Toujours intrigant de discuter avec un musicien jazz issu de la nouvelle génération. Dans quelle mouvance se situe-t-il, qui l’a influencé et que compte-t-il faire pour poser une nouvelle pierre à un édifice qui repose sur des fondations à la fois amovibles et bien ancrées.

« Comme tous les compositeurs, on est influencé par ce qu’on écoute sans vraiment chercher, dit Hichem Khalfa. J’accumule des idées et ça vient tout seul. Il n’y a pas de grosse recherche cérébrale. J’écris à partir d’une ligne de basse, par-dessus je rajoute une mélodie et ensuite je mets des accords et je construis autour. »

À 26 ans, Hichem Khalfa est un impénitent défricheur. Deux albums de son cru tendent à le démontrer, Histoires sans mots (2015) et Réminiscences paru en mars dernier. « C’est improvisé par moments, dans l’esprit du jazz, mais il y a aussi des portions écrites. Beaucoup de mes influences s’y retrouvent : le groove, parfois le rock, c’est plus moderne, moins classique de facture », admettra celui qui a été « contaminé » à l’adolescence par les trompettistes Lee Morgan et Clifford Brown.

« Je pratique ma technique essentiellement pour ne pas être bloqué lorsque je compose. »

Et que pense-t-il des trompettistes plus contemporains comme Dave Douglas ou Wallace Rooney qui seront, comme lui et son Quartet (le 3 juillet 2017), au programme de la 38e édition du Festival international de jazz de Montréal ? « Douglas (en spectacle le 6 juillet) je l’ai vu en concert il y a quelques années et j’ai pris une claque ! Wallace Roney (6 et 7 juillet), c’est du Miles Davis à 100%. »

Hichem Khalfa QuartetLes membres de son quatuor, le pianiste et claviériste Jérôme Beaulieu (Misc, Bellfower), le bassiste Jonathan Arsenau et le batteur Dave Croteau sont partie prenante d’une belle aventure. « Être un artiste, poursuit-il, c’est être capable de transmettre ses idées, la trompette c’est juste un moyen de le faire, mais pas une fin en soi. Mais on ne s’en sort pas, au contact des autres musiciens (du quatuor) il y a un foisonnement d’idées. »

« Jouer de la trompette ou de n’importe quel instrument, rétorque le musicien, c’est comme le sport, il faut maintenir le niveau chaque jour. Il n’y a pas vraiment de répit. Je pratique chez moi, j’ai la chance d’avoir des voisins cool. Mais je connais des joueurs de cuivres qui peuvent jouer sans aucun problème malgré une pause d’une semaine. Je pratique ma technique essentiellement pour ne pas être bloqué lorsque je compose. Je ne suis pas quelqu’un qui écrit à longueur d’année, dans mon cas, c’est sur une période assez courte. »

Gagnant du concours du Festival de jazz de Rimouski, en plus de se mériter le prix François Marcaurelle du OFF Festival de jazz de Montréal l’an dernier, Khalfa est en préparation d’une série de spectacles européens entre l’été et l’automne 2017. Partagé entre son jazz de création plus cartésien et son rôle de membre actif de l’usine à plaisir qu’est The Brooks, le groupe soul-funk cuivré montréalais, il y en a pour la caboche et le buffet. « C’est une récréation quand écoute The Brooks, mais il y a beaucoup de travail de composition derrière. Ce qui prime, c’est d’être attentif à la tonalité de l’instrument, comment ça va sonner au final. The Brooks, ce n’est pas un collectif ni le groupe du chanteur Alan Prater, c’est un groupe à nous tous. Quand il y a des décisions à prendre, on les prend tous ensemble. Les autres gars du groupe, Dan Thouin (claviers) entre autres, sont très pointilleux sur leurs sons et sur les instruments qu’ils vont utiliser. Ça déteint sur ma façon de me préparer. »

On ne peut passer sous silence le concert en hommage au très regretté Prince en 2016 au Métropolis : « c’était plein à craquer, on a fait deux répétitions seulement et le résultat a été extraordinaire. On en a entendu parler pendant longtemps. » Surtout que Prince a joué deux soirs dans cette même salle en 2011. Et y a laissé une empreinte indélébile.

Hichem Khalfa Quartet :    3 juillet à L’Astral
The Brooks :   5  juillet au Dièse Onze, 6 juillet, Scène TD