D’abord et avant tout une histoire d’amitié, l’aventure Grim Skunk démarre en 1988 alors que Franz Schuller, Joe Evil et Marc-Boris Saint-Maurice se réunissent pour jammer. Un premier spectacle suit en 1989, puis une poignée d’obscures parutions et un premier album complet en 1994. Aujourd’hui composé de Schuller (guitare, voix), Joe Evil (clavier, voix), Vincent Peake (basse, voix et percussions), Peter Edwards (guitare) et Ben Shatskoff (batterie), le quintette montréalais continue d’allier musiques ska, progressives et punk dans un enrobage toujours aussi corrosif.

Après six ans d’absence sur disque, Grim Skunk ressurgissait le printemps dernier avec Set fire!, un disque qui marque un retour aux sonorités urgentes et rentre-dedans de leurs parutions des années 1990. Épaulé par Werner F et Gus Van Go (ex Me Mom & Morgentaler) à la réalisation, le clan a enregistré Set Fire! à Sydney en Australie. Plus dur que son prédécesseur, Fires Under The Road, l’album parvient à capter l’énergie brute dont peut faire preuve le vétéran groupe. Franz explique : « Ça faisait longtemps qu’on avait composé le disque précédent et on avait une quarantaine de maquettes de chansons prêtes. On a simplement pris les meilleures et on a combiné quelques morceaux ensemble. Le résultat est ce son hardcore, un peu progressif sur les bords. Tout au long des 23 ans d’histoire du groupe, on a changé de direction doucement et on avait le goût de revenir à ce son. En ce qui concerne les textes, on a fait un effort conscient d’avoir des paroles engagées, socialistes, anticapitalistes et pleines de compassion. C’est ce que l’on visait avec Set Fire! »

Et le groupe touche la cible. Avec des titres tels que « Moral Bigotry » et « Set Fire To The Nation », la formation révèle une plume mordante, plus directe que jamais. Un cri du cœur qui tombe à pic avec la situation économique actuelle et le climat social morose au Québec. « On voulait passer ce message parce qu’il y a des abus et des déséquilibres incroyables partout à travers la planète. Particulièrement ici au Québec. En tant qu’êtres humains, nous sommes intimement affectés par ce qui se passe dans le monde. Nous nous sentons concernés et voulons faire bouger les choses. Au Québec, autant le mouvement étudiant que les gens qui ont gravité autour de nous ont été touchés. Tu sais, lorsqu’on voit des gens du Barreau, des avocats et des juges qui manifestent dans la rue, je pense qu’il y a de sérieux problèmes au sein de notre société! On a toujours été un groupe qui exprimait franchement ses idées et le contexte politique actuel nous allumait. Le contenu engagé et les textes urgents allaient à merveille avec de la musique rentre-dedans et nerveuse, » soutient Joe.

« En ce qui concerne les textes, on a fait un effort conscient d’avoir des paroles engagées, socialistes, anticapitalistes et pleines de compassion. C’est ce que l’on visait avec Set Fire! »

Travail d’équipe
Alors que Franz et Joe se chargent de produire des idées de chansons, le reste des membres du groupe met la main à la pâte et brode, construit autour de ce qu’on leur présente. Pour Joe, la composition des morceaux punk des Skunk relève véritablement d’un travail d’équipe ainsi que d’une large part de spontanéité : « Pendant deux ou trois heures, on jamme, on fait une maquette et on passe à une autre chanson. Parfois, on arrive tous les deux avec plusieurs idées, on les colle ensemble et ça donne une pièce. » Franz renchérit : « Aux débuts du groupe, lorsqu’on a commencé à jouer avec Boris, Joe et moi allions dans son sous-sol, on fumait un bat et on jammait librement. On captait le tout sur une enregistreuse à cassette. En vieillissant, au fil des expériences, on a appris à savoir mettre notre ego de côté et être à l’écoute des autres et de la chanson. Toutes les idées sont entendues. On essaie de mettre les idées de chaque membre au service de la chanson. Souvent, ça se fait très spontanément. »

Après avoir participé à une kyrielle de festivals québécois l’été dernier, le quintette bosse sur l’organisation d’une tournée dans l’Ouest canadien cet automne. Puis l’Australie est au programme, suivie de l’Europe au printemps. Bref, pas question de ralentir pour Grim Skunk. « On va voir si on arrive à tout faire!, précise Joe. Produire de la musique alternative exige aussi de travailler ailleurs. On ne gagne pas notre vie à temps plein avec la musique, seulement six mois par année. Alors, il faut s’occuper le reste du temps. »

Franz poursuit : « On a plein de chansons qu’on a mis de côté, puis de toutes nouvelles qui s’en viennent. On aimerait enregistrer un nouvel album en 2013. À l’époque, on sortait des disques tous les deux ans. On enregistrait comme on le pouvait. Aujourd’hui, nous sommes devenus extrêmement exigeants envers nous-mêmes. Sans se mettre de pression, on se pousse dans le cul pour faire de belles choses. Même si ça fait longtemps qu’on fait ce métier, on tente de défricher d’autres terrains. On veut proposer de nouveaux éléments à nos fans. C’est important, je pense. » Toujours aussi affamés, les gars de Grim Skunk.