Ils ne sont pas les premiers à le clamer : la musique rassemble les gens. Avec ses rythmes électroniques et sa basse, Jean-François Lemieux a voulu tisser des liens avec ce qu’il ne connaissait pas encore et c’est ainsi qu’Afrikana Soul Sister a vu le jour. D’origine malienne, Djely Tapa pose sa voix sur les rythmes dansants alors que les percussions de Joannie Labelle et de Fa Cissokho donnent une dimension plus humaine à l’aspect « froid » des musiques d’ordinateur. Et la magie opère…

« J’ai toujours eu un intérêt pour la musique du monde en général », lance d’entrée de jeu Jean-François Lemieux, même s’il admet qu’il doit une bonne partie d’Afrikana Soul Sister au hasard. La musique électro est, selon lui, la musique qui permet de sortir de sa zone de confort le plus facilement. « Ce qui est simple avec l’électro, c’est qu’on fait des échantillonnages et on mélange des époques et des endroits, explique-t-il. J’ai fait un voyage au Maroc et je suis revenu avec de nombreuses idées. »

Une fois à Montréal, il a voulu faire un voyage en Afrique tout en restant chez lui. « Par l’entremise d’une amie, j’ai rencontré des musiciens africains et c’était parti », se rappelle Jean-François. Et même s’il perçoit la musique comme une business, il était néanmoins important pour lui de s’ouvrir à ce que les rythmes signifient ailleurs. « Ça fait 35 ans que je gagne ma vie dans le milieu, pour moi c’est une source de revenus, mais en Afrique, la musique a une vocation différente, elle a un rôle social d’abord et elle est même utilisée pour guérir, ou à des fins de rituels », note le musicien.

Il est donc primordial pour lui d’avoir l’approbation de la communauté africaine, il veut se faire expliquer le sens de ce qu’ils jouent en groupe. « C’était important pour moi d’avoir un échange, assure-t-il. Il faut que ce soit une rencontre entre leurs rythmes traditionnels et ce que je fais. Ils n’ont pas les mêmes codes que moi, c’est pourquoi j’ai choisi la house, car c’est la musique qui est la plus proche de leur son. » Cela fait d’ailleurs partie de leur façon de travailler : Jean-François laisse libre cours aux idées, et tout finit souvent en jam, mais il souhaite comprendre les messages a posteriori.

Pour Jean-François, Djely Tapa et Fa Cissokho ne sont pas que des musiciens. « C’est important d’aller au-delà de la création, car, en Afrique, les gens qui ont une aptitude pour la musique sont avant tout des gardiens de la tradition, des médiateurs sociaux, dit-il. C’est essentiel de toujours comprendre le code de l’autre quand tu joues de la musique. »

Rassembleurs, ils font de la musique non pas pour eux, mais pour faire plaisir aux gens. « On joue beaucoup dans les festivals l’été, des clubs, devant des gens de tous les âges, énumère le musicien. On veut faire un croisement entre le world et l’électronique », comme pour soumettre au public quelques bribes de culture en plein cœur d’une musique dansante.

C’est ainsi que le groupe s’adapte à toutes les foules : « On va faire un spectacle d’après-midi grand public et on va jouer dans un club le soir », énonce-t-il en précisant qu’un objectif commun au groupe est d’atteindre la scène d’un évènement comme le Piknic Électronik. « Dans la culture des DJs, il n’y a pas de musiciens ou de chanteurs sur scène, ce qui nous nuit, mais on aimerait démontrer que les frontières de la musique sont moins étanches que ça. »

La prochaine année devrait voir naître un nouvel EP pour le groupe qui a fait paraître son premier album homonyme en 2017. « On sent une vague d’intérêt pour les genres qui nous ressemblent, tout ce qui touche à l’électro africain comme Pierre Kwenders par exemple. Mais humblement, ce qu’on fait, je n’en ai pas entendu énormément », soutient Jean-François.

Avec Instagram le groupe commence à se faire des amis un peu partout et songe à aller jouer ailleurs quand les circonstances seront propices. « Il y a quand même un mouvement qui existe grâce à Samito, Ngabo et les autres, souligne-t-il. Mon but, c’est de mettre de l’avant l’aspect de communauté qui existe dans les racines de notre son. »

Une part d’impro et une part de gestes calculés qualifient les prestations d’Afrikana Soul Sister, ce qui donne une vibe festive à toutes leurs sorties. « Ce qui nous fait le plus plaisir, c’est quand des Africains viennent à nos spectacles, qu’ils dansent et qu’ils nous disent qu’ils aiment ça, dit Jean-François. Le reste, c’est pas important ! »