Né en Argentine, exilé au Mexique, déménagé en Gaspésie à l’âge adulte et maintenant installé à Montréal, Juan Sebastián Larobina possède un bagage de vie atypique. De cette accumulation d’expériences est née une fusion musicale hors du commun, palpable sur son plus récent album, intitulé Somos. Mais étonnement, il lui aura fallu bien des années avant de véritablement plonger dans ses racines culturelles. « J’avais 10 ans lorsque nous avons fui la dictature en Argentine. Je jouais déjà de la musique. Cela a toujours été mon moyen d’expression et ma thérapie. Je crois que j’ai fait économiser bien des dollars en psy à ma famille! Mais plus jeune, j’étais surtout attiré par le rock, le funk et le progressif, comme tous les ados au fond. La recherche de mes racines est venue plus tard. Et ce n’est que récemment que j’ai commencé à apprécier le tango, à quasiment 40 ans et très loin de chez moi, » révèle-t-il.

 

Le déblocage a donc eu lieu une fois bien installé au Québec, en grande partie par son implication dans le programme Les artistes à l’école. « J’ai conçu un voyage pour les élèves qui débute en Argentine, pour se diriger vers le Chili, le Brésil, Cuba puis le Mexique. Cela m’a demandé beaucoup de recherche et m’a ouvert les yeux sur les musiques folkloriques du sud de l’Amérique. Je ne suis pas un folkloriste, je suis juste un curieux. C’est donc tout récemment que j’ai fait les liens, » évoque-t-il.

Influences québécoises
À cela, Larobina ajoute aujourd’hui sa passion pour les rythmes traditionnels québécois. Une démarche qui s’est intégrée à son art dès 1999, soit deux ans après son arrivée en Gaspésie. « Lors de mon passage au Mexique, j’ai appris à m’intégrer parce que je voulais faire partie de la gang. Cela a été mon école de l’intégration! Quand je suis arrivé au Québec, je me disais que j’allais apprendre un autre folklore, ce que je n’ai pas trouvé au début en Gaspésie.

 

« Mais lors d’un voyage aux Îles-de-la-Madeleine en 1999, je suis allé à une fête avec plein de musiciens, dont des violonistes et des accordéonistes. Nous avons joué sans arrêt jusqu’à 8h30 le lendemain matin. Nous avons mélangé nos musiques. J’ai ensuite rencontré des gens comme Michel Bordeleau et Yves Lambert, puis j’ai demandé une bourse pour étudier La Bolduc et la musique traditionnelle québécoise. » Voilà donc ce qui explique ces chants et cette podorythmie typiques de la tradition québécoise présents à plusieurs endroits sur l’album, qui a d’ailleurs été produit par La prûche libre, compagnie appartenant à Yves Lambert et Françoise Boudrias.

 

Pour Juan Sebastián Larobina, qui chante principalement en espagnol, un tel métissage ne peut qu’être bénéfique dans une industrie où il faut savoir se démarquer. Un avantage non seulement dans le marché québécois, mais aussi sur la scène internationale. « Quand je suis allé en France au Festival du bout du monde, je jouais devant 35 000 personnes. J’ai réalisé qu’ici, on trouve exotique de recevoir des artistes argentins ou mexicains et que là-bas, ça peut être la même chose avec ma musique, puisque je lie trois univers. Quand tu as une signature sonore, tu es sur la bonne voie. Des artistes comme Jean Leloup, Mano Chao et Peter Gabriel ont la leur. J’ai maintenant trouvé la mienne, c’est le latino-gaspésien! Personne n’a marché dans cette trace. C’est un risque très assumé, basé sur la simplicité, la fraîcheur, l’originalité, les voix et le roots […] Je pense que cet album va bien mûrir, car il est intemporel, il ne suit pas une mode ou une tendance, » analyse-t-il.

 

Évidemment, il souhaite trimbaler son latino-gaspésien partout où l’on voudra l’entendre. Son spectacle, il l’imagine en formule quatuor, à l’instar de l’album. Mais cela ne l’empêchera pas de donner de nouvelles couleurs à ses compositions. « Nous sommes tous des multi-instrumentistes, ce qui peut nous permettre de créer de la variété. J’aime aussi me mettre dans le rôle de musicien accompagnateur afin de créer des ambiances. Je veux prendre des moments pour ça dans le show.  Au cours de l’été, je vais faire la tournée du ROSEQ. Je veux ensuite effectuer ma rentrée montréalaise à l’automne. Je suis aussi curieux d’aller vers les marchés espagnols dans le monde. J’ai la chance de chanter dans une langue encore plus répandue que le français. Et la plupart du temps, il faut être reconnu à l’extérieur pour voir les portes s’ouvrir chez soi! » soutient-il.