Florence KC’est durant ses vacances depuis le sud de la France où elle rêvasse dans les calanques et les collines avec son amoureux, le musicien Ben Riley, et ses jeunes enfants, qu’elle a bien voulu nous parler d’Estrellas (Les étoiles) paru le 1er juin dernier. Comme une exaltation continuelle du bonheur et du mal de vivre, les neuf titres de ce disque mitonné avec le musicien cubain Alex Cuba démontrent sa capacité à surfer sur les événements, à résister aux intempéries.

« C’est sûr que mon disque précédent, Buena Vida en concert, était une suite en musique de ma biographie (publiée en 2015 chez Libre Expression) qui reflétait la partie la plus sombre de ma vie, tout ça était un peu lourd…»

Changement de vie personnelle à 35 ans, diagnostiquée bipolaire il y a six mois, changement de compagnie de disque (elle quitte Universal en licence et fonde Florence K Music), nouveau gérant, Andrew Turner, nouvel éditeur, Ad Litteram, puis un contrat d’animatrice à ICI Musique non renouvelé… et tout récemment promut à la barre de la nouvelle émission « C’est formidable! » sur CBC Radio 1 et 2, prenant ainsi la relève de Jim Corcoran dans sa mission de faire découvrir la musique francophone aux anglo-canadiens. Bref, Estrellas arrive comme un lever de soleil brumeux.

« Une fois que tu as le bon diagnostic, avec le traitement approprié, ça change vraiment beaucoup de choses, surtout au niveau de la concentration, explique Florence à propos de la bipolarité. C’est le jour et la nuit. C’est la preuve qu’il y a des solutions, des ressources, que c’est possible d’avoir une vie meilleure. Mais il y a un travail ardu de thérapie derrière ça. Estrellas, c’est un disque de printemps qui me fait penser à Here Comes The Sun des Beatles, façon de dire: OK, l’hiver est fini là! On sort la tête de l’eau et on recommence à vivre. C’est de la musique rafraîchissante, renchérit-elle, c’est comme ça que je l’ai conçu ».

« Je travaille avec (le logiciel) Garage Band ou (l’application) Voice Memo pour toute ma préproduction. Ça évite d’investir des sommes considérables avant celles consacrées au studio. Tu peux rajouter un passage de percussions, modifier les tempos, bref, ça me permet de travailler seule ».

Les six nouvelles compositions de la pianiste et compositrice sont chantées en espagnol ; trois de ces chansons ont leur version francophone. « Alex Cuba n’avait que quatre jours de congé, on a travaillé comme des fous, confie-t-elle en parlant du duo asymétrique. Être dirigée par lui m’a fait du bien. Faut pas toujours piloter seul, la perspective de l’autre est nécessaire, à moins d’être Mozart ! La musique cubaine c’est une rythmique qui peut être à la fois simple et complexe. Il y a quelque chose qui se passe entre les lignes de basse, les percussions, les couches harmoniques et mélodiques, tout ça s’emboîte parfaitement ».

Et elle se met à claquer des doigts au téléphone afin d’illustrer le tempo à voix haute: « un, deux, trois, quatre, un deux trois quatre… »

Une seule écoute d’Estrellas suffit pour s’en convaincre: l’élégance ne meurt jamais. Avec ce sens de la mélodie qui la rend instantanément attachante, avec sa large palette d’émotions bricolée avec le cœur, ses arrangements ciselés avec minutie, portée par des mélodies langoureuses, c’est l’évidence: elle n’a pas épuisé les ressources du style qu’elle a façonné depuis ses débuts en 2005.

Comme un bain collectif où ses frissons, ses voluptés et ses extases s’entremêlent, Florence K fait son miel de tout.  Elle entreprend un état des lieux, la langue participe à l’élan, laissant battre à vif le cœur des compositions, chaque morceau est intimement lié à un sentiment. « La musique offre du rêve. On a tous besoin de cette soupape pour rêver, pour être emportés, sinon, on craque! On craque! »

Récemment, elle prenait position sur l’industrie de la musique, les redevances, le streaming, cette fois, elle en rajoute: « Ça fait 20 ans qu’on leur offre (aux internautes) la musique sur un plateau d’argent. Il y a des gens qui pensent que c’est acquis comme l’eau et l’air et tant mieux parce que ça redonne une place à la musique, et dans cet esprit, je ne veux pas que la musique ne soit plus accessible gratuitement au public, mais il y aurait dû y avoir une entente claire il y a quinze ans entre les gouvernements, les intermédiaires, etc. Les plates-formes de streaming et les câblodistributeurs doivent réaliser que la musique a un prix, il faut prendre conscience de la valeur de la musique. Ça coûte cher en faire. Les artistes ne sont pas juste des gratteux de guitare, c’est un métier, une profession. »

Florence K en spectacle.