Selon la « science » de Wikipédia, Apophis est un astéroïde géocroiseur de type sidérite, mesurant environ 325 mètres de diamètre. Il suit une orbite proche de celle de la Terre qu’il croise deux fois à chacune de ses révolutions. C’est aussi le nom du plus récent single de Choses Sauvages, une pièce qui dure 3 minutes 41 secondes pour la radio, mais 9 minutes pile pour les initiés. Un an après la sortie de son premier album homonyme, on a rencontré le groupe au 180g, à Montréal, autour d’une assiette de patates et de bacon.

PHOTO Pour les gars de Choses Sauvages, le nerf de la guerre durant la dernière année, ça a été les shows. « On l’a solidifié et on l’a amené plus loin, explique Félix Bélisle (voix et basse). On sait que notre force, c’est la scène. » Tommy Bélisle (claviers et voix) est d’accord : c’est devant un public que le groupe s’accomplit le plus. « Quand on a commencé la tournée, ça faisait déjà un bout que les tounes étaient écrites, se souvient-il. On avait déjà envie d’aller ailleurs, d’explorer, d’adapter notre show. »

Le groupe a passé la dernière année sur les routes du Québec, entre autres avec Foreign Diplomats, mais aussi avec Half Moon Run qui, de par son envergure, a mené les gars loin de leurs fans habituels. « C’est arrivé qu’on joue devant juste des têtes blanches, dit Tommy. On a fait des shows devant des salles complètement assises. » C’est ainsi qu’ils ont visité l’aspect malléable de leur matériel. Rien n’est figé dans la musique de Choses Sauvages; c’est un casse-tête qui renouvelle constamment ses morceaux.

Le deuxième album a évidemment habité leurs esprits tôt dans l’histoire comme le groupe choisissait une nouvelle tangente d’exploration électro qui leur plaisait beaucoup. « Sur scène, tout est différent, croit Marc-Antoine Barbier (guitare et voix). L’album qu’on va faire va être plus proche de notre manière de jouer. Ça va être moins liché. On avait beaucoup aimé la réalisation de Manu (Emmanuel Éthier), mais notre attitude punk, dansante, party, c’est ce qui marche pour nous maintenant. » « Pour ce qui s’en vient, on est vraiment dans une exploration kraut électro », renchérit Félix.

C’est dans l’optique de mettre la table pour la suite que Choses Sauvages s’offrira une expérimentation totale dans le cadre de Coup de Cœur francophone, une semaine après avoir gagné ou perdu son premier Félix à l’ADISQ (Album de l’année – Alternatif). Le show « rewerk », présenté le 8 novembre au Club Soda, à Montréal, sera une occasion de décloisonner les genres et d’étirer tous les élastiques du style. « On revisite l’album sous des formes plus électroniques, avance Marc-Antoine. Il y a probablement des chansons qui vont être sur le prochain album. Il y a moins de drum, plus de drum machine et on ne veut pas d’interruption pour dire ”hey salut Montréal”. Ça va être une heure et demie de musique en continu. »

Le groupe a l’impression de faire d’une pierre deux coups en ce qui a trait aux sonorités singulières qu’il propage : Il y a un public pour tout; il y a un public pour ce qui les rend heureux. « On travaille pour nous, mais on sait qu’il y a une demande dans le milieu », dit Thierry Malépart (claviers et voix). « Pendant la sortie de notre premier album, plusieurs choses se passaient, ajoute Félix. Hubert (Lenoir) et Les Louanges étaient encore au début de leurs trucs. On n’entendait pas nécessairement ce qu’on voulait entendre sur la scène musicale du Québec. »

« Maladie d’amour (Jimmy Hunt, 2013), c’était notre référence et on n’était pas exactement là, non plus, explique Tommy. Le Québec a eu son folk, il a eu son rap. Il est content d’avoir autre chose. » « Les gens ont-ils demandé ça? Peut-être, estime Thierry. On savait que nous, c’est là qu’on s’en allait. »

Très autonome dans son voyage au cœur de la scène musicale, le groupe apprécie l’idée d’avoir les deux mains dans son produit jusqu’aux coudes. C’est pourquoi leur maison de disques est, pour eux, un match parfait. « Audiogram nous laisse vraiment libres, dit Philippe Gauthier Boudreau (batterie et voix). Ils sont embarqués au moment où l’album était fini. »

C’est donc peut-être un mal pour un bien si leurs essais auprès des concours n’ont pas été fructueux. La débrouillardise s’est empressée de chasser toutes les mauvaises nouvelles. « Les Francouvertes n’ont pas voulu de nous », se rappelle Félix avec humour. « Personne voulait de nous », admet Philippe. « Ça a fait en sorte que quand on est arrivé dans la vraie game, on avait déjà autoproduit nos shows sans encadrement. On avait juste Marie-Clarys (leur gérante) avec nous autres. »

L’automne 2020 devrait voir naître la seconde galette de Choses Sauvages, un disque où l’on pourra entendre le fruit des soirées qui n’ont pas vraiment de fin, des jams infinis dans des appartements de Montréal devant une poignée d’amis qui savent fêter. « Les drums machines, c’est un gros ajout, dit Marc-Antoine. Ça va paraître. » « On va aussi se permettre de faire des tounes de six minutes et de sortir de la formule ”chanson” », annonce Tommy.

Les garçons hiberneront ensemble en cogitant sur chacune des prochaines chansons et l’objectif ensuite sera de conquérir l’Europe. « Et de se faire des nouveaux amis pour la vie, aussi », plaisante Félix. Oui, oui, des amis. Pour la vie.