Fredz « Avant,le rap m’intéressait pas vraiment. Je voulais plus être en mode Émile Bilodeau, Louis-Jean Cormier, Daniel Bélanger, Karim Ouellet… » énumère Fredz, jeune rappeur de 18 ans qui vient tout juste de faire paraître son premier album sous E.47 Records, étiquette fondée à Paris et détenue par un certain Cyril Kamar (alias K.Maro).

Cet « avant » dont parle le rappeur originaire de Longueuil, c’est il y a à peine trois ans. En pleine adolescence, le jeune musicien apprenait la guitare et découvrait la pop québécoise. Puis, le rap francophone a fait irruption dans sa vie grâce à Lord Esperanza, LaF, Koriass et – avoué du bout des lèvres – Roméo Elvis.

L’envie de créer s’est alors manifestée à travers la composition. « Les instrumentaux hip-hop étaient les seuls à ma portée. Avec les tutoriels, ça facilitait les choses. Et comme je ne voulais pas les laisser vides et que je trouvais personne pour poser sa voix dessus, j’ai commencé à rapper. »

Timide, Fredz a mis un peu de temps avant de se dévoiler sur la toile. En décembre 2019, une interprétation de ce qui allait devenir son premier single en carrière, Sara x Concassé, a été repartagé sur la page Instagram de 1minute2rap, plateforme française qui compte sur plus de 900 000 abonnés. C’est précisément là que K.Maro arrive dans l’histoire.

« Il m’a vu avec mes lunettes, ma tuque rose. Mais vu qu’il était à côté de sa conjointe qui dormait, il ne pouvait pas mettre le son. Il a enregistré la vidéo et l’a écoutée le lendemain. Il m’a envoyé un message, en me disant qu’il était de passage à Montréal et qu’il voulait me rencontrer. Je savais même pas c’était qui ! En fait, c’est ma mère qui s’est rendu compte que c’était le chanteur de Femme Like U. »

Bien au-delà de ses allures de jeune premier, Fredz sait comment attirer l’attention avec un flow assez percutant, à la fois capable de rapidité, de souplesse et d’harmonie. « Souvent, il y a plus de commentaires sur ma coupe de cheveux que sur ma musique, mais je vis bien avec ça. Ça m’évite de me fondre dans la masse », observe-t-il avec raison.

Ses textes écorchés, témoignages sincères de sa peine et de sa vulnérabilité, viennent aussi rompre avec son look de jeune homme naïf et réservé. Cet album, Personne ne touche le ciel, c’est « une redescente sur terre, l’acception d’une finalité: les miracles n’existent que dans les films », comme on peut le lire dans le communiqué de presse.

À 18 ans, Fredz serait-il déjà désillusionné ? « Je crois encore être en émerveillement de ce qui se passe autour de moi, mais j’en suis venu à la conclusion que les miracles n’existent pas et que l’erreur est humaine. Je suis quelqu’un d’assez maladroit dans la vie. Des fois, je dis des trucs que je ne pense pas. Je suis aussi du genre à aller trop vite en amour, à dire la phrase qu’il ne fallait pas dire. »

L’histoire de Personne ne touche le ciel en est assurément une de rupture amoureuse. Ce genre de rupture qui bouscule tout sur son passage, à une période aussi brûlante et vive que l’adolescence. Le prénom Sara résonne ici et là, comme autant d’écueils, de douleurs, de souvenirs, d’émotions à fleur de peau. « Sara, c’est pas une personne en particulier. C’est mon œuvre, ma muse, peut-être même mon alter ego. Elle représente plein de personnalités qui m’entourent. Des fois, comme dans Sara x concassé, elle est joyeuse, tandis que d’autres fois, comme dans Trop tard, elle est morte. »

Une « vraie » personne se cache toutefois derrière ce récit tourmenté que forme ce premier album. « J’ai commencé à écrire l’album juste après une relation, il y a un an et demi ou deux. C’est pas tant dans les textes que tout ça m’a inspiré, mais plus dans ma motivation, mon état d’esprit. La personne en question n’a pas cru en ma musique lorsque je commençais… Je veux lui montrer que j’y suis arrivé quand même. »

Cumulant plus de 300 000 vues sur Youtube, dont plus de la moitié proviennent de l’Europe francophone, Fredz connait effectivement un début de carrière impressionnant. « Tout le monde est surpris quand ils m’entendent parler en québécois ! » admet-il, ajoutant que son accent français international lui est venu tout naturellement en raison de ses influences musicales. « Et je suis pas mal convaincu que je ne me serais jamais fait signer avec E.47 Records si j’avais été super québécois dans mon rap. »

Grâce au travail des producteurs Moonkite Beats et Tayeb, qui ont créé une signature trap pop aux teintes folk et R&B fortes en guitare, Personne ne touche le ciel est en phase avec le son de la scène urbaine française qui trône au sommet des palmarès. En découle donc un album moins sombre que ses textes le laissent paraître.

À cet effet, Bref rompt avec la mélancolie ambiante de l’album. Comme la promesse d’un jour meilleur. « Je voulais qu’elle soit à la fin pour éviter qu’on termine sur une note négative. C’est un peu pour dire que, même si on ne touchera jamais le ciel, ça vaut la peine de continuer d’avancer. »