finesse. « Quand je réécoute Papillons (2001), je me rends compte que je suis la même personne aujourd’hui, mais avec moins de tourments. Mes enfants sont plus grands, mais je suis la même. Dans ma tête à moi, dorénavant, on a tous le même âge ! »

Une petite étincelle d’idée lui permet d’écrire beaucoup de choses depuis qu’elle a gagné en sérénité. « J’ai jeté ce qui m’a brisé, lance-t-elle. Je contemple la nature, les étoiles, les amours et les amitiés et ça me suffit à créer maintenant. » Elle souhaite que les images qui découlent de ses histoires se greffent à nos vies et nos peines en écoutant. C’est le message qu’elle portait également sur scène lors de son lancement au début du mois : « Cette chanson parle du moment où l’on ne sait plus si on est amis ou autre chose. Ça nous arrive tous à un moment donné », a-t-elle d’ailleurs raconté avant d’entamer Le fleuve et la mer, lors du spectacle qui soulignait la naissance de Cassiopée.

Au-delà de la douceur rock de Mara se trouve une œuvre longue et durable, constamment renouvelée. Ici, elle s’étend sur des milles et milles et devient enveloppante de par la fierté maternelle qui s’y insère, tout simplement.

 



Après s’être taillé une place au sein de la communauté des auteurs-compositeurs-interprètes torontois, la très appréciée Emma-Lee a déménagé ses pénates à Nashville en février 2017 pour y poursuivre sa carrière.

Et elle ne regrette pas sa décision. « La ville a dépassé toutes mes attentes », dit-elle. « J’ai écrit plus de chansons cette année que jamais auparavant ; la ville nourrit cet appétit. »

Ironiquement, vivre à Music City lui a également offert plus d’occasions de travailler avec des auteurs-compositeurs canadiens. « À Toronto, je collaborais avec des artistes country, mais il n’y en avait pas beaucoup qui s’y rendait pour écrire leur album », explique-t-elle. « Mais pratiquement toute la scène country canadienne vient à Nashville, alors j’ai plus souvent l’occasion de collaborer avec eux, et c’est génial. »

« Je n’ai toujours pas d’éditeur », confie Emma-Lee, « mais j’aimerais bien travailler avec un éditeur. Je crois quand même que plus on est autonome avant de se trouver dans une situation d’édition, mieux on est équipé pour celle-ci lorsqu’elle arrive. »

Sa discographie de co-écriture de pièces enregistrées et interprétées par des artistes canadiens est impressionnante : Madeline Merlo, Michelle Treacy, Kira Isabella, Nice Pony, Victoria Duffield, Alee, Leah Daniels, SATE et Tia Brazda, pour ne nommer que celles-là. Elle est par ailleurs ravie de la pièce écrite avec sa collaboratrice de longue date, Karen Kosowski, ainsi que Phil Barton qui figurera sur le prochain album de Brett Kissel, ainsi que de récentes collaborations avec Sam Drysdale et Stacey Kay.

« Tom Petty qui mentionne mon nom dans le magazine Rolling Stone c’est pas mal la chose la plus cool au monde ! »

Photographe, en plus
Outre sa solide carrière musicale, Emma-Lee est également photographe professionnelle depuis une dizaine d’années, et elle se spécialise dans les clichés de musiciens et d’acteurs. « Je faisais beaucoup de photo à Toronto, mais ici, à Nashville, je recommence à zéro. Le fait que je prenne des photos de musiciens et que je collabore constamment avec des auteurs-compositeurs et des interprètes aide à faire passer le mot. Je dois justement faire un photo shoot avec [l’auteur-compositeur canadien de renom] Tebey [Ottoh] ici la semaine prochaine. Ce que j’aime de la photographie ici c’est que j’ai accès à tout un monde de nouveaux endroits pour prendre des images. J’habite East Nashville et on y retrouve une ambiance rétro que j’adore. Ç’a ravivé la flamme de mon inspiration. »

Sur le chemin de la création musicale, Emma-Lee a eu la chance de collaborer avec certains des plus grands auteurs-compositeurs canadiens, dont Ron Sexsmith, Todd Clark, Donovan Woods et Gavin Slate. Elle a avidement appris tout ce qu’elle pouvait de ces rencontres, et elle nous parle d’une séance de création à Los Angeles, plus tôt cette année, avec Brian West (Nelly Furtado, Maroon 5) qui fut des plus inspirantes.

« Je suis ressortie de là avec une approche légèrement différente de l’écriture », avoue-t-elle. On ne sait jamais quand ce genre de chose va se produire. Une bonne chose au sujet de Nashville, c’est qu’on y fait constamment de nouvelles rencontres qui nous permettent de voir comment les autres travaillent. On retient quelques aspects de leur approche, on l’applique à notre travail et on en ressort plus forts. »

Emma-Lee s’est d’abord fait connaître comme artiste solo avec le succès critique de ses premiers albums, Never Just A Dream (2009) et Backseat Heroine (2012). Son simple lancé en 2014 en l’honneur de son héros musical fut l’un des faits saillants de sa carrière.

La chanson « What Would Tom Petty Do? » est venue à l’attention de Petty et il a répondu dans les pages de Rolling Stone « je ne sais pas ce qu’il ferait, mais c’est gentil de le demander. » « Tom Petty qui mentionne mon nom, c’est pas mal la chose la plus cool au monde ! »

Son nouvel album, Fantasies, a été lancé sous forme de deux EPs de cinq chansons. Fantasies Vol. 1 est paru en octobre 2017 et Vol. 2 paraîtra en janvier 2018. « Lancer des œuvres moins volumineuses vous rend service, à long terme », croit l’artiste. « Ça donne une chance aux gens de digérer de plus petites portions de ce que vous tentez d’exprimer. Je suis une créatrice de musique, et même moi j’ai parfois de la difficulté à écouter un album en entier. Si je suis capable de m’avouer ça, je dois être honnête dans ma manière de lancer ma musique. »

Les chansons qu’on retrouve sur Fantasies ont été écrites à Toronto, Los Angeles et Nashville et produites par Kosowski, qui a également coécrit la majorité d’entre elles. Todd Clark a participé à l’écriture de « Not Giving Up On You », et un remix dance de cette chanson connaît un succès certain. « Elle a déjà cumulé un demi-million d’écoutes sur Spotify, alors j’imagine que ça veut dire que les gens aiment danser », dit Emma-Lee. « No Photographs », coécrite avec Kosowski et Ron Sexsmith, figurera sur le deuxième EP.

Emma-Lee a beau avoir des goûts éclectiques comme chanteuse et auteure-compositrice, elle qualifie néanmoins Fantasies d’album de pure pop. « Je crois que c’est l’album le plus cohérent que j’ai enregistré. Karen et moi écoutions des productions pop des années 80 et 90 à l’époque, et nous avons eu envie d’aller dans cette direction. »

« Écrire des chansons avec et pour d’autres gens m’a fait prendre conscience que je pouvais me permettre de laisser libre cours à mes tendances stylistiques, ici. J’adore toucher à différents styles musicaux, mais lorsque vous tenter de faire ça en tant qu’artiste, ça peut devenir difficile pour votre auditoire de saisir qui vous êtes. »

Au début, elle écrivait tout son matériel seule, mais Emma-Lee est désormais mariée à la coécriture. « Mon expérience m’a démontré que lorsque je présente une idée à une personne en qui j’ai confiance, cette idée en ressort invariablement améliorée », affirme l’artiste. « Et puis, j’aime vraiment travailler avec d’autres artistes. Ça n’est pas si amusant que ça de travailler seule, en toute honnêteté. »

 

 



Sous-éditeurs : BMG Rights Management Canada, Universal Music Publishing Canada

En tant que première artiste issue du monde du hip-hop canadien à obtenir un contrat de disques aux États-Unis, l’histoire de Michie Mee est aussi emblématique de ce monde que de notre pays lui-même.

Née à Saint Andrew Parish, en Jamaïque, dans les années 70, sa famille déménage au Canada lorsqu’elle a 6 ans, et elle a passé le début de son adolescence dans le quartier torontois Jane and Finch, tout en rendant visite à sa tante dans le Bronx, à New York. Ses expériences et son attitude typiquement canadiennes — sans parler de son accent —, ainsi que son talent de calibre mondial pour le « battle rap » attirent rapidement l’attention des plus grands noms du hip-hop comme KRS-One, qui a dit ceci à son sujet : « c’est la plus importante des intellectuelles de l’industrie du rap au Canada et une percée majeure pour les rappeuses partout dans le monde. »

C’est en 1991 que le Canada fait connaissance avec Michie Mee et son premier album intitulé Jamaican Funk – Canadian Style, (First Priority/Atlantic) d’où a été tiré le succès du même nom qui a été mis en nomination pour le prix JUNO du meilleur enregistrement rap. Bien qu’aujourd’hui, le rap canadien à saveur caribéenne (p. ex. « One Dance » de Drake) domine le monde, la jeune « Jamaïcaine en charge » demeure la Première Dame du hip-hop canadien et elle poursuit toujours sa carrière de rappeuse, d’auteure-compositrice et d’actrice. Elle a récemment lancé le premier simple, « Thank You », d’un album à paraître en 2018. La SOCAN s’est entretenue avec elle depuis sa résidence de Toronto.

Vous aviez déjà lancé quelques simples, mais il s’agissait de votre premier album. D’où vous est venue l’idée pour « Jamaican Funk » ?
Le concept était de faire un album avec une face reggae et l’autre face hip-hop. Mais à quoi ressemble le reggae canadien, puisque je suis malgré tout une artiste canadienne ? J’ai rencontré King of Chill d’Alliance, le producteur de MC Lyte, qui était également sur First Priority, et il avait cette idée de chanson pour « Jamaican Funk » basée sur la pièce « Funking for Jamaica » de Tom Browne [1980], et qui faisait référence au quartier Jamaica de Queens, à New York. Notre version est donc venue du fait que je suis une Canado-Jamaïcaine. Et « Jamaican Funk — Canadian Style » est devenu un classique.

Il y a également des pièces dancehall sur l’album, en plus du reggae et du hip-hop. Pourquoi vouliez-vous amalgamer tous ces genres ?
J’aime la musique, c’est aussi simple que ça. Ça m’étonne que je ne sois pas devenue une guitariste rock, car j’adore ça. C’était moi qui demandais toujours que le hip-hop soit représenté durant Caribana !  C’était naturel pour moi, une représentation honnête de ma culture.

À quel point était-ce nouveau de rapper avec le patois jamaïcain sur un label américain, à l’époque ?
À l’époque le hip-hop avait un accent, et c’était un accent américain. Et à l’époque, les Jamaïcains étaient représentés comme des gens violents dans les médias, alors ce n’était certainement pas quelque chose d’anodin pour une maison de disques. On était encore dans les tous débuts du hip-hop. Et me voilà, avec mon accent et un genre musical en pleine construction. Le bon côté de cela est qu’il n’y avait pas de règles établies. Le fait d’être canadienne, jamaïcaine et très sûre de moi a fait que je n’avais pas peur de devenir une artiste de calibre international. D’autres rappeurs jamaïcains étaient venus avant moi. Les influences étaient déjà établies depuis Kool Herc. Ce qui me distinguait, c’était ma perspective canadienne.

Quelle influence a eu le « battle rap » sur votre style ?
Ça m’a rendue très compétitive. L’attitude typique de la lutte : « je suis la meilleure, je ne cèderai pas ma place ». Le sens du drame. Et de la comédie. En tant que femme, cela devient une force. Certains « battle raps » sont si personnels, si méchants, que lorsque venait le temps d’écrire des chansons, il y avait beaucoup de remise en question. Il faut dire aussi que j’étais jeune et que je ne savais pas encore comment les choses fonctionnent. Je n’étais même pas sûre que j’étais censée être en studio avec tous ces mecs. Mais j’y étais, et j’avais toutes ces idées. Et si vous pensez que vous n’êtes pas à la hauteur, vous rentrez chez vous et travaillez de plus belle.

Avec le recul, quel est votre meilleur souvenir de cette chanson ?
Lorsque je l’ai interprétée à Electric Circus [une émission de télé Torontoise de danse]. Je revenais tout juste de Jamaïque et de magasiner à New York, et quand nous sommes arrivés au Canada, il y avait cette nouvelle émission de télé et nous y étions. On a dit à tous nos amis « venez à MuchMusic ». Tout le monde ne rêvait que de ça. On s’est tous rencontrés dans le stationnement King Lou [de Dream Warriors] était pour être le « hype man ». Je suis encore sur un nuage quand j’y repense.