Les groupes hommages courent les rues, mais très peu sont suffisamment entreprenants — et chanceux — pour collaborer avec les artistes à qui ils rendent hommage. C’est précisément ce qui distingue Icons of Soul de reste de l’industrie de la nostalgie.
Ce projet — composé d’un album intitulé Icons of Soul Vol. I et d’une série documentaire — a été conçu par le chanteur soul manitobain Luke McMaster et son partenaire de création Arun Chaturvedi. Ils ont du soul, à n’en point douter, mais leurs invités spéciaux sont les véritables icônes du soul : le légendaire auteur-compositeur de Motown Lamont Dozier qui, en compagnie des frères Holland, a coécrit et produit des dizaines de « hits » pour les Supremes, The Four Tops et tant d’autres, ainsi que Felix Cavaliere, le leader du groupe The Rascals.
McMaster, qui a lui-même connu du succès dans les années 90 avec son duo soul-pop McMaster and James et par la suite en solo, affirme qu’il s’agit d’une progression naturelle, quoique fortuite. « J’ai toujours adoré Motown et le soul classique », dit-il. « Le premier album que j’ai enregistré après McMaster and James, All Roads, était très influencé par Motown et proposait plusieurs reprises et quelques chansons originales. »
Durant un voyage d’écriture à L.A., McMaster et Chaturvedi ont fait la rencontre de Leeds Levy, un éditeur de musique et fils du légendaire éditeur Lou Levy, responsable d’avoir donné « Downtown » à Petula Clark et « Strangers in the Night » à Frank Sinatra, entre autres. « Leeds est l’éditeur d’Elton John et les Rascals ont joué à sa bar mitzvah », raconte McMaster. « On a insisté et insisté et on lui a laissé un exemplaire de All Roads. »
« À ma grande surprise, il m’a rappelé le lendemain et m’a dit “j’ai toujours pensé que quelqu’un devrait faire un album comme ça. Que dirais-tu si je te mettais en contact avec certains de tes héros afin que tu puisses écrire avec eux au lieu de faire un autre album influencé par leur musique ?” Il était emballé par l’idée. »
McMaster et Chaturvedi étaient tout aussi excités, mais un doute planait à savoir si Levy réussirait à convaincre des légendes de collaborer avec deux Canadiens relativement inconnus. Mais en fin de compte, Dozier et Cavaliere ont exprimé leur intérêt et McMaster croit qu’il sait pourquoi.
« Lamont a écrit pour plein d’artistes différents, mais ils essaient souvent de le changer », explique-t-il. « Il a dit “je me retrouve dans plein de studios où on me demande d’échantillonner un truc ou d’écrire quelque chose de plus moderne. Vous, ce que vous voulez c’est moi et rien d’autre.” Il était ravi de ça et je crois que Felix et lui ont aimé l’expérience de voir leur musique à travers nos yeux. »
Dozier est au centre du premier épisode de la série documentaire — qui n’est pour l’instant disponible qu’aux États-Unis bien qu’ils soient à la recherche d’un partenaire de diffusion canadien — tandis que celui mettant en vedette Cavaliere sera bientôt tourné à Nashville et ils espèrent ajouter d’autres icônes à leur liste. « Intituler l’album Volume II est une façon assez peu subtile de dire qu’on espère durer », explique McMaster.
Dozier et Cavaliere ont tous deux écrit deux chansons avec McMaster et Chaturvedi en plus de chanter sur de nouvelles versions de leurs « hits » – « Groovin’ » pour Cavaliere et un medley de « Where Did Our Love Go », « Stop in the Name of Love », « Come See About Me » et « Baby Love » pour Dozier. Quant à McMaster, cette expérience n’était pas uniquement une occasion de leur rendre hommage, mais une occasion d’apprendre, également. « C’était important pour nous », dit-il. « Imaginez tout ce qu’on peut apprendre des gars qui ont contribué à l’invention de la musique pop ! C’est fou quand on y repense. »
« On est arrivés bien préparés avec plein d’idées. On ne voulait pas se trouver dans une position où on ne savait pas dans quelle direction aller. »
L’une de leurs idées a été d’écrire une chanson sur et avec Dozier qui serait parsemée de titres de ses chansons. « On lui a présenté le concept de “My Life Is a Song” et il s’est immédiatement assis au piano pour y jouer des mélodies que personne d’autre que lui n’aurait pu trouver », raconte McMaster. « Et personne d’autre ne peut phraser comme lui le fait. Et quel chanteur, en plus ! C’était hallucinant. »
McMaster joue à un petit jeu où il tente de passer deux semaines sans entendre une chanson de Dozier. « C’est impossible », dit-il. « Il est plein d’idées, il écrit tous les jours. Felix prépare un autre album et il dit qu’il n’arrêtera jamais de monter sur scène. Peut-être que leur musique est réellement la fontaine de jouvence, qui sait ? »
Chaturvedi et McMaster écrivent habituellement au piano et à la guitare, respectivement, mais quand il est question de soul, c’est plus souvent par un rythme à la batterie et une ligne de basse qui sert de point de départ.
« Je me nourris des lignes de basse, ç’a toujours été comme ça », dit-il. « C’est rigolo, parce qu’on discutait de la ligne de basse de la chanson de Holland-Dozier-Holland “I Can’t Help Myself (Sugar Pie Honey Bunch)” et on en a trouvé une semblable avec Lamont. Si ça avait été n’importe qui d’autre, je me serais dit “assurons-nous que ça ne ressemble pas trop à ‘I Can’t Help Myself’. Mais là, on travaillait avec le gars qui a écrit cette chanson. Pas grande chance qu’il se poursuive lui-même en justice, alors je crois qu’on est en sécurité !”