« Je ne fais pas de la musique du monde. Je fais de la musique pour tout le monde ! » Élage Diouf n’aime pas cette tendance à catégoriser la musique : « En fait, je fais de la musique tout court. Et c’est elle, lors de la création, qui décide du genre qu’elle va prendre. Dans tout ce que je fais du point de vue musical, toujours j’amène ce que j’ai à offrir. Je me donne entière liberté musicale. »

 

On peut apprécier cette philosophie sur les pièces de son premier album solo, Aksil (Tacca Musique), en bonne partie interprétées en wolof, sa langue maternelle. « Je ne chante pas en français parce que je ne me sens pas à l’aise de chanter en français. Quand je chante en wolof, c’est là que je sors le plus. » Le français étant « une langue tellement belle », le chanteur-percussionniste laisse cela aux personnes qui peuvent bien la chanter. Il ne croit d’ailleurs pas ériger de barrière en s’exprimant en wolof, chaque langue chantée ayant sa part d’universalité. De plus, le wolof lui offre l’occasion de jouer avec la sonorité des mots. Tout ce qu’il lui importe, c’est que ses compositions expriment en toute honnêteté ce qu’il ressent, ce qui l’a inspiré, ce qu’il a à dire. Bien sûr, il aimerait être continuellement en tournée, avoir un large public – « Je suis un musicien, après tout ! » – mais pas au détriment de son authenticité.

 

Difficile de vivre de la musique du monde au Québec ? « Oui, c’est très difficile. La musique du monde, mais aussi le jazz, la musique classique. Après le Festival de Jazz, on ne parle plus de jazz. Les gens pensent que la musique du monde c’est juste Nuits d’Afrique. » Il déplore qu’il n’y ait pas une meilleure diffusion, surtout à la télé, d’artistes de tous genres, afin de mieux faire connaître ceux-ci, afin « de garder les artistes en vie ! Je trouve ça très dommage de voir un artiste qui maîtrise son instrument et qui n’a même pas la chance de le montrer ». Il remercie le fait que les frères Diouf aient eu une bonne étoile. « On a été chanceux. Parce qu’on a été enveloppés par Dédé [Gagnon] et qu’on a eu la possibilité de se faire valoir. Mais, il y en a beaucoup qui n’ont pas eu Dédé dans leur vie. »

 

Nombre de collaborations, notamment avec Les Colocs, Loco Locass, Ariane Moffatt, un premier album, Dund, un Prix Étoiles Galaxie de Radio-Canada, puis, plus récemment, le spectacle Delirium. Les frères Diouf semblaient inséparables. La fin d’une belle collaboration ? Pas du tout, affirme-t-il. Leur deuxième album était en gestation lorsque le Cirque du Soleil les a approchés pour une troisième fois. « Avant, on étaient dans plusieurs projets ; on ne pouvaient pas se libérer. Cette fois, on n’a pas dit non. » C’était le pactole ! « Tu peux pas demander plus que ça dans la vie. T’es payé, tu travailles, tu découvres le monde, tu rencontres des personnes », tel un ami de son quartier d’enfance, rencontré par hasard dans un taxi à Denver ; un moment béni.

 

Toutefois, cette tournée, qui devait à l’origine durer un an, fut plus longue que prévu. « Après trois ans, on avaient une vision différente de la musique, Karim et moi. Quand on est revenus, on est allés chacun dans son cheminement. » Pour l’instant. Tout est toujours possible, souligne-t-il. « Ça dépend où la musique nous mènera. »

 

Quand à lui : « Tout m’inspire. Même des gens qui parlent au loin. Leurs gestes. C’est inspirant. Sur la rue, des familles, des enfants, des couples. Mais je dirais souvent que mon inspiration, c’est la musique. Tout ce que j’entends. » Il aime tous les genres musicaux, qu’ils soient africain, celtique, reggae ou autres. Il est heureux d’avoir, au Québec, accès à tous ces styles, se réjouissant qu’ici la musique soit partout. Même dans l’une des deux ligues de foot dont il fait partie se retrouvent des amis qu’il a invités à devenir ses choristes, le temps de quelques tours de pistes, en studio.

 

« De voir quelqu’un sourire, c’est quelque chose qui m’inspire. Ça me rend joyeux », explique ce Québégalais toujours souriant, qui ponctue chacun de ses propos de rires. « Moi, j’ai décidé d’être heureux. D’ailleurs, chacun devrait passer à côté d’un cimetière, chaque jour, juste pour prendre conscience que tu es en vie. C’est là que tu réalises ce que tu es. Ça t’amène à réfléchir, à prendre conscience qu’il faut apprécier la vie, en profiter. »

 

Aujourd’hui dans la mi-trentaine, Élage Diouf y va de quelques souvenirs. Il a appris le français en regardant la télé et la percussion dans les rues de Dakar, en observant d’autres musiciens jouer. Il devait parfois marcher quotidiennement une dizaine de kilomètres dans l’espoir de pouvoir jouer et de gagner en expérience. « Je ne suis pas allé longtemps à l’école. À l’école, on nous battait. Quand tu ne savais pas quelque chose, que tu répondais pas à une question, on te battait. Comment veux-tu aimer l’école ? Les gens d’ici ne savent pas la chance qu’ils ont, toutes les possibilités qu’ils ont ! C’est pour ça que je dis que les voyages, c’est important. Ça te permet de découvrir autre chose. »