Après avoir fait sa marque seul au piano et s’être offert une incursion en sol électro, le compositeur-interprète Jean-Michel Blais se risque maintenant à la musique orchestrale. Il lève le voile sur Aubades, un album enregistré avec 12 musiciens sous la direction du chef Nicolas Ellis.

Jean-Michel Blais Jean-Michel Blais est, en quelque sorte, accro aux prises de risques. Il n’avait jamais écrit pour un ensemble avant de se mettre à l’ouvrage pour créer Aubades (disponible le 4 février 2022), un florissant opus d’une heure, une véritable symphonie. Un projet titanesque qui l’a aussi poussé dans ses derniers retranchements.

« Un moment donné, j’ai failli tout remettre entre les mains d’un arrangeur. J’étais en mode ‘’c’est trop pour moi’’, ‘’je serai pas capable.’’ Nico Ellis me disait ça : ‘’T’sais, Jean-Mich, c’est la première fois que t’arranges, c’est la première fois que t’écris, t’as 100 pages, le score fait 100 pages, tu écris pour une heure de matériel, pour 12 personnes.’’ C’est vrai que je m’en étais mis beaucoup pour les épaules. Est-ce que je recommencerais ? Oui, mais pas tout de suite !, confie-t-il en riant. C’est quand même intense. Un moment donné, t’as mal au cerveau. C’est difficile de concevoir 12 voix en même temps. »

Et pourtant, le nouvel arrangeur relève le défi sans s’y perdre, porté par ses accords fétiches, ses progressions harmoniques caractéristiques. Comme si, finalement, son essence et son style avaient été décuplés.

Même s’il rallie d’autres types de mélomanes avec cette offrande, Jean-Michel Blais s’inquiète, au contraire, de perdre ses fans au détour de ses expérimentations. « C’est pas le choix le plus judicieux au niveau de l’industrie. Quand ça marche, tu as intérêt à rester dans ta zone, à faire ça, à aller chercher ton public cible et ton cash. Moi, j’ai la crainte de mourir à petit feu en faisant le contraire. »

 Une main tendue

L’un des objectifs de Blais avec Aubades, c’était d’amener la musique savante au plus grand nombre, de décaper et dégommer le vernis hautain, voire aristocratique qui vient avec ce genre de grandes envolées orchestrales. Historiquement, du moins. « Mon rôle, c’est pas d’être un révolutionnaire. Je suis un vulgarisateur, peut-être. Un ‘’démocratisateur, même si ça ne se dit pas. Je me vois un peu comme ça. »

Pour arriver à ses fins, il a fait le pari de placer ses collaborateurs au centre même de sa proposition et comme pour rappeler, mine de rien, que ce ne sont pas des robots qui interprètent ses compositions à la perfection. « Ce qui m’intéressait, c’était la vie des musiciens, les entendre respirer, entendre leurs instruments qui font du bruit, les entendre chuchoter. Pour moi, c’est important de sentir qu’il y a des humains derrière ces notes inscrites sur un papier froid. Il y a une vie de studio. […] En mettant un micro proche de chaque personne, tu sens vraiment l’humanité de chacun. Si c’était à refaire, je pense que je mettrais même un micro à Nicolas Ellis juste pour qu’on l’entende swinger de la baguette ! »

Après ce cycle de travail en équipe et au sein d’un ensemble, Jean-Michel Blais promet de revenir à ses premières amours. « J’ai déjà hâte de refaire un album de piano solo », révèle-t-il sans filtre, sans pour autant s’avancer sur une date.

En attendant, il tergiverse d’un style à l’autre en s’accordant le droit, la liberté d’enrichir sa feuille de route. De nouveaux acquis qui rejailliront forcément sur ses propositions plus minimalistes, mais jamais dépouillées.

« Je ne veux pas faire du contenu de fond, ce genre de pièces mezzo piano si banales que tu ne sais même plus à qui tu as affaire. J’ai toujours eu cette volonté-là de réveiller la capacité des gens à s’intéresser vraiment à la musique, plutôt que ce soit de la musique d’ameublement à la Satie ou une playlist de Spotify qu’on place en arrière, comme une tapisserie. Je pense que tout le monde peut s’intéresser plus que cinq minutes à de l’instrumental. »

Et c’est d’autant plus facile d’approche quand, flanqué de brillants musiciens, Jean-Michel Blais nous transporte vers un univers aussi cinématographique et enveloppant que celui sur Aubades.