Avec cet article, Paroles &  Musique présente une nouvelle série, La Musique pour de bon, qui raconte les histoires des organisations et d’initiatives visant à améliorer notre monde.

Quand une porte s’ouvre, 10 autres apparaissent. Après qu’un trio d’auteures-compositrices a écouté des Canadiennes d’un bout à l’autre du pays raconter leurs expériences en milieu de travail, cette idée est revenue, témoignage après témoignage.

« Il n’y a pas vraiment de plafond de verre », explique l’auteurx-compositeurice Jay « Your Hunni » Galluccio. « C’est plus comme une porte tournante. Tu reçois une promotion et tu te dis “plein de portes vont s’ouvrir après ça”, mais c,est plutôt 10 nouveaux obstacles qui apparaissent. C’est comme avancer dans un couloir sans fin. »

Lors de ces séances d’écoute approfondie, Your Hunni, l’artiste non binaire en pleine ascension, ainsi que ses compatriotes torontoises Madelyn Kirby et Meagan De Lima, ont joué le rôle du proverbial petit oiseau qui écoute discrètement. Écouter ces témoignages était une partie importante de leur rôle dans le programme Artiste en résidence de Lunar Studios et dans le projet de recherche national HeARTwork visant à promouvoir l’avancement des femmes dans des postes de direction. La résidence annuelle de Lunar Studios offre aux artistes émergent·e·s canadien·ne·s la possibilité d’utiliser leur musique comme outil de changement social. Conscious Economics a choisi ce trio pour cette résidence après travaillé avec ces artistes sur d’autres projets.

« Changing », une chanson émouvante écrite par Your Hunni, Kirby et De Lima, est le résultat de cette résidence d’un an. Serena Ryder était aux commandes de la production et c’est Brian Kobayakawa qui a mixé la chanson que le trio a créée en deux rapides séances. Bon nombre des phrases du texte sont des citations directes tirées des groupes de discussion tandis que le refrain est un cri de ralliement pour l’autonomisation des femmes [librement traduites ici] :

I’m not yours to break this time [tu ne me briseras pas cette fois-ci]
I’m taking back the fire I had when I started [je ravive la flamme qui m’habitait au début]
Like the burning sun I’ll rise [Comme le soleil brûlant, je me lèverai]
I am trying, fighting, changing
[J’essaie, je me bat, je change]

Lunar Studios, Changing

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« C’était très intense, » se souvient Madelyn Kirby à propos de cette expérience enrichissante et édifiante. « Écouter ces femmes de toutes les provinces canadiennes parler de leurs expériences, absorber toutes ces informations, tous ces sentiments et toutes ces émotions et les synthétiser dans une chanson a été facile et difficile en même temps. »

« Pendant notre première séance, on a trouvé les accords, et le premier couplet, le refrain et une partie du deuxième couplet », ajoute-t-elle. « Les paroles sont venues rapidement. Avant d’entrer dans le studio, nous avions toutes des notes, des trucs que ces femmes avaient vraiment dits qu’on avait encerclées ou soulignées. On les a manipulés pour qu’elles cadrent avec le reste de notre texte et de l’histoire qu’on voulait raconter. »

Les histoires racontées par ces femmes ont cependant engendré de la frustration et même un sentiment de désespoir pour Your Hunni. « Elles essayaient d’accomplir quelque chose de nouveau dans un système qui n’est pas conçu pour elles », dit-iel. « En même temps, j’ai été témoin de leur résilience incroyable et de leur ingéniosité pour trouver de nouvelles avenues vers leur avancement professionnel malgré tous les obstacles. »

Par pure coïncidence, la chanson a été enregistrée lors de la Journée internationale de la femme le 8 mars 2023, ce qui n’a pas manqué d’ajouter à l’énergie et à l’ambiance de la version finale. « Changing » a été lancé en tant que simple au cours de l’été 2023. Serena Ryder, en sa capacité de productrice du projet, a apporté quelques petites modifications au texte, aux harmonies et à la mélodie. « Ça mettait plus en évidence le point qu’on voulait faire passer », affirme Kirby. « C’est bien d’avoir la perspective d’une tierce partie quand tu travailles sur une chanson. »

« Il n’y a pas vraiment de plafond de verre, c’est plus comme une porte tournante » — Jay « Your Hunni » Galluccio

« Serena a écouté notre chanson et modifié le texte en fonction de sa propre carrière », explique Your Hunni. C’était très enrichissant d’apprendre d’une personne qui a vécu ces expériences dans l’industrie de la musique. »

Voici un bel exemple des modifications subtiles apportées par l’auteure-compositrice-interprète sept fois primée au JUNO : « Gonna burn this rulebook you made for them » [librement : « je vais brûler ces règles que tu as créés pour eux]. Les règles en question, évidemment, sont les politiques inhérentes aux milieux de travail écrites par et pour des hommes. La phrase originale était : « Gonna burn this rulebook you made for us » [librement : « je vais brûler ces règles que tu as créés pour nous]. Comme l’a expliqué Ryder aux trio, ces règles n’ont jamais été écrites pou les femmes.

Le trio d’artistes reconnaissant d’avoir participé à la création de cette chanson et espère également qu’elle sera vue par le plus grand nombre de personnes possible afin d’inspirer un vent de changement pour créer des environnements de travail plus inclusifs et plus équitables pour que les femmes puissent progresser dans leur carrière.

« J’essaie toujours de créer de la musique à partir de mon cœur », explique De Lima. « Si tu n’y mets pas ton cœur, quelle raison as-tu de faire quelque chose d’émotionnel? Su une chanson m’a aidé d’une manière ou d’une autre quand je l’ai écrite, mon but en la lançant dans l’univers est qu’elle aide quelqu’un d’autre… C’est ce que j’espère qui arrivera avec cette chanson. »



Après deux décennies passées dans divers groupes – Po’ Girl, Birds of Chicago et Our Native Daughters, notamment –, le premier album solo d’Allison Russell, paru en 2021, Outside Child, a été un succès retentissant, salué par tous pour la grâce et le courage dont elle a fait preuve en écrivant sur la maltraitance des enfants.

Outside Child a obtenu trois nominations aux Grammy Awards, un Americana Award en 2022, deux International Folk Music Awards, un JUNO en 2022 (elle est la première artiste noire à remporter le JUNO de la catégorie Album roots contemporain), trois Canadian Folk Music Awards et deux UK Americana Music Awards. À la télévision, on a pu la voir et l’entendre à Jimmy Kimmel Live!, Ellen, Late Night with Stephen Colbert, CBS Saturday Morning, Austin City Limits et The Kelly Clarkson Show.

En outre, Russell a fait ses débuts au Grand Ole Opry, au Country Music Hall of Fame et a donné une prestation au Gala 2022 des Grammys. Elle a également participé au « Joni Jam » de Joni Mitchell au Newport Folk Festival de 2023 et à l’amphithéâtre The Gorge dans l’État de Washington. Le 8 septembre 2023, elle est de retour avec The Returner, le deuxième album d’une trilogie.

Là où Outside Child parlait de briser le cycle de la maltraitance, The Returner parle de se réapproprier le présent malgré nos blessures. « Ça parle de se ré-incarner », explique-t-elle. « Il faut embrasser cette expérience humaine que nous vivons tous en ce moment, ici et maintenant, et de comprendre que nos joies et nos célébrations sont une force puissante contre les systèmes d’oppression. »

Allison Russell, Returner

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Le Returner est effectivement une célébration pleine de joie réalisée consciemment en « travail circulaire », c’est-à-dire une méthode de travail basée sur l’égalité et le partage du pouvoir entre les participants. « Je tiens à ce que les gens sachent que c’est le fruit d’un travail en cercle et que cette méthode de travail était nécessaire pour créer cet album. Chacune des femmes qui ont participé au processus de création est allée au-delà de ce que je pouvais attendre d’elles. Il n’y a pas d’artistes de deuxième ordre dans ce projet, que ce soit en studio ou sur scène. On travaille tout le temps en cercle, coude à coude. »

On y retrouve la « Rainbow Coalition », le groupe de musiciennes de Russell avec des invitées spéciales comme Wendy & Lisa, Brandi Carlile, Brandy Clark et Hozier. Russell a eu beaucoup de plaisir à jouer le rôle de coproductrice aux côtés de Dim Star, le pseudonyme qu’elle se donne avec son partenaire de vie J. T. Nero et Drew Lindsay, et les 10 pièces de l’album ont toutes été coécrites par le trio.

« J’ai réellement écrit ces chansons pour le cercle de femmes qui pourraient leur donner vie. Je savais qu’elles seraient capables d’élever cette musique. Je savais exactement de quoi chacune d’elles est capable vocalement. Je savais que je voulais des choeurs très axés sur la “chanson à répondre”, parce qu’au niveau de la sonorité, ça rappelle beaucoup un dialogue. Bref, on était toutes dans le même bateau. »

Cet esprit de corps est évident sur la première pièce, la chaleureuse et inspirante « Springtime ». On y entend d’abord la voix de Russell à laquelle se joint ensuite un chœur de voix jubilatoires qui dit adieu à la métaphore de l’obscurité en faveur d’une lumière transcendante. Sur la chanson titre, elle tourne la page sur son passé tragique et chante triomphalement son retour à sa vraie nature.

« Nos joies et nos célébrations sont une force puissante contre les systèmes d’oppression »



Et s’il n’y a jamais eu un seul hymne pour toutes celles et ceux qui traversent une intense douleur émotionnelle, c’est certainement « Stay Right Here ». C’est un morceau dansant à saveur disco qui a un groove irrésistible et un texte qui parle de la puissance de résister à l’appel de l’indifférence. « Chaque jour, il faut choisir de rester présente, ici, de ne pas écouter le chant des sirènes de l’oubli et de la haine de soi, de ne pas céder au lavage de cerveau des hiérarchies et des idéologies haineuses et toxiques qui ont été imposées à chacun d’entre nous à différents moments de notre vie. »

Maybe I’m swimming in happiness
But it’s an ocean of tears in my mind
All that my body can never forget
Why do good things make me cry?
Oooh, they make me wanna fly on back
Through that Hole in the sky

[librement : « Je nage peut-être dans le bonheur/Mais dans ma tête, c’est plutôt un océan de larmes/Tout ce que mon corps ne pourra jamais oublier/Pourquoi les bonnes choses me font-elles pleurer?/Oooh, elle me donnent envie de m’envoler/Vers le gros trou dans le ciel]

Un des plus beaux souvenirs de la création de l’album pour elle faut l’écriture de “All Without Within”. “Drew [Lindsay] m’a envoyé cette magnifique piste rythmique qui est totalement venue me chercher”, raconte l’artiste. “Ç’a comme ouvert les portes de mon subconscient et je me suis laissé porter par ce flot, si tu veux.” Lors d’une longue promenade avec son chien dans Shelby Bottoms, un parc nature de Nashville, Russell a écrit les mots “I love the smell of rain on dead leaves/Your arms ’round me when I’m angry” [librement : “j’aime l’odeur de la pluie sur les feuilles mortes/Tes bras qui m’enlacent quand je suis en colère”] inspirée par la nature qui l’entourait. “J’ai vraiment eu l’impression que cette promenade est devenue partie intégrante de la chanson, du texte et du rythme”, confie-t-elle. “Au final, on a changé l’approche rythmique en fonction de ce que j’avais écrit pendant cette promenade.”

Sur l’envoûtante “Snakelife”, chante la joie des survivantes et le fait de surmonter son envie de se débarrasser de sa peau noire. Elle y chante l’appropriation de son identité et le fait de porter ses ecchymoses et ses cicatrices comme des “bijoux du Botswana”.

Alors que Russell fuyait autrefois son traumatisme dans l’univers onirique de son imagination, elle écrit aujourd’hui des chansons qui parlent de créer un monde meilleur pour elle et les autres. Elle doit après tout prendre soin d’une fillette de 9 ans. “Ma motivation première en ce moment, c’est ma fille”, dit-elle. “Il y a des choses que je pouvais accepter pour moi que je ne peut tout simplement pas accepter pour elle.” Le message clé de The Returner est que la résilience vaut la peine d’être célébrée. Cependant, Allison Russell ne se contente pas de cueillir les fruits de la guérison pour elle-même : elle souhaite les partager avec tout le monde. Comme elle le dit, “on est tous des ‘returners’.”

I used to dream but now I write
I wield my words like spindles bright
To weave a world where every child
Is safe and loved
Is safe and loved
Is safe and loved
And Black is beautiful and good
[librement : “Avant, je rêvais, maintenant, j’écris/Je tisse mes mots /pour tisser un monde où chaque enfant/Est aimé et en sécurité/Aimé et en sécurité/Aimé et en sécurité/Être Noire est beau et bon]



Comme à notre habitude, on vous présente six jeunes as du beatmaking qui connaissent une belle ascension depuis quelques années et qui s’affairent à changer le paysage musical québécois sur les scènes hip-hop et électronique en 2023.

Chase Wav

ChaseWavCertains des plus grands producteurs québécois (Kaytranada et DaHeala pour ne nommer que ceux-là) ont connu un succès à l’international avant d’avoir une visibilité à la hauteur de leur talent chez eux.

On dirait que le même phénomène est en train de se produire avec Chase Wav, un artiste montréalais qui vient d’effectuer l’un des plus gros placements de l’année. C’est que l’une de ses compositions est devenue la chanson à succès Silver Platter, une pièce du chanteur américain Khalid, qu’on retrouve sur la bande originale d’un film indépendant à petit budget et peu médiatisé… Barbie.

Ce placement, Chase Wav le doit en partie à un ami (le producteur montréalais Jay Century) qui a fait connaissance avec l’ingénieur de son et producteur américain Denis Kosiak, bras droit de Khalid. « Jason a joué pendant un an aux jeux vidéos en ligne avec Denis. Leur relation s’est développée, et Jason lui a présenté sa musique et la mienne. À un moment donné, on m’a dit ‘’Hey Khalid a fait une chanson avec ce que t’as envoyé !’’ Quand je reçois des nouvelles de même qui sont trop grosses, je ne me fais pas trop d’idées. Ça a été un gros roller coaster, mais finalement, ça a fonctionné ! »

Sans bouder le marché québécois – il a d’ailleurs composé pour plusieurs artistes d’ici comme Zach Zoya, Naya Ali et Kallitechnis – Chase Wav sait depuis un moment que l’avenir de sa carrière se trouve aux États-Unis.

Depuis ses débuts hâtifs à l’âge de 12 ans, encouragé par son père (lui-même un producteur de R&B avec un tas d’instruments et de matériel d’enregistrement à portée de main), l’artiste a considérablement développé son univers musical et son réseau de contacts à l’étranger. Après avoir accompagné le producteur et chanteur montréalais Yonatan Ayal (du duo R&B Chiiild) à Los Angeles, les connexions se sont faites rapidement avec des artistes américains comme la chanteuse R&B Amber Mark et le rappeur DRAM. En 2016, son passage au réputé concours Battle of the Beatmakers, organisé par OVO (l’étiquette de Drake), lui a également permis de se faire nom au Canada.

Plusieurs sorties de grande envergure attendent Chase Wav dans les prochains mois, notamment avec Amber Mark et la chanteuse américaine Victoria Monét.

Funkywhat

FunkyWhat

Photo : Nader A

Funkywhat a eu une illumination il y a cinq ou six ans quand il est allé rendre visite à l’ami d’un ami, un mélomane qui avait ses murs placardés de vinyles et son appartement parsemé de MPC et de batteries électroniques. « Je l’ai vu prendre un vinyle, chop le break et l’échantillonner. J’avais toujours été intéressé à faire ça et, là, pour une fois, je voyais quelqu’un faire ça devant moi. »

C’était le début de quelque chose de gros pour l’artiste montréalais d’origine libano-marocaine, principal architecte du son de l’artiste indie R&B Magi Merlin (Bonsound). Le son qu’il propose avec la chanteuse montréalaise (ainsi qu’avec d’autres artistes comme Béli, dope.gng ou Kaya Hoax) est le résultat d’une vie passée à découvrir différents genres musicaux – d’abord la musique de ses parents, entre autres ‘’le gros soul américain’’ de James Brown, The Temptations et Ike & Tina Turner, et la musique arabe, notamment celle de la chanteuse égyptienne Oum Kalthoum.

Funkywhat doit également une partie de son bagage musical à son oncle, qui l’a initié très tôt à la guitare et à certains des artistes les plus influents de l’histoire américaine, comme Jimi Hendrix, Parliament/Funkadelic et Sly and the Family Stone. Tout ce qui est rap et R&B plus moderne lui vient de son frère (le rappeur Busy Nasa). « J’ai commencé à écouter A Tribe Called Quest, The Game, Biggie… Mais c’est quand j’ai découvert le hip-hop du sud et leurs expérimentations avec l’instrumentation funk et soul que j’ai eu envie de faire des beats. »

Le jeune beatmaker fait alors ses premiers pas dans la composition durant les Loop Sessions, mythiques soirées montréalaises où tous les producteurs clés de la scène se retrouvent pour créer, échanger et partager. Suite à une de ces soirées, il se lie d’amitié avec le producteur Senz Beats, qui lui donne un MPC défectueux. C’est avec cet instrument partiel qu’il poursuit son évolution musicale pendant quelque temps.

Une évolution qui, depuis, le pousse constamment vers des zones inusitées, novatrices, en particulier dans l’univers du R&B, terrain de jeu qui lui permet d’expérimenter, en flirtant avec la house et le hip-hop notamment.

Majosty

Majosty

Photo : Rondo Banks

Originaire de la Martinique, Majosty est d’abord et avant tout un mélomane. Il a analysé de fond en comble le R&B, le funk et la soul des années 1970, avant de se mettre à composer de la musique. Son éventail musical est toutefois beaucoup plus large que la musique américaine, et tout ça paraît maintenant dans son oeuvre : « J’ai été énormément influencé par la scène de chez moi dans les Caraïbes, donc le dancehall jamaïcain, le zouk, le kompa, sans oublier des artistes (…) comme Kalash ou Admiral T. »

C’est en 2013 que Majosty débarque pour une première fois au Québec. Il passe trois ans ici à étudier l’administration et les communications, avant de retourner chez lui.  C’est là-bas que son avenir se trace davantage. Comme si, tout d’un coup, toutes ses années passées à écouter de la musique avaient convergé vers un but précis. « Pendant un an, je passais au minimum 10 heures par jour sur Logic. C’est pas bon pour la santé, mais c’est bon pour progresser. »

C’est donc avec une toute nouvelle idée en tête qu’il revient à Montréal. Cette fois, il se dirige vers l’école Musitechnic pour apprendre les rouages du son et de l’enregistrement. Au passage, il se fait plein de contacts, en particulier des producteurs d’ici qui commencent alors à se faire un nom, comme KNY (de Banx & Ranx) et Neo Maestro (connu pour son travail avec Rymz notamment).

Depuis, Majosty a peaufiné son style, en explorant différents genres musicaux qui le passionnent, autant le rap et tous ses dérivés contemporains que l’afrobeat, le synthwave et, évidemment, le R&B. En travaillant aux côtés d’artistes de premier plan de notre relève (David Campana, Odreii, Nissa Seych, Shah Frank, Naomi), il amène de nouvelles couleurs à la pop québécoise.

Birdzonthetrack

BirdzonthetrackBirdzonthetrack serait entré au conservatoire s’il avait suivi le chemin auquel il était prédestiné. Sa mère l’a inscrit au piano classique dès l’âge de six ans, mais après toute une enfance à pianoter, l’artiste originaire de l’est de Montréal a senti qu’il avait fait le tour de la cassette. « Je commençais à être un peu tanné de tout ça. C’était trop calculé pour moi. Ça laissait pas de place à ma créativité. »

C’est vers le beatmaking qu’il se tourne à l’adolescence. Il regarde des vidéos de Future sur YouTube – des vidéos dans lesquelles le rappeur américain montre comment il fabrique ses beats. Le jeune Montréalais est inspiré. Dès le début de ses études collégiales, en 2017, il installe FL Studio sur son ordinateur et commence à composer ses propres musiques, inspirés par d’autres producteurs aux tutoriels populaires comme Alex Beat Genius.

Le premier artiste à qui Birdzonthetrack ose envoyer un beat, c’est nul autre que White-B. Le rappeur, qui connait alors un début de carrière prometteur, est en train de préparer son minialbum Blacklist, et il fait confiance au jeune producteur pour la réalisation de quelques chansons. Au passage, Lost (collègue de White-B dans le collectif 5sang14) se montre intéressé à sa musique. À peine un an après ses débuts sur FL Studio, le premier placement de Birdzonthetrack était fait : c’était celui de Bandito Story, chanson à succès de Lost parue en 2018.

Depuis, le producteur a fait son chemin sur la scène locale, collaborant avec plusieurs des rappeurs de la scène comme Shreez (Disques 7ième Ciel), Jeekay et Rosalvo. Grâce à ses contacts de plus en plus nombreux, il envisage également une percée du marché français. Récemment, il a collaboré avec des rappeurs connus de l’Hexagone comme LKS et Timal.  « Le moment où j’ai commencé à voir la musique comme une vraie carrière, c’est quand j’ai vu que je pouvais avoir des connexions en France. J’ai réussi à en faire quelques-unes, en restant à Montréal, mais là, je pars là-bas, directement sur le terrain, en novembre. »

Les influences trap emblématiques de ses premières productions ont maintenant laissé place à une plus grande diversité de styles, comme l’afrobeat, l’amapiano et la house. Et curieusement, c’est également la musique classique qui l’interpelle dernièrement. « J’écoute beaucoup de Mozart, de Beethoven, de Bach… »

Comme quoi les cours de piano classique étaient peut-être plus utiles que prévu.

Sarah Bergeron

Sarah BergeronSarah Bergeron sort d’un coma. La productrice montréalaise d’origine gaspésienne a eu l’impression que sa tête allait exploser il y a quelques semaines. Elle est donc rentrée d’urgence à l’hôpital pour traiter un important problème neurologique.

Elle va mieux maintenant. Son enthousiasme à peine contrôlé au téléphone en témoigne. Et on devine assez rapidement que cet enthousiasme n’est pas nouveau dans sa vie. Sarah Bergeron a de l’énergie à revendre.

Ses débuts musicaux remontent à l’enfance, alors qu’elle se met à emprunter la guitare de son père, inspirée par la musique qu’il écoute, notamment du Elvis Presley et du Emerson, Lake and Palmer. Elle suit des cours de guitare et, dès l’adolescence, ses horizons musicaux s’ouvrent : Sarah Bergeron écoute autant du John Coltrane et du Dead Kennedys que du rock progressif ou du Biggie.

Puis, il y a environ 10 ans, elle entend une chanson EDM qui marque son esprit : Animals du Néerlandais Martin Garrix. « Là, je me suis dit : ‘’Oh my god ! Je dois vraiment apprendre à produire de la musique !’’ J’étais captivée. J’ai installé FL Studio, et je me suis lancé là-dessus en débile. J’ai passé des heures incroyables à apprendre ça. »

Cinq ans plus tard, elle rencontre un gars dans un bar, un producteur du (sur)nom de Kriz Voogoel, qui a un studio avec un autre producteur montréalais, Godfatha Beats. Les deux compositeurs deviennent en quelque sorte les mentors de Sarah Bergeron. De surcroît, ils ouvrent la porte à ses premiers placements, avec des rappeurs bien connus de la métropole comme Cupidon et Lebza Khey (Seiha Studios).

Depuis, Sarah Bergeron a bel et bien pris son envol sur la scène montréalaise, collaborant notamment avec le rappeur Raccoon (Disques RER) et la chanteuse pop Carlyn (Indica Records). Après son été au repos, elle revient en lion en participant à un battle de beatmakers, prévu pour la fin du mois d’août dans le cadre du festival international de street dance JOAT à Montréal.

Simon Skylar

Simon SkylarC’était un jour banal dans la vie de Simon Skylar. Il avait huit ans, et ses parents lui avaient dit, en l’accompagnant à l’école : « On a une surprise pour toi ! » Comme n’importe qui de son âge, il s’attendait à un Nintendo, mais c’était loin d’être ça. « Je suis arrivé chez nous, et il y avait un piano dans le salon ! C’était particulier, car personne ne jouait de la musique chez nous. »

Le jeune Simon se met à suivre des cours de piano, mais le vrai coup de cœur musical arrive quelques années plus tard, au début de l’adolescence. Un ami lui montre le logiciel Virtual DJ, ce qui le motive de manière presque obsessive à construire des mixtapes. « Mais bon, à un moment donné, je me suis dit que ça serait cool de mettre mes propres tounes sur les mixtapes J’ai commencé à faire mes beats sur Garage Band et, ensuite, Logic. La première fois que j’ai ouvert ça (Logic), je me suis dit : ‘’OK, c’est ça que je fais de ma vie, je deviens producer!’’ »

Au départ, la musique de Simon Skylar suit la parade de l’électro et du EDM, teintée par le son des DJs américains et européens en vogue dans les années 2010 comme Mord Fustang, Wolfgang Gartner et, évidemment, Avicii. « Au début, ce que je faisais, c’était très loud, très technique. Je changeais de son aux demi-secondes. Avec le temps, tout s’est simplifié un peu. Je me concentre sur de la musique qui est l’fun à écouter… pas juste le fun à faire. »

Dans les dernières années, les horizons de Skylar se sont grandement ouverts, notamment au hip-hop, au R&B et à la pop québécoise. Épaulé par le populaire producteur local Domeno, Skylar a participé, à titre de producteur additionnel, à des chansons de Marc Dupré, Ludovick Bourgeois et Anthony Kavanagh.

Il vise maintenant le marché américain. En créant des boucles musicales pour la plateforme Cymatics, qui utilise par la suite ces échantillons pour garnir ses nombreux ‘’samplepacks’’ (des paquets d’échantillons destinés à être distribués à différents producteurs internationaux), Skylar a collaboré, en 2021, à la chanson Miss the Rage des rappeurs américains Playboi Carti et Trippie Redd.

Et, encore plus impressionnant, Simon Skylar vient tout juste de signer un contrat, qu’il désire garder secret, avec l’un des producteurs américains les plus acclamés de l’histoire du hip-hop.