14 avril 2013, Jérôme Couture est en grande finale de La Voix, populaire émission suivie par des millions de téléspectateurs. Celui que Marc Dupré a pris sous son aile ne remportera pas la palme, mais il aura conquis le cœur de centaines de milliers de Québécois lors de son parcours. Et surtout, il aura acquis une solide expérience qui lui sert encore aujourd’hui, alors qu’il cumule les succès dans les palmarès québécois. Ce que peu savent est que Jérôme Couture ne s’est pas rendu là sur un coup de chance. Le dynamique auteur-compositeur-interprète saguenéen a trimé dur pendant plus de dix ans avant d’atteindre les sommets et compte bien continuer à faire sa place dans le cœur des auditeurs.

Gagner sa place est d’ailleurs le titre de son deuxième album, lancé cet automne. Le premier extrait, My Sweetest Thing, était installé au plus haut rang des palmarès radiophoniques au moment de notre rencontre. C’est une chanson très accrocheuse, un verre d’oreille, qui donne le goût de bouger, qui met un sourire sur les visages. « On s’est fait plaisir sur cet album en explorant différents styles comme le soul, des sons rétro et même des accents pop électroniques, presque disco ! », confie Couture, ravi du résultat.

Pour mieux saisir les étapes qui ont formé la jeune vedette, il faut retourner presque 15 ans en arrière et réaliser le travail acharné que Jérôme Couture abat dans son studio ou sur la scène. Parallèlement à un exigent parcours académique en chant jazz à l’Université Laval, le jeune homme saisit toutes les occasions qui s’offrent à lui. Il fait partie des productions QuébecIssime, puis Elvis Story, participe aux Misérables, à la revue Oh Boy, et ce faisant, se fait remarquer par Matt Laurent, Martin Léon et France Castel qui lui prodiguent de précieux conseils. « Je ne crois pas en la chance. Tout ce qui m’arrive est dû au travail. Je m’investis complètement dans chacun de mes projets. »

Si son passage à La Voix lui a amené une visibilité rêvée, il y est arrivé préparé. Sans prétention, il explique que toutes ces années à chanter sur scène, à travailler son art et à croire en lui ont rendu le défi accessible lorsque l’opportunité s’est présentée. « C’est certain que ça donne le vertige quand le régisseur de plateau te demande si tu es prêt à chanter devant trois millions de téléspectateurs, mais j’avais pris l’approche d’avoir du fun, de rester centré sur moi-même et d’y aller à fond, pour être fier de moi, peu importe ce qui allait se passer. » Ce faisant, il a gagné des dizaines de milliers de fans qui ont été charmés par son authenticité et son positivisme.

Depuis qu’il écrit des chansons qui lui ressemblent, le succès lui colle à la peau. « Je suis un gars positif, qui a envie de bouger, et ça parait dans ma musique. Je compose beaucoup en pensant à la scène : je veux pouvoir me faire danser ! » Son nouvel album transmet son enthousiasme et son entrain.

Jérôme Couture Travailleur acharné, il s’astreint à une discipline rigoureuse. Tous les matins au réveil, Jérôme Couture empoigne sa guitare avec son premier café et il compose, puis enregistre. « Si la chanson passe le test du lendemain, je la garde et l’améliorerai. »

Le jeune musicien reconnaît l’influence des gens qu’il a rencontrés, mais il ne cesse d’encenser celui qu’il considère aujourd’hui comme son mentor, Marc Dupré. « J’ai trouvé celui qui m’a emmené plus loin. C’est un auteur et un compositeur extraordinaire. Ses conseils sont précieux. Il n’hésite pas à m’indiquer des améliorations à apporter. Un couplet à réécrire, un arrangement à modifier, un vers à chanter différemment… Comme moi, il est très minutieux et ne se satisfait pas d’une chanson qui n’est pas tout ce qu’elle pourrait être. C’est un rêve de travailler avec lui. »

Jérôme Couture est fier d’avoir écrit et composé (parfois en collaboration) onze des douze chansons de son deuxième album, démontrant de façon éloquente le progrès accompli. Il a cette fois travaillé avec le réalisateur John Nathaniel (Alexe Gaudreault, Final State), nouvel élément à sa solide équipe composée de l’auteur-compositeur Nelson Minville, de Marc Dupré à la direction musicale et Gautier Marinof à la réalisation. Couture est également très impliqué dans les arrangements de ses chansons, un art dont il a eu la piqûre dès ses années d’études en musique, au Cégep.

Ce jeune auteur-compositeur-interprète espère briller sur les grandes scènes, en Europe, et pourquoi pas en anglais ? « Je n’ai pas de limites : si d’autres l’ont fait, pourquoi pas moi ! » Vous pouvez gager qu’il est déjà en train d’y travailler.

 



Quiconque a déjà emprunté les transports à commun à Montréal sait que le métro a sa propre musique. Le vent déplacé par l’arrivée de la rame sur le quai, l’avertisseur de fermeture des portes, les annonces incompréhensibles dans les haut-parleurs de chaque station et ces fameuses notes (dou-dou-douuuu) qui marquent le départ du train… autant de sons qui meublent les déplacements quotidiens de milliers de Montréalais qui semblent pourtant insensibles à leurs charmes.

Robert Normandeau, lui, a plongé tête baissée dans cet univers sonore. Le compositeur de musique électroacoustique est habitué à recueillir toutes sortes de sons pour créer ses œuvres, mais il ne s’attendait pas à ce que la Société de Transport de Montréal, de concert avec l’OSM, fasse appel à lui pour souligner les 50 ans du métro. « Honnêtement, lorsque j’ai entendu le message sur mon répondeur, ma première réaction a été… de ne pas rappeler. Ça me semblait complètement improbable, je croyais à une blague » se souvient le compositeur.

On peut comprendre ses doutes tant il s’agit d’un geste audacieux de la part de l’OSM, qui a aussi commandé une œuvre orchestrale au compositeur José Evangelista pour cette célébration de l’anniversaire du métro, qui sera présentée lors de 3 concerts à la fin du mois d’octobre. Audacieux, car c’est probablement la première fois qu’un orchestre commande à un compositeur une œuvre… qu’il ne pourra pas jouer. Tunnel Azur est en effet une œuvre électroacoustique multiphonique interprétée par une douzaine de haut-parleurs. L’orchestre ne sera donc pas sur scène lors de sa création.

Presque tous les sons que vous entendrez ont été captés par Normandeau dans métro. 

« C’est étonnant, mais ça témoigne, d’une part, du fait que Montréal est une ville très active sur la scène électroacoustique, explique Robert Normandeau. D’autre part, je pense qu’il faut aussi souligner l’incroyable ouverture de l’orchestre et surtout de son chef, Kent Nagano. »  Le compositeur a d’ailleurs eu l’idée de faire un double clin d’oeil à l’orchestre et à son chef, en citant dans sa composition des passages de la Neuvième Symphonie de Mahler, sa préférée (qu’il avait entendu Nagano interpréter alors qu’il était à Berkley il y a des années). Il a aussi mis à contribution un instrument hallucinant récemment offert par un mécène à l’OSM : l’octobasse, sorte de gigantesque contrebasse qui fait près de quatre mètres de haut.

Pour le reste, tous les sons que vous entendrez ont été captés par Normandeau dans métro. « J’ai visité le métro de jour, avec tous les bruits de portes et de foule, mais aussi de nuit, alors que tous les ouvriers s’affairent à entretenir les équipements. Au départ, ils me regardaient d’un drôle d’air, mais très vite, les employés se sont intéressés à mon travail et ils me proposaient toutes sortes de sons que faisaient leurs équipements ».

Certains d’entre eux seront d’ailleurs dans la salle afin d’entendre leur univers quotidien réimaginé par un artiste d’avant-garde. On aimerait pouvoir recueillir leurs commentaires à la sortie !  « J’espère qu’ils vont aimer ! J’avoue que j’étais un peu hésitant au moment de présenter l’œuvre pour la première fois, se souvient Robert Normandeau. Les gens de l’OSM, même s’ils ne sont pas des adeptes de l’acousmatique, travaillent dans la musique et sont plus familiers avec cette démarche. Mais les gens de la STM ? Je leur ai présenté deux versions une avec des images et une sans. À ma grande surprise, ils m’ont dit d’abandonner les images parce que la musique portait l’histoire en elle-même. »

Il faut dire que Normandeau s’est spécialisé dans ce qu’on appelle le « cinéma pour l’oreille », au sens où l’on trouve une véritable trame narrative dans ses œuvres. « C’est de la musique électroacoustique qui raconte une histoire, précise Robert Normandeau. Pour l’auditeur il s’agit d’une pièce très référentielle : presque tous les gens qui sont passés par Montréal vont reconnaître les sons. Et puis c’est comme un parcours, un voyage… »

Parlant de références, on entendra bien sûr ces trois petites notes si caractéristiques qui marquent le départ de chaque rame. Ce qui est fascinant, c’est que cette petite musique est un sous-produit purement accidentel du fonctionnement du système électrique des rames. Un mécanisme appelé « hacheur » alimente les rails en « paliers » successifs plutôt que d’envoyer des centaines de volts d’un seul coup. C’est ce processus qui crée le dou-dou-douuu (pour une explication plus technique, consultez cet article). Difficile de trouver un meilleur exemple de musique concrète !

Contrairement à un trajet normal à l’heure de pointe, le voyage dans le Tunnel Azur se fera en première classe, puisqu’il s’agira du premier concert électroacoustique donné à la Maison Symphonique. Normandeau sera d’ailleurs le premier à utiliser les haut-parleurs de la salle, dont certains dormaient encore dans des cartons jusqu’à tout récemment. Présentée les 20, 22 et 23 octobre 2016, en complément de pièces de Schumann, de Strauss et de la création de José Évangelista, l’œuvre sera aussi rattachée au festival Akousma, qui se tient en même temps.

Détails sur l’événement Kent Nagano célèbre le métro de Montréal.



Lisa LeblancElle aurait pu revenir au-devant de la scène et reproduire bêtement la formule qui l’a rendue célèbre. Après tout, l’exploit est de taille. En cette ère d’austérité et de ventes d’albums qui périclitent, Lisa LeBlanc a écoulé 140 000 exemplaires de son premier disque homonyme propulsé par l’emblématique Ma vie c’est d’la marde, le genre de composition qui vous suit toute une vie, comme Hélène colle à la peau de Roch Voisine.

« J’ai été dépassée par le phénomène, confie Lisa LeBlanc avec le recul. Je suis une fille des Maritimes. J’aime jaser avec le monde. Mon inspiration me vient des rencontres que je fais et des discussions que j’ai avec les gens. Mais là, j’étais obligée d’avoir des mécanismes d’autodéfense parce qu’il y avait trop de monde en même temps. C’est un beau problème, et je serai toujours reconnaissante envers le public qui me suit, mais je ne peux juste pas parler 30 minutes avec tout le monde. D’un côté, tu ne veux pas blesser personne, mais de l’autre… J’étais crevée ben raide, au bord du burnout. »

Puis, à l’automne 2014, le maxi Highways, Heartaches and Time Well Wasted nous permettait de découvrir une autre facette de l’auteur-compositrice-interprète. Non seulement elle chantait cette fois la langue de Dolly Parton, mais elle le faisait dans un esprit folk punk-rock survolté. Pour effrayer les radios commerciales qu’elle avait gagnées à coup de refrains fédérateurs francophones, on pouvait difficilement faire mieux. Mais la question demeurait : est-ce que la rouquine osera refaire le coup sur son deuxième album complet ?

« La vie en tournée, c’est de l’adrénaline en permanence. Et là, pow! T’as six mois off pour écrire des tounes encabané dans ton appartement. Allo la crise d’angoisse ! »

La réponse est retentissante. Lancé le 30 septembre 2016, Why You Wanna Leave, Runaway Queen? est non seulement un seulement un album majoritairement anglophone, mais ses douze chansons forme un tout hétéroclite passant par toutes les sphères de la musique folk : explosive sur Ti-Gars (une rare pièce en français), plus traditionnelle bluegrass sur Dead Mans Flat, mélancolique et minimaliste sur I Ain’t Perfect Babe, introspective sur Why Does It Feel So Lonely (When You Are Around), presque hawaïen sur Dump The Guy ASAP. Les distorsions sont assumées, et le banjo raisonne à la vitesse du diable, particulièrement sur cette reprise d’Ace of Spade de Motorhead. Avertissement aux fans de la première heure, Lisa revient là où on ne l’attend pas. Or, son caractère et sa personnalité colorée demeurent sa carte de visite.

« On avait déjà commencé à être pas mal rock en concert pendant la tournée du premier disque. Le EP et le nouvel album sont simplement le reflet de cette tendance qui s’est accéléré encore davantage. Cette direction musicale n’a pas de lien avec le fait que je chante cette fois en anglais. J’aurais fait un disque en français que le résultat aurait été pareil. Je pense juste que j’aime le mouvement. Faire du surplace et vouloir recréer le même buzz que pour mon premier disque ne m’intéressait pas. »

Cette notion de mouvement reviendra tout au long de l’entrevue. Why You Wanna Leave, Runaway Queen? porte bien son titre. « C’est pas mal la phrase qui résume les cinq dernières années de ma vie. On dirait que je suis juste incapable de rester en place. Depuis que je suis partie de chez mes parents, je suis allée vivre un an à Granby pour faire l’École nationale de la chanson. Après, je suis partie en tournée sans arrêt de 19 à 26 ans. Toute ma vie d’adulte a été passée sur la route. Quand c’est tout ce que tu connais, comment tu fais pour arriver à la maison et rester zen ? C’est pour ça qu’il y a plein de musiciens complètement perdus lorsqu’ils reviennent chez eux. La vie en tournée, c’est de l’adrénaline en permanence. Et là, pow! T’as six mois off pour écrire des tounes encabané dans ton appartement. Allo la crise d’angoisse ! »

Six mois, c’est exactement ce qu’il restait à Lisa avant l’enregistrement de l’album, dont les nouvelles chansons n’avaient toujours pas été écrites. Plutôt que de « bad tripper raide à la maison », elle a encore succombé à l’appel de la route: un périple de deux mois aux États-Unis, son deuxième roadtrip au pays de l’oncle Sam en deux ans. « Le premier, c’était le rêve qui se réalisait. Pour mon deuxième, j’ai pris le temps de savourer l’instant présent. J’ai rencontré un paquet de monde. J’ai pris des cours de banjo. J’ai amélioré mon jeu. J’ai jammé un peu partout. Je suis revenue avec quelques idées de chanson en tête. Ça débloquait enfin. »

De retour en ville, la chanteuse a pris la direction du studio où l’attendait le réalisateur Joseph Donovan (Sam Roberts, The Dears). Après avoir collaboré avec Louis-Jean Cormier pour son premier album et Emmanuel Éthier pour le maxi, Lisa recherchait le mouvement, une fois de plus. « Je suis une fan de Sam Roberts depuis mon adolescence. Joseph Donovan a réalisé son troisième album, Chemical City, l’un de mes préférés. J’aime ça repartir à zéro et travailler avec de nouveaux réalisateurs et musiciens.  C’est la même chose avec l’album anglophone. Ça va me donner l’occasion de repartir à zéro et de jouer dans des petits bars aux États-Unis. Ça me motive. »

Lisa donne au passage beaucoup de crédits à Joseph Donovan qui a même convaincu Sam Roberts de chanter sur sa pièce I Love You I Dont Love You I Dont Know. « Joseph m’a vraiment permis de débloquer sur le plan de la composition. Il m’a coaché. On se voyait aux deux semaines pour mon cours d’écriture. Je ne suis pas fan de la routine, mais être obligé de travailler sur le disque m’a fait du bien. J’arrive à me convaincre que je peux être une fille normale. Je suis plus zen. Je comprends tranquillement que c’est le fun voyager, mais ça peut aussi être cool de poser des cadres sur les murs de ton appartement et défaire tes boîtes. »