Iqaluit, Nunavut : c’est la Nunavut Music Week 2.0 et le rappeur FxckMr profite de l’occasion pour rencontrer un petit groupe de représentants de l’industrie, la plupart de Toronto, qui se sont déplacés pour en apprendre plus au sujet de la capitale tout aussi éloignée que belle et éloignée et de sa communauté de 7700 âmes et des problématiques, notamment logistiques, que doivent affronter les musiciens locaux.

FxckMr — de son vrai nom MisterLee Cloutier-Ellsworth — y donne de nombreuses prestations à la Inuksuk High School dans le cadre d’une émission spéciale de Q pour la radio de la CBC, à la légion royale canadienne (la seule vraie salle de spectacles), dans un festival en plein air à Frobisher Bay et lors de la soirée micro ouvert NuBrew.

Durant le jour, il donne également une prestation au Franco-Centre où ont lieu des séances d’information informelles pendant lesquelles tous les représentants de l’industrie et les autres participants s’assoient en cercle et racontent ce qu’il font et répondent aux questions des musiciens ; il s’agit en quelque sorte d’une séance de mentorat pour ceux qui sont intéressés. FxckMr est intéressé.

“J’ai toujours eu du talent pour articuler mes pensées et mes nouvelles idées.”

À la fin de l’événement de trois jours, il a gagné le cœur des visiteurs qui ont été éblouis par ses rimes et charmés par sa personnalité attachante. Il a fait tellement bonne impression que même le quotidien The Toronto Star parlera de lui. Mais le sourire de FxckMr cache le fait qu’il utilise le hip-hop la dure réalité de la vie dans le Grand Nord, une vie qui est souvent minée par la dépendance, la dépression et le suicide pour bon nombre de jeunes du territoire.

Son premier album, 1997, propose huit pièces qui seront lancées le 20 septembre, dont quelques-unes — « Higher », « PMFWAFT » et « Hunnid Grand » – sont déjà parues sur Aakuluk Music, le label fondé par le populaire groupe The Jerry Cans, également d’Iqaluit, et Six Shooter. FxckMr vient à peine d’avoir 22 ans et il y aura fallu 5 ans pour en arriver à ce point, c’est-à-dire le lancement d’un album hip-hop à l’échelle nationale avec le soutien de l’industrie.

« J’ai toujours eu du talent pour articuler mes pensées et mes nouvelles idées », dit-il lors de la séance au Franco-Centre. « J’ai commencé à écrire de la poésie vers l’âge de 15 ans. J’ai sans doute commencé avant ça, mais c’est à 15 ans que je me suis dit que j’aimais vraiment ça. »

Il n’y avait toutefois pas de scène hip-hop à Iqaluit. La majorité de la musique est traditionnelle et est transmise de génération en génération par les aînés. « Ce que la majorité des gens veulent entendre, ce sont des groupes rock ou des chanteurs folks qui s’expriment en Inuktitut », dit FxckMr.

“Je n’étais pas un grand fan de hip-hop. J’aimais bien Childish Gambino et un peu Eminem quand j’avais 15 ans, mais le hip-hop n’était pas mon principal centre d’intérêt. J’aimais surtout la musique électronique et le dubstep, mais vers l’âge de 17 ans, la tendance s’est inversée.”

FxckMr a vécu à Montréal lorsqu’il avait 16 ans — la famille de sa mère est originaire de la ville et il y est désormais installé lui-même —, et c’est là que ses amis ont commencé à lui faire découvrir le rap, et c’est à son retour à Iqaluit un an plus tard qu’il a découvert les artistes hip-hop locaux comment Lekan Thomas, Hyper-T et Brian Tagalik.

« On a commencé à faire du freestyle et après il y a eu un concours amateur à l’école secondaire, et le hasard a voulu qu’il ait lieu alors que nous étions en plein milieu d’un module sur la poésie dans notre cours d’anglais, alors je n’ai pas hésité une seconde. » Il a été accueilli chaudement et a décidé de continuer à écrire, et pas qu’un peu : il a écrit près de 200 chansons depuis.

« Je n’ai pas encore commencé à m’intéresser à la production, pour le moment », dit FxckMr. « Je veux parfaire ma plume, avant tout. Je me concentrerai ensuite sur parfaire mon talent de “producer” puis de musicien. Je sais que je veux apprendre la batterie, les claviers et peut-être la guitare. Je ne sais pas à quel point j’ai du talent pour tout ça, mais je veux sortir de l’écriture un peu. »

Bien qu’il croit fermement qu’il faut préserver les langues inuites, FxckMr rime toujours en anglais. « Je sais que je pourrais m’asseoir et écrire une chanson en Inuktitut, mais je ne pense pas que ça aiderait ma carrière d’une quelconque façon, pour l’instant. »