Bien avant l’avènement des mash-ups, les rockeurs canadiens The Kings ont connu le succès en combinant deux chansons différentes pour créer une pièce mémorable. Initialement, Elektra, leur label, a tenté de lancer « Switchin » to Glide » toute seule. Toutefois, le groupe avait toujours considéré cette pièce comme un enchaînement obligatoire après la pièce « This Beat Goes On », et ce n’est qu’après que les radios aient reçu les deux chansons enchaînées comme une seule pièce qu’elle a connu un immense succès commercial, passant plus de 20 semaines sur les palmarès Billboard. Le guitariste et cofondateur du groupe, John Picard – dont le nom de scène était Mister Zero – s’est remémoré le bon vieux temps et nous explique pourquoi, selon lui, être un « one hit wonder » est une source de fierté.
The Kings est sans aucun doute le seul groupe à pouvoir affirmer être originaire d’Oakville et de Vancouver. Comment vous êtes-vous rencontrés?
Je suis parolier et j’ai d’abord fait la connaissance de Sonny (Keyes, le claviériste) à Vancouver. C’est un pianiste remarquable qui écrit des chansons comme le font Elton John et Bernie Taupin, le genre de chanson où les mots viennent en premier. Nous avons commencé à collaborer et avons rapidement décidé que nous avions besoin d’un groupe. J’ai pensé à David [Diamond, basse et voix] avec qui j’allais au secondaire à Oakville. Je savais qu’il était dans un groupe hommage qui faisait la tournée des bars à temps plein. Sonny et moi lui avons présenté un démo et nous avons découvert que Dave était comme Sonny, un parolier hors pair. Il est donc devenu notre chanteur et avec l’arrivée de Max [Styles, batterie], nous sommes devenus WhistleKing, nom que nous avons plus tard changé pour The Kings.
Comment vous partagiez-vous la création des pièces?
Nous mettions tous l’épaule à la roue. Soit on a des idées ou on n’en a pas. Impossible de faire semblant. Heureusement pour nous, tous les membres du groupe étaient créatifs. Sonny et moi étions les principaux créateurs, mais on donnait une chance à toutes les idées de tous les membres. Nous faisons suffisamment confiance aux autres membres du groupe pour ça.
« Nous ne sommes jamais devenus millionnaires, mais nous avons une chanson que les gens adorent et qui a survécu aux époques. » – John Picard, The Kings
Comment était la scène musicale de l’époque? Comment vous sentez-vous, en tant qu’auteur-compositeur, lorsque vous interprétez les chansons des autres?
On se servait de ça pour jouer plus souvent, tu vois? On jouait du Cheap Trick, The Cars, des chansons d’Elvis Costello. On a aussi compris que lorsque tu crées un personnage, que tu donnes un bon « show », les propriétaires de bar aiment ça. Alors même si à la base on était un groupe « prog » un peu hippie, on était en mesure de donner des « shows » énergiques de chansons originales. On n’était pas un de ces groupes qui font des « covers » et qui poussent une de leurs chansons en plein milieu de leur « set ». On modifiait les chansons qu’on interprétait à notre sauce. Je n’ai jamais appris comment jouer le solo de guitare de quelqu’un d’autre. Je m’appropriais les chansons qu’on jouait. Comme nous adaptions nos « covers » à notre goût, la transition entre ces chansons et les nôtres était impeccable.
Vous dites que vous vous considériez comme un groupe « prog », mais pour bien des gens, The Kings était un groupe New Wave. Qu’en pensez-vous?
Le New Wave n’était qu’une étiquette de marketing, une mode passagère. Un peu comme dans les années 90 où tous les gens d’A&R se rendaient à Seattle pour trouver un groupe portant des chemises carreautées. Même chose avec le New Wave, mais c’étaient des cravates qu’on portait. On a commencé par jouer du bon vieux rock n’ roll, mais de fil en aiguille, on s’est mis à jouer des pièces plus « prog rock », des pièces plus longues. Puis, à un moment donné, on s’est dit « peut-être qu’on devrait essayer de composer des hits ».
Déjà, votre plus grand succès n’est pas une pièce pop typique de 3 minutes 30. Comment est-ce arrivé?
C’est bien vrai? « This Beat » et « Switchin » » n’étaient pas des pièces complètes en soi et on a pensé que ce serait chouette si on les joignait.
Quel a été l’apport de Bob Ezrin dans cette expérience?
Bob nous a tout appris sur l’art de l’enregistrement. On l’a rencontré au studio Nimbus 9, à Toronto, et il a emmené nos bandes avec lui chez Elektra Records à L.A. La petite histoire veut que lorsque les patrons du label l’ont écoutée, il y avait des jeunes juste à l’extérieur de leur bureau et ils se sont mis à danser. Et comme Bob venait tout juste de travailler sur l’album numéro 1 partout dans le monde – The Wall de Pink Floyd –, ils se sont dit « donnons-lui un budget pour enregistrer ces illustres inconnus ». Nous avions donc un budget.
Vous avez récemment lancé un DVD intitulé Anatomy of a One-Hit Wonder. Vous êtes en paix avec cette expression?
C’est plutôt une frappe préventive. [Rires] Nous voyons cela plutôt comme un honneur d’avoir connu un tel succès. Nous ne sommes jamais devenus millionnaires, mais nous avons une chanson que les gens adorent et qui a survécu aux époques. Quand on lit les commentaires des gens sous notre chanson sur YouTube, on constate bien que les gens ne nous ont pas oubliés, et juste pour ça, le jeu en a valu la chandelle. C’est quand même pas mal pour quelques gars de Toronto.