Après avoir triomphé en 2018 avec son premier album intitulé Wolastoqiyik Lintuwakonawa, le lauréat d’un JUNO et du Prix de musique Polaris, Jeremy Dutcher a décidé d’élargir sa vision artistique sur son très attendu deuxième album complet intitulé Motewolonuwok dont la sortie est prévue le 6 octobre 2023.

Jeremy Dutcher, Skicinuwihkuk

Sélectionnez l’image pour faire jouer la vidéo YouTube de la chanson Skicinuwihkuk de Jeremy Dutcher

« Cet album est une coche au-dessus du premier en ce qui concerne la production », dit-il juste avant de donner un spectacle dans le cadre d’un festival de musique roots au Danemark. « Le premier était tellement DIY. On enregistrait un peu partout dans le salon de nos amis et les cordes ont été enregistrées dans une salle de classe de l’Université McGill. À l’époque, j’utilisais un quatuor à cordes composé d’amis, mais pour celui-ci [le coproducteur] Owen Pallett a fait appel à un orchestre complet. On avait quelques voix sur le premier, là, c’est une chorale au complet. On a rajouté une coche à tout sur Motewolonuwok. »

Le piano à queue fluide et la riche voix de ténor de Dutcher, un musicien de formation classique, demeurent au cœur de ce projet et il met également en évidence son évolution en tant qu’auteur-compositeur. Pour Wolastoqiyik Lintuwakonawa, il a créé des compositions basées sur des enregistrements d’archives de chansons malécites traditionnelles et chantées dans sa langue maternelle, le wolastoqey. Sur Motewolonuwok, Dutcher nous propose des compositions originales et chante pour la première fois en anglais.

« J’ai un pied dans le monde anglophone et l’autre dans le wolastoqey. Peu importe l’album, tu invites les gens à entrer dans ton monde et à découvrir comment tu le vois. Le mien est bilingue et je voulais faire un disque qui reflète ça. Pour mon premier, c’était important que tout ne soit pas en anglais. Il s’adressait à ma communauté et disait “C’est pour vous, mon peuple” », explique Dutcher. « Il a pris vie après son lancement et remporté plein de prix, et c’est là que j’ai réalisé que les gens avaient faim de connaissances à notre sujet. En commençant à chanter en anglais, je voulais communiquer directement avec les gens qui se sont rassemblés autour de mon œuvre et je ne m’attendais pas à ça. Maintenant qu’ils sont rassemblés, je vais leur dire de quoi ça retourne! »

« Maintenant qu’ils sont rassemblés, je vais leur dire de quoi ça retourne ! »

Les chansons sur Motewolonuwok sont nées de manière hybride. « Certains des morceaux que je chante en wolastoqey sont des chansons traditionnelles que j’ai arrangées avec le groupe et d’autres qui sont en anglais sont des poèmes autochtones de Qwo-Li Driskill qui m’ont touché, et le reste vent tout droit de mon cœur », poursuit Dutcher.

Fier porteur bispirituel de chants, militant et membre de Neqotkuk (Première nation de Tobique), Dutcher n’a jamais hésité à s’exprimer sur la relation entre les peuples autochtones du Canada et la culture coloniale. Cet objectif est une composante essentielle de Motewolonuwok, comme en témoignent les puissantes compositions originales de Dutcher, « The Land That Held Them » et « Ancestors Too Young ».

Jeremy Dutcher, Take My Hand

Sélectionnez l’image pour faire jouer la vidéo YouTube de la chanson Take My Hand de Jeremy Dutcher

« Je me suis assis et je les ai écrites de manière libre et automatiste en me basant sur ma propre expérience en tant que jeune autochtone et les situations dans lesquelles on se retrouve », explique-t-il. « “The Land That Held Them” est une leçon d’histoire autant qu’une chanson. Chaque couplet est une petite histoire qu’on entend aux nouvelles. Le premier couplet parle de Tina Fontaine, le deuxième de Colten Boushie et le troisième parle des starlight tours, ces razzias de la police des Prairies qui ramassent les autochtones intoxiqués dans la rue et les abandonnent à l’extérieur de la ville, même en plein milieu de l’hiver! C’est inacceptable de penser qu’ont vit dans un pays qui tolère ça. »

Une de ses nouvelles chansons, « Take My Hand », coécrite avec Basia Bulat, a une histoire fascinante. « Celle-là est très spéciale et elle est née d’un processus de collaboration qui s’est étalé sur plusieurs années », explique Dutcher. « La mélodie originale vient d’une aînée, Maggie Paul, qui a eu une grande influence sur mon premier album. C’était juste un couplet et elle me l’a chanté en anglais avant de me dire “Va chanter ça aux gens, les jeunes sont en train d’oublier comment s’aimer les uns les autres”. Je ne me considère pas comme un parolier, alors je l’ai mise de côté pendant un bon moment. »

« Puis, lors d’une séance de création avec Basia, je l’ai jouée pour elle. Elle m’a dit qu’elle allait travailler dessus un peu, et pas longtemps après, elle m’a envoyé une vidéo où elle chantait cette chanson pour laquelle elle avait écrit 7 couplets à la main que je pouvais utiliser comme je le sentais. Cette chanson a tellement un beau message : “Prends ma main et marche avec moi”. Prenons une marche et jasons. Je crois que c’est un moment crucial, qu’on marche ensemble. Maintenant, on peut se parler! »