Les choses ne pourraient aller mieux pour AHI, et ce, depuis 2016.

L’auteur-compositeur-interprète folk-pop plein de « soul » — né Akinoah H. Izarh (son nom de scène étant ses initiales, que l’on prononce « aï », comme le « je » anglais) — s’est d’abord retrouvé sur le Top 50 folk de Spotify dès 2016. Puis, en 2017, il a remporté le prix de l’auteur-compositeur-interprète folk dans le cadre de la Canadian Songwriting Competition ainsi que le Stingray Rising Star Award (pour sa chanson « Ol’ Sweet Day ») lors de la conférence Folk Music Ontario (FMO). L’année suivante, il a remporté le prix de l’artiste de l’année lors de la même conférence. Début 2018, il est invité à donner une prestation dans le cadre de la prestigieuse série Tiny Desk Concert de la National Public Radio diffusée partout aux États-Unis. Il a depuis été mis sous contrat par la maison de disque américaine Thirty Tigers où sont également signés Jason Isbell, Patty Griffin et Sturgill Simpson, pour ne nommer que ceux-là. Il a également conclu une entente avec l’agence de spectacles Paradigm Talent qui lui a permis d’assurer la première partie de la légendaire chanteuse soul Mavis Staples au Massey Hall de Toronto. Il a récemment chanté « Made It Home » dans le cadre de l’émission à diffusion nationale CBS This Morning. Et son album In Our Time a été inscrit pour considération dans le cadre des prix Grammy. Comme il le chante sur la première chanson de cet album, « Breakin’ Ground » : « Since the blessings started pouring down/See, I’m already losing count » (librement : depuis que ces bénédictions ont commencé à tomber du ciel/je n’arrive plus à les compter).

« Je n’étais probablement pas dans une situation optimiste lorsque j’ai écrit ça », dit AHI. « J’en arrachais probablement, j’avais de la difficulté à faire ma place dans l’industrie de la musique. Mais il faut persévérer et écrire des trucs qui nous inspirent… On sait qu’ils finiront par arriver. J’ai toujours su, dans ma carrière, que quand il pleut, il tombe des cordes. J’ai toujours eu cet état d’esprit : ce qui doit arriver arrivera, et ça arrivera vite. »

Et ça ne pourrait arriver à quelqu’un de plus sympathique. AHI est si candide, authentique et charmant — que ce soit dans ses chansons, sur scène ou dans ses interactions personnelles avec son auditoire, tout ça sans jamais être édulcoré — qu’il semble conquérir chaque personne qu’il croise. Il est si modeste que c’est dans un Tim Horton’s du quartier torontois Jane and Finch qu’il a choisi de nous rencontrer pour cette entrevue.

Le parcours professionnel d’AHI est unique. Avant de pouvoir gagner sa vie avec la musique, il était plus ou moins nomade, se baladant, avec son sac à dos, de l’Éthiopie à Trinidad en passant par Thunder Bay. C’est dans une petite bourgade non loin de Thunder Bay, dans ce qui est aujourd’hui un « truck stop » abandonné, qu’il a réalisé quel était son destin. « Ce fut une épiphanie », dit-il, « c’est à ce moment que j’ai finalement accepté que j’allais faire de la musique pour le reste de ma vie. Je m’amusais avec la musique, mais rien de sérieux. Je voulais voir le monde. J’étais en profonde introspection. Ce moment de dépression a changé ma vie… il m’a fait aller de l’avant et me concentrer sur ce que je suis capable d’accomplir. »

« J’ai toujours su, dans ma carrière, que quand il pleut, il tombe des cordes. »

Armé de sa guitare acoustique, de sa voix rauque unique et, occasionnellement, d’un chœur ou d’un quatuor à cordes, la musique d’AHI sur son disque In Our Time est un ode aux joies de la vie même lorsqu’il porte sur nos luttes quotidiennes. Il écrit des chansons où il est question d’aller de l’avant avec conviction (« Breakin’ Ground », « Straight Ahead »), de conscience sociale enracinée dans le quotidien, de la nécessité de se battre pour l’égalité et la justice (« We Want Enough », « In Our Time »), ainsi que de la valeur inestimable de l’amour et de la famille (« Made It Home », « Five Butterflies »).

La famille est cruciale. « À chaque voyage que j’ai fait, un thème devenait récurrent : arrête de bouger, retourne à la maison », confie-t-il. « Arrête de chercher partout, les réponses sont en toi… C’est le message que recevais chaque fois. La maison sera toujours quelque chose d’important pour moi. Peu importe comment chacun de nous conçoit ce qu’est la maison, nous avons tous ce sentiment d’appartenance. Ou cette absence de sentiment d’appartenance. »

Les conseils créatifs d’AHI

  • « Écris tout. Aucune importance si ça te rend inconfortable, aucune importance si ça semble ne pas être ton genre de chanson ; écris tout ce qui te passe par la tête. »
  • « Si les gens ne réagissent pas à tes créations, continue de créer. Ils finiront par y répondre, un jour ou l’autre, si ta proposition est honnête. »
  • « Avant d’écrire une chanson, écris tes idées et assure-toi de retourner cent fois sur le métier… On peut toujours écrire quelque chose de mieux. »

Quant à sa demeure — qu’il partage avec sa femme et cogérante Ashaten ainsi que leurs trois enfants éduqués à la maison —, AHI doit commencer à envisager de partir en tournée sans eux. Partir en tournée avec eux à cette étape-ci de sa carrière annulerait tout profit qu’il pourrait retirer pour soutenir la famille une fois la tournée terminée. Il teste donc les eaux, pour l’instant.

Heureusement, il peut quand même les emmener avec lui lors de voyages de création, et il écrit principalement à la maison. « J’ai un livre plein de titres », explique-t-il au sujet de son processus créatif. « Un jour, j’ai épluché le dictionnaire et noté tous les mots que je trouve “cool”. J’ai, dans mon ordi, un dossier qui ne contient que des phrases. J’écris une ligne ou une phrase que sonne “cool”. J’ai un autre dossier où il n’y a que des mélodies, beaucoup de mélodies me viennent dans mes rêves. Je me dis qu’à un moment ou un autre, certains de ces éléments vont finir par se réunir. En général, j’attrape ma guitare et je joue… Si j’ai imaginé une mélodie, j’essaie de la reproduire à la guitare. À l’inverse, je vais parfois simplement la gratter et quelque chose va en ressortir. C’était rare, auparavant, que j’aie des paroles pour ensuite les mettre en musique, mais je suis de plus en plus ouvert à cette façon de faire. »

Travailler à Nashville a également eu une influence sur sa perspective créative. « Je dis toujours qu’avant d’aller à Nashville, j’écrivais des chansons, mais qu’après Nashville, je suis devenu un auteur-compositeur… Là-bas, ils écrivent avec efficience, créativité, tout le monde travaille très vite, go-go-go, mais ils sont si créatifs et prêts à essayer des trucs… Et pas seulement du country. Toutes les personnes qui se rendent là-bas et participent à un album country sont passionnées par d’autres genres musicaux. » Alors, avant dans de réussites déjà à son actif, que réserve l’avenir à AHI ?

Début 2019, il assurera la première partie durant la tournée américaine de Lauren Daigle et Scott Mulvahill dans des théâtres avec fauteuils. Comme le dit sa chanson, le meilleur est à venir.